Les USA et leur projet hégémonique dans la région des Grands Lacs

            Depuis l'effondrement de l'Union Soviétique au début des années 1990, les USA se sont vu au dessus de tous et de tout. Alors que l'existence du système socialiste créait un certain équilibre au sein des forces qui dominent ce monde, sa disparition a engendré un certain vide et un déséquilibre dans le système socio-économique et militaire de notre planète. Jusque vers la fin de la guerre en 1994, les USA avaient fait semblant d'ignorer ce qui s'était passé au Rwanda depuis 1990, même pendant les grands massacres de 1994. Pourtant, la prise du pouvoir par le FPR à Kigali a été salutaire pour les autorités de ce grand pays. En effet, dans son projet hégémonique, les USA se sont toujours opposés à toute idée d'intervention militaire de la communauté internationale pour arrêter la guerre en 1994. Cela n'était pas neutre et sans arrière pensée. Dès juillet de cette même année, des troupes militaires américaines ont débarqué au Rwanda sous le paravent de la reconstruction de ce pays. Ayant depuis longtemps convoités la région du BUGESERA pour y mettre une base militaire (ce qui n'avait pas été possible durant le règne des républiques précédentes), les USA venaient de trouver une occasion, selon la presse internationale, pour s'implanter dans la région. Dans la suite, ce vieux projet a été mis en veilleuse. La conquête et l'occupation du Zaïre, avec ses immenses richesses économiques et sa position stratégique sur le continent noir ont été prépondérantes.

 

            Hormis les américains qui n'ont pas caché leur sympathie au nouveau régime de Kigali, les anglais vont leur emboîter le pas. La coopération avec les pays anglophones en général va vite se mettre en place. C'est l'hégémonie anglo-saxonne qui menaça la région. La langue anglaise, sans même que la Constitution soit remaniée, fut utilisée par les soldats ougando-rwandais comme une langue officielle* . Une campagne médiatique anglo-saxonne menée contre les hutu commença. Même les agents anglophones d'Amnesty International, qui étaient censé être neutres dans le conflit vont clairement avoir un parti pris.

 

            C'est ainsi que le physicien anglais Peter Hall, dont les connaissances en Physique ne sont pas pourtant à mettre en doute, va officiellement déclarer que tous les corps humains déterrés dans les fosses communes au Rwanda après 1994 étaient uniquement ceux des tutsi. Comment a-t-il pu distinguer les os d'un tutsi de ceux d'un hutu, d'autant plus que la responsabilité dans les massacres ethniques survenus au Rwanda en Avril 1994 était partagée entre les deux protagonistes?

           

            La coopération des américains avec le FPR va dans la suite se renforcer de telle façon que les américains ne voulaient même pas entendre une possibilité pour les hutu de retourner dans leur pays par la voie des armes. C'est ainsi que partout, ils chantaient que les camps des réfugiés hutu étaient devenus des bases d'entraînement. C'est suite à cette machination qu'ils ont armé et entraîné le FPR afin d'attaquer le Zaïre sous le nom des rebelles "abanyamurenge". Cette attaque des camps des réfugiés de l'ONU qui, dans les conditions normales, devait être condamnée par la communauté internationale a même été encouragée, puisque cette communauté voulait seulement leur laisser un couloir pour rentrer au Rwanda. Elle connaissait pourtant que les attaquants venaient du Rwanda et qu'ils étaient soutenu par ce même pays. Les USA, qui avaient armé les agresseurs du Zaïre jusqu'au dents se sont même opposés à la proposition d'envoi d'une force humanitaire internationale qui devait secourir ces réfugiés. Pour les américains, le problème des réfugiés rwandais  à ce moment-là était un problème de second ordre. Ce qui importait, c'était la conquête des richesses du Zaïre.

 

            La tactique utilisée par les pays occidentaux, particulièrement les USA, dans le chaos des pays des Grands Lacs peut ainsi se résumer en ces mots: pour mieux sauter, il faut reculer. En effet, le silence masqué qui a guidé ces pays face à l'agression du Rwanda par l'Ouganda en 1990, l'abandon* du peuple rwandais en désarroi lors des massacres respectivement en  avril 1994 et lors de la guerre au Zaïre en 1996, pour ne citer que ces deux exemples, ont montré que tout cela était le résultat d'une politique délibérée des grandes puissances occidentales qui se livraient une lutte voilée, mais assez criminelle pour les africains, afin de se succéder au fauteuil de domination dans les pays des Grands Lacs. C'est ainsi qu'après la chute du pouvoir de Mobutu, les Etats Unis ont admis qu'ils ont activement participé à cette chute en armant le FPR et en l'entraînant. Des soldats américains ont même été sur le sol zaïrois pour soutenir le FPR et les abanyamurenge. Bien avant même cette chute, des entreprises pillards américaines avaient déjà conclu avec KABILA des contrats d'exploitation des mines dans la riche province du Katanga alors occupée par les mercenaires de KABILA.

 

            Pourquoi les Etats Unis ont-ils préféré mener une guerre contre un général MOBUTU alors moribond? Son état de santé ne lui laissait à peine que quelques mois de survie. Pourquoi ont-ils conclu des accords d'exploitation des mines avec les rebelles alors que le gouvernement officiellement reconnu était encore en place? Pourquoi pendant les massacres au Rwanda de 1994, l'ambassadeur du Rwanda auprès des Nations Unies a été chassé par les américains. C'est vrai qu'il était hutu, mais les massacres ont eu lieu alors qu'il faisait sa carrière diplomatique aux USA. Tout cela montre que les pays dits "développés" et en particulier les Etats Unis, ont leur propre vision sur le monde. L'impérialisme américain ne voulait pas du tout rater l'occasion qui s'était présentée de remplacer les européens dans les pays des Grands Lacs. Avec la conquête du Rwanda qui a servie particulièrement de tremplin pour attaquer le Zaïre, les américains voyaient leur rêve de piller en maître le Zaïre prêt à se réaliser. Si actuellement, la guerre froide semble avoir terminée, les raisons profondes qui l'avaient poussée à être engagée persistent encore.

 

            Le comportement de l'Etat américain dans les conflits de ce monde pousse à se demander si certaines valeurs démocratiques sont standards et universelles. En effet, ce sont les USA qui essayent de donner plus de leçons aux autres Etats en ce qui concerne la démocratie. Or, l'histoire nous montre que dès la première guerre mondiale et même bien avant, les dirigeants de ce puissant pays soi-disant démocratique devaient, si justice il y avait, être traduits devant les tribunaux internationaux ayant la compétence de juger les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et les génocides. A titre d'exemple, citons: la honteuse guerre du VIETNAM où les américains se sont distingués par une animosité sans semblable sous le prétexte de lutter contre le communisme, le génocide au CAMBODGE où Pol Pot était l'homme incontestable des américains, en ANGOLA où l'UNITA était l'outil de l'impérialisme américain, au SOUDAN où des milliers de personnes continuent de mourir suite à une sale guerre des religions soutenue par les USA ou encore au CHILI où le général Pinochet a été mis au pouvoir par les américains après un putch sanglant. Pinochet a dans la suite exterminé plusieurs chiliens sur simple consigne des américains. L'expérience tragique du Soudan devrait faire comprendre aux impérialistes américains que: qu'on soit animiste ou musulman, communiste ou capitaliste, le droit à la nourriture est un droit le plus élémentaire de l'être humain. Dans la recherche prospective visant son hégémonie sur le reste du Monde, l’Occident et en particulier les USA, base sa stratégie de développement sur la violence, le cynisme, le racisme, tout cela constituant une source de pillage des richesses du Tiers Monde. Le racisme des occidentaux, qui exclue automatiquement les africains, comme le définit D. Banota, est loin d’être une propriété de niveau individuel mais est défini par une nécessité économique de pillage configurée au niveau collectif en Occident. Toute cette stratégie relève d’une réflexion mûrie et à long terme d’un plan global visant à empêcher le continent noir à se développer d’une manière autonome et donc incontrôlée par l’Occident. La politique extérieure des USA en matière de mondialisation de la démocratie constitue ainsi une catastrophe humaine pour plusieurs peuples.

 

 

 

Un minimum de respect pour un Président* de la République.

            Alors que Habyarimana rentrait d'une réunion importante qui devait mettre en place les institutions de transition démocratique, son avion fut abattu à l'aéroport international Grégoire Kayibanda. Cet aéroport avait été l'objet de convoitise des différents contingents de la MINUAR stationnées à Kigali. Finalement, c'était le contingent belge qui avait obtenu gain de cause pour assurer la sécurité de cet aéroport. Au moment de la rédaction de ces lignes, c-à-d cinq ans après les événements tragiques du Rwanda, les Nations Unies n'ont jamais voulu montrer officiellement ce qui s'est produit cette nuit là. C'est une attitude inamicale et humiliante, non seulement envers feu les présidents (et les autres victimes de l'attentat), mais aussi et surtout envers le peuple rwandais qui a été directement entraîné dans les massacres. Dans une lettre officielle adressée aux hauts dirigeants de ce monde, les détenus d'Arusha écrivent: "le comportement inamical de certains pays traditionnellement amis du Rwanda s'est progressivement précisé et leur engagement au côté du FPR s'est avéré déterminent dans sa guerre de reconquête du pouvoir par les armes"[1]. Un pays comme la Belgique, dont les soldats campaient dans la zone où s'est produit l'accident, continue toujours de garder son silence. Pourtant, il était parmi les meilleurs amis du Rwanda.

           

            Ce n'était pas pour la première fois dans l'histoire qu'un attentat contre une haute personnalité politique d'un pays conduisait à des massacres. Il y a lieu d'évoquer la raison de la première guerre mondiale où l'attentat mortel contre un prince avait fait basculer toute l'humanité dans l'horreur. Faisant un peu allusion à l'histoire, il y avait donc lieu de prévenir ce qui allait se passer après la mort des deux présidents afin d'éviter le pire. C'est pourquoi, il y a lieu de croire que les auteurs de l'attentat s'attendaient à tout. Ils n'ont pas du tout été étonné outre mesure de la suite donnée à ce crime qu'ils avaient minutieusement préparé. Ils n'ont pas non plus été pris au dépourvu par la guerre qui allait s'intensifier, c'était le contraire. C'était le début de la réussite de leur plan. D'ailleurs, l'assassinat tragique du président NDADAYE du Burundi en 1993, tué également par les tutsi, montre bien à quel degré l'élimination des dirigeants hutu dans les pays des Grands Lacs était soigneusement préparée. Cet assassinat s'est lui aussi suivi par une monstrueuse élimination du peuple burundais. Décidément, la solidarité sanguinaire des dirigeants tutsi des pays des Grands Lacs continue d'échapper à la vigilance de la communauté internationale.

 

            Ceci étant, les deux présidents rwandais et burundais ont été abattus comme des oiseaux qui survolaient l'aéroport Grégoire Kayibanda. Pourtant, cet aéroport était supposé être gardé par des troupes assez expérimentés et bien équipés. Il est plus que normal de demander que ceux qui étaient chargé de garder l'aéroport mettent au clair ce qui s'est produit cette nuit là. Qu'ils expliquent aux peuples rwandais et burundais ce qu'ils ont fait pour protéger  l'aéroport. Pourtant, sous la pression des parents des 10 casques bleus tués à Kigali, une enquête parlementaire belge a été ouverte pour déterminer la cause de leur mort. Sans toutefois vouloir mettre en cause la nécessité et la pertinence de cette enquête, il y a lieu de se demander pourquoi on a élucidé le problème des soldats tués alors qu'ils gardaient l'aéroport et l'enquête de celui qui était sensé être gardé a été mise en oubliette. Cela devrait servir de leçon à certains dirigeants des pays en développement, qui trouvent encore en des armées étrangères stationnées sur leur territoire (même s'il y a eu des accords bilatéraux y relatifs), une force de  protection de leurs pays. Plus d'illusions!

 

 

 

 



* Le Major Kagame , lors de sa première prestation de serment comme premier Vice Président dans l'histoire de la république rwandaise, a parlé uniquement en anglais.

* Tout le personnel des missions diplomatiques et consulaires accrédités à Kigali ainsi qu'une grande partie de la MINUAR [mission militaire des Nations Unies pour le Rwanda], ont plié bagage au moment des massacres de 1994. Puisqu'on savait qu'ils ne partaient pas définitivement, voulaient-ils partir pour ne trouver qu'un pays vide au retour?

 

* Par Président de la République, je veux dire un président élu démocratiquement par la majorité de la population. Les différentes manoeuvres politiciennes destinées à mettre au trône tel ou tel autre personne sont à prohiber (suffrage indirect, consensus entre les diverses forces politiques ou militaires, etc.). Nous considérons que des présidents arrivés au pouvoir de cette façon ne représentent que des forces qui les ont mis au pouvoir et ne peuvent jamais représenter leurs peuples. De tels chefs ne devraient régner que dans des situations extraordinaires de transition et pour une durée assez limitée ne dépassant pas toutefois une année. D'ailleurs, même pour les présidents élus démocratiquement, leur mandat devrait se limiter à une période bien précis et directement non renouvelable. Tout ceci se ferait dans le souci de préserver les grands principes de la démocratie.

[1]  Lettre des détenus d'Arusha  adressée aux hauts responsables de ce monde, Arusha, janvier 2000