CONSIDERATIONS GENERALES SUR LE MOUVEMENT DE LIBERATION DE GITARAMA DU 28 JANVIER 1961.

Par Thaddée Bagaragaza

 

C’est en réponse à une demande de la Société civile rwandaise en Belgique qu’intervient cet article sur l’évènement historique du 28 janvier 1961 que les Démocrates Républicains rwandais appellent Mouvement de Libération de Gitarama, alors que les Monarchistes l’appellent Coup d’État de Gitarama. Et c’est en qualité de témoin oculaire que cette demande m’a été adressée.

 

Certes, j’ai assisté à la réunion du Congrès national qui s’est tenu à Gitarama le 28 janvier 1961. Mais je n’étais pas congressiste. J’étais un simple étudiant à l’Université Lovanium (=Kinshasa), en vacances à Kigali. Mon hôte et ami, André Rubayita, fraîchement élu conseiller communal de Nyarugenge, m’apprit que, sur convocation du ministre de l’Intérieur, Jean-Baptiste Rwasibo, tous les bourgmestres et tous les conseillers communaux étaient convoqués au centre commercial de Gitarama à une réunion très importante sur le maintien de l’ordre et la pacification du pays. Je décidai de l’accompagner. C’est ainsi que je devins témoin oculaire d’un évènement historique. Dans la suite, devenu ministre des affaires sociales, j’eus le loisir de tout comprendre.

 

Cet article a donc pour but de livrer au public mes considérations générales sur cet évènement historique. Il répond à trois questions essentielles :

· Quelles ont été les causes de cet évènement ?

· Quel est le récit de cet évènement ?

· Quelles ont été les conséquences de cet évènement ?

 

A. LES CAUSES DU MOUVEMENT DE LIBERATION DE GITARAMA

Par suite de la Révolution rwandaise de 1959, la plupart des dirigeants Unaristes ‘’Union Nationale Rwandaise’’ (=monarchistes) avaient fui le pays. D’autres étaient, soit détenus, soit poursuivis, soit condamnés pour des crimes commis pendant les troubles révolutionnaires. Le « Conseil Supérieur du Pays » avec sa Députation permanente dont la mission était de conseiller le Mwami, ne pouvait plus se réunir. Il fut dissous le 12 janvier 1960 et remplacé par le Collège de huit Conseillers spéciaux (2 pour chacun des 4 principaux Partis) sous le nom de « Conseil Spécial Provisoire ». Le Mwami Kigeli V refusa catégoriquement de collaborer avec ce Collège où figuraient les membres de partis d’opposition à l’UNAR. Celui-ci donna même des consignes à ses partisans de ne pas participer aux Élections Communales, prévues pour le 27 juin 1960. Entre-temps, le Mwami Kigeli V Ndahindurwa Jean-Baptiste prit la fuite. Il était lui-même poursuivi notamment pour utilisation des guerriers traditionnels Tutsi et Twa et commandite des meurtres des leaders de l’opposition (Polepole Mukwiye, Kanyaruka, Sindibona, Renzaho, etc.).

Dès lors, les partis d’opposition (le MDR-PARMEHUTU, l’APROSOMA et le RADER) se coalisèrent et constituèrent un front commun et déclarèrent l’impossibilité qu’il y avait pour eux de collaborer avec Kigeli V Ndahindurwa. Finalement, au mois de juin 1960, à la veille des élections communale, Kigeli V Ndahindurwa quitta le Rwanda pour Bujumbura pratiquement chassé par les manifestations hostiles et les troubles révolutionnaires persistants qui le mettaient dans l’impossibilité de régner sur le Rwanda. Comme prévues et organisées par la Tutelle belge, les élections communales eurent lieu à partir du 26 juin 1960, avec un jour d’avance. Les grands gagnants de cette consultation furent le MDR-PARMEHUTU avec 2390 sièges (70,4%) et l’APROSOMA avec 233 sièges (7,4%).Le RADER eut 209 sièges (6,6%) tandis que d’autres petits partis obtinrent 243 sièges (7,9%) sur un total de 3.125 sièges prévus.

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D’un côté, assurés de l’appui du Peuple, les mouvements démocratiques républicains (le MDRPARMEHUTU de Grégoire Kayibanda et l’APROSOMA de Joseph Gitera) concentrèrent leurs revendications sur l’abolition de la Monarchie1, la déchéance du Mwami Kigeli V Ndahindurwa, l’organisation des Législatives et l’installation d’un Gouvernement autonome. De l’autre côté, l’UNAR et Kigeli V Ndahindurwa introduisirent un recours aux Nations Unies en vue de faire invalider les résultats des élections communales.

 Entre-temps, ‘’le Conseil Spécial Provisoire’’ fut dissous le 18 octobre 1960 et remplacé par ‘’le Conseil Provisoire du Rwanda’’ composé de 48 membres appartenant aux diverses tendances politiques et qui, conjointement avec le Mwami, exercerait le pouvoir législatif que le Résident général lui déléguerait progressivement. A la même date, il fut mis sur pied ‘’un Gouvernement Provisoire’’, le premier qu’ait connu le Rwanda, comprenant 10 ministères et dirigé par Monsieur Grégoire Kayibanda ,président du parti gagnant des Élections Communales. La principale mission de ce Gouvernement était la pacification du pays et la préparation des élections législatives prévues en janvier 1961. Les deux nouvelles Institutions, ‘’le Conseil Provisoire du Rwanda’’ et ‘’le Gouvernement Provisoire’’ furent installées officiellement le 26 octobre 1960. Le Conseil Provisoire du Rwanda se choisit en son sein comme Président, Joseph Gitera (Président de l’APROSOMA , parti vainqueur en second des Élections Communales). Le Chef du Gouvernement provisoire, profita de cette occasion pour réaffirmer les buts que visait la Révolution sociale déclenchée en novembre 1959 : «Aujourd’hui, dit-il, un Parlement représentatif et un Gouvernement également représentatif sont mis en place. C’est la Démocratie qui a vaincu la Féodalité. Elle est abolie définitivement .Nous la rejetons définitivement ». Il réitérait ainsi ce que son Parti avait déjà retenu dans son manifeste programme au dernier congrès de Ruhengeri.

 

Ce nouvel évènement déchaîna les protestations les plus fermes de l’UNAR. L’UNAR et Kigeli V Ndahindurwa relancèrent leur recours aux Nations Unies. Ils étaient parvenus à sensibiliser les nations anticolonialistes, spécialement l’URSS, le Cuba et l’Éthiopie, par l’argument que le Chaos rwandais était tout simplement causé par le Colonisateur belge qui ne voulait pas accorder l’indépendance2. En conclusion des débats au cours de la 15ème Session, l’Assemblée générale vota le 20 décembre 1960 les résolutions 1579 et 1580, exigeant, entre autres, l’amnistie générale et inconditionnelle des condamnés, le retour au Rwanda et la réhabilitation de Kigeli V Ndahindurwa, l’annulation totale de tous les actes accomplis pendant son absence et l’ajournement des élections législatives prévues au mois de janvier 1961.

 

Pour les Leaders des Partis MDR-PARMEHUTU et APROSOMA, l’application intégrale des Résolutions 1579 et 1580 par la Puissance Administrante constituerait une menace très grave pour la Paix sociale et réduirait à néant les acquis de la Révolution antiféodale déclenchée en novembre 1959.Du reste, des manifestations monstres anti-ONU et antiféodales se constataient déjà un peu partout au Rwanda. C’est dans ces circonstances que les Leaders démocrates se sentirent dans l’obligation de trouver la parade dans les délais les plus utiles.

Au cours d’une réunion des Leaders démocrates, tenue à Kigali le 26 janvier 1961, le Président du MDR-PARMEHUTU et Chef du Gouvernement provisoire présenta à l’approbation de l’assistance le plan d’action suivant :

1 Pour tout savoir sur la période de la Monarchie absolue, lire ‘’MUREME K. Bonaventure, Manuel d’Histoire du Rwanda ancien suivant le modèle Mgr Alexis KAGAME, l’Harmattan, Paris, 2010, 620 pages’’.

2 Pour tout savoir sur la période coloniale lire ‘’MUREME K. Bonaventure, Manuel d’Histoire du Rwanda à l’époque coloniale suivant le modèle Mgr Alexis KAGAME, l’Harmattan, Paris, 2010, 594 pages’’

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· Le Gouvernement provisoire convoque tous les Conseillers communaux, tous les membres du Conseil provisoire et tous ceux du Gouvernement provisoire. Ils se constituent en Congrès national. Le Conseil provisoire et le Gouvernement provisoire sont dissous.

· Le Congrès national élit le Chef du Pays par scrutin secret et à la majorité simple. Le Chef de l’État nomme le formateur du Gouvernement. Le formateur du Gouvernement nomme les Ministres sur proposition des partis politiques.

· Sous la présidence du Chef de l’État, le Congrès national procède à l’élection de l’Assemblée législative. Celle-ci comprendra 44 membres proportionnellement au nombre des électeurs par Territoire et élit en son sein son Président et son Vice-président.

· Le Chef de l’État, au nom du Gouvernement et de l’Assemblée Législative, demande à la Tutelle la reconnaissance de ces institutions.

· S’il y a reconnaissance, s’ouvre la période de l’AUTONOMIE jusqu’au recouvrement de l’INDÉPENDANCE prévue pour 1962 ; S’il y a refus, le Congrès national se prononce sur le recouvrement immédiat de l’indépendance du Pays.

Il est clair que l’intention des leaders des mouvements démocrates républicains était de mettre la Belgique et l’ONU devant le fait accompli. Le Pays assurant la Tutelle du Rwanda n’allait sûrement pas s’opposer par la force à l’expression générale d’une volonté d’un Peuple paisiblement exprimée. Et les Nations Unies, champion du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, ne s’opposeraient pas à la démocratisation des institutions que le Peuple rwandais se serait librement données et ne tenteraient donc pas de ramener celui-ci à la situation qu’il avait volontairement rejetée. Assurés de la justesse de cette conclusion, les intéressés décidèrent de convoquer les élus du Peuple pour la réunion du 28 janvier 1961.

 

B. LE RECIT DE L’EVENEMENT DU 28 JANVIER 1961

Ce 28 janvier 1961, après avoir constaté la présence des Représentants de toutes les communes du Rwanda à la Grand-Place de Gitarama, le Ministre de l’Intérieur, Jean Baptiste Rwasibo, déclara ouverte la réunion du Congrès national. Il félicita tous les élus aux récentes élections communales et leur rappela qu’ils avaient été élus pour trouver les solutions aux problèmes du Peuple : « le Kalinga, les Abiru, le Mwami, le régime féodal….. ont rendu malheureuse la Population que vous représentez.Vous devez donc faire disparaître toutes ces institutions archaïques, en les remplaçant par des institutions démocratiques ». Succédant au Ministre Rwasibo, le Président du Conseil provisoire du Rwanda et président du Parti APROSOMA, Joseph Gitera, proclama en kinyarwanda : « Kalinga est supprimé. Le règne de Kigeli V Ndahindurwa a pris fin. La forme de gouvernement qui convient le mieux aux aspirations du Peuple rwandais est la République » ! Cette déclaration fut chaudement et longuement accueillie par la foule. Ensuite il exhiba un drapeau de couleur rouge, jaune et vert, retenu pour devenir le symbole de la patrie !. Et, comme pour attester que ce que le Président de l’APROSOMA venait de dire était conforme au Programme du MDR-PARMEHUTU, le Premier Ministre Grégoire Kayibanda, Président du MDR-PARMEHUTU, répéta ladite déclaration en français.

 

Reprenant la parole, le ministre de l’Intérieur, modérateur du Congrès de Gitarama, invita les partis politiques à présenter leurs candidats à l’élection du « Président de ‘’la République Rwandaise )’’ » (Prezida wa Repubulika y’U-Rwanda ). Le parti MDR-ARMEHUTU présenta la candidature de Dominique Mbonyumutwa ; l’APROSOMA, celle de son président, Joseph Gitera ; l’AREDETWA, celle de son président, Laurent Munyankuge et l’APADEC, celle de son président, Augustin Rugiramasasu. Peut-être faudrait-il souligner que deux des quatre grands partis, l’UNAR et le RADER, ne présentèrent pas de candidats. Il serait également à signaler que certains élus du MDRPARMEHUTU exigèrent de connaître, avant de procéder à l’élection du Président, les raisons pour __________________________________________________________________________________________

lesquelles le président de leur Parti n’était pas présenté comme candidat, alors que les autres partis avaient présenté le leur ! Les réponses reçues en coulisses se résumeraient en ceci : les hautes instances du Parti trouvent que c’est mieux ainsi ; la place de Chef du Gouvernement réservé au président du parti majoritaire lui permettra de négocier l’indépendance du Pays et de mieux défendre les intérêts du Peuple rwandais ; la candidature de Grégoire Kayibanda sera présentée au moment opportun, pour l’élection du Président de la République Rwandaise reconnue.

Par vote secret, les congressistes choisirent le candidat du MDR-PARMEHUTU comme Président de la République Rwandaise.

 

Après cette élection, les congressistes furent invités à désigner, Territoire par Territoire, les membres de l’Assemblée législative. Quarante-quatre (44) sièges étaient à pourvoir et chaque Territoire fut informé du nombre exact de ses sièges, proportionnellement au nombre de sa population, comme décidé par le Colloque de Gisenyi : 8 pour Butare, 5 pour Ruhengeli et Kigali, 4 pour Gitarama, Nyanza, Kibungo, Byumba et Gisenyi, 3 pour Kibuye et Cyangugu. Après le comptage des voix, il fut annoncé que 40 députés revenaient au parti MDR-PARMEHUTU et 4 à l’APROSOMA. Aussitôt la proclamation des élus de l’Assemblée législative terminée, les députés se réunirent pour élire le bureau de cette institution. Joseph GITERA, candidat présenté conjointement par les partis MDRPARMEHUTU et APROSOMA, fut élu Président de l’Assemblée législative. Lazare Mpakaniye, député du MDR-PARMEHUTU, fut élu comme Vice-président. Puis le Président du Rwanda désigna Grégoire Kayibanda comme formateur du Gouvernement. Celui-ci présenta à l’Assemblée législative son équipe composée de 12 Ministres et Secrétaires d’État, tous rwandais, ressortissant du MDRPARMEHUTU et de l’APROSOMA.

 

Pour répondre à l’aspiration du Peuple rwandais à vivre sous la séparation des pouvoirs, le Président Mbonyumutwa annonça la formation d’une Cour Suprême, ayant pour Président, Isidore Nzeyimana et

D. Shamukiga, Cl. Ndahayo, N. Sekerere et F. Ackerman comme Conseillers. Il proclama, ensuite, les principes qui devaient guider le nouvel État. L’ensemble de ces principes forma la « Constitution de la République Rwandaise’’ » ! Le Président de la République Rwandaise clôtura la Session extraordinaire de ce Congrès national en déclarant que cette Constitution entrait en vigueur ce même jour et que cette date du 28 janvier deviendrait la « Fête nationale du Rwanda ». Un peu plus tard dans la soirée, le Président du Rwanda, au nom du Congrès national, adressa aux représentants de la Tutelle un message pour les aviser que le Peuple rwandais avait décidé d’établir, dans l’intérêt supérieur de la Nation, des institutions démocratiques, pour les soumettre à leur approbation et pour leur demander d’organiser une conférence « Belgique-ONU-Rwanda » en vue d’arrêter la date et les modalités de l’indépendance de la République Rwandaise.

 

C. LES CONSEQUENCES DE L’EVENEMENT DU 28 JANVIER 1961.

1. LA RIPOSTE DES MONARCHISTES

Le programme arrêté pour la Session extraordinaire du Congrès national s’étant bien réalisé, les leaders démocrates s’attendaient à recevoir sous peu la réaction des Autorités de Tutelle : la reconnaissance ou le refus des nouvelles Institutions. Après un examen attentif de la situation politique et sociale du Rwanda, la Belgique émit une ordonnance reconnaissant le nouveau régime du Rwanda et transféra à ses Autorités les pouvoirs d’autonomie prévus par l’ordonnance du 15 janvier 1961 ; elle se justifiait en affirmant « qu’elle n’avait pas à s’opposer par la force à l’expression générale d’une volonté paisiblement exprimée, sous peine de courir le risque de provoquer des désordres dont les conséquences auraient été désastreuses pour le Pays ». Mais, tout en maintenant son refus au retour de Kigeli V Ndahindura au Rwanda, la Belgique fit savoir qu’elle mettrait en exécution les résolutions de l’ONU stipulant de reporter les Élections législatives prévues pour le mois de janvier 1961 et de les organiser ensemble en même temps que le Référendum déjà prévu le 25 septembre 1961.

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C’était sans compter sur la ténacité des monarchistes Unaristes. Apprenant ce qui venait de se passer à Gitarama, les pétitionnaires monarchistes propagèrent aux Nations Unies qu’un Coup d’État venait de s’opérer au Rwanda tout en accusant le Gouvernement belge de l’avoir lui-même organisé. De nouveau, avec le soutien de leurs amis Russes, Cubains, Éthiopiens et autres, ils réussirent à faire voter par l’ONU la résolution N° 1605 du 21 avril 1961 invalidant toutes les institutions issues du « coup d’État » de Gitarama.

 

2. LE 28 JANVIER 1961 : FETE DE LA DEMOCRATIE AU RWANDA ;

LE 25 SEPTEMBRE 1961 : FETE DE KAMARAMPAKA ET DE L’ASSEMBLEE NATIONALE ;

LE 1er JUILLET : « FETE NATIONALE » c’est-à-dire « FETE DE LA REPUBLIQUE ».

 

A l’instar des autres pays africains, le Rwanda a décrété ‘’Fête nationale’’, le 1er juillet, date du recouvrement de l’Indépendance, en 1962. Mais le 28 janvier et le 25 septembre étant considérées comme des dates historiques exceptionnelles dans les annales de la République rwandaise devaient, elles aussi, être fêtées chaque année. L’idéal était de leur trouver une appellation adéquate et significative. Or, c’est le 28 janvier 1961 qui a sonné le glas de la fin du régime monarchique séculaire et le début d’un régime démocratique. Bien qu’ayant décrété, eux-mêmes, le 28 janvier comme ‘’Fête Nationale’’ au cours du Congrès de Gitarama, les décideurs se sont sciemment ravisés pour réserver cette appellation à la date du recouvrement de l’indépendance du Pays. C’est donc le 28 janvier qui allait s’imposer comme ‘’Fête de la DEMOCRATIE’’, parce que c’est à cette date que le Peuple rwandais a lancé le processus de remplacement du régime monarchique par le régime démocratique. Depuis lors, les Autorités de la première République ont organisé chaque année, à Gitarama même, des festivités pour rappeler l’importance historique de cette date. Et, c’est en souvenir de cet événement historique que le stade construit à la Grand-Place de Gitarama portait le nom de ‘’STADE DE LA DEMOCRATIE’’.

 

Pour sa part, le 25 septembre 1961 a tranché démocratiquement par voie référendaire le conflit politique et social qui rongeait le Rwanda depuis le 15ème siècle. Ce jour, le Peuple rwandais, hommes et femmes adultes, devaient exprimer librement leur choix, entre le bulletin ‘’blanc’’ pour le régime monarchique et le Mwami Kigeli V Ndahindurwa, et le bulletin ‘’noir’’ pour l’abolition de la Monarchie et l’avènement de la République. Le bulletin ‘’noir’’ l’emporta. Le Pays qu’on appelait ‘’ROYAUME DU RWANDA’’ devint ‘’REPUBLIQUE RWANDAISE’’ en date du 25 septembre 1961. Mais c’est le même pays, à part qu’il a changé de régime politique : puisque le 1er juillet est la Fête nationale du Rwanda, c’est aussi la Fête nationale de la République Rwandaise !

 

A la date du 25 septembre 1961, il y a eu deux votes : l’une, aux Élections législatives, c’est-à-dire, pour élire les Députés à l’Assemblée Nationale et, l’autre, au REFERENDUM (KAMARAMPAKA), pour exprimer son choix entre ‘’le Royaume’’ et ‘’la République’’. Voilà pourquoi le 25 septembre était à la fois Fête de Kamarampaka et Fête de l’Assemblée Nationale.

 

3. L’INTERDEPENDANCE DES EVENEMENTS DU 28 JANVIER 1961 ET DU 25 SEPTEMBRE 1961

D’aucuns pensent que le 25 septembre aurait mieux convenu comme Fête de la Démocratie, tandis que le 28 janvier ne serait pas prise en considération, puisque, soutiennent-ils, les institutions et les Autorités instaurées par le Congrès national de Gitarama n’ont pas été reconnues par les Nations Unies. Toutefois, il faudrait noter que les Nations Unies ont commis une erreur de considérer ledit événement comme un ‘’Coup d’État’’, alors que c’est un Mouvement de Libération. Ce n’est pas «une prise du pouvoir d’un État par un petit groupe en utilisant la force ». C’est plutôt l’abolition d’un régime tyrannique séculaire, réalisée librement, pacifiquement et massivement par les Représentants de tout le Peuple rwandais, réunis en Congrès national. Par ailleurs, du moment que le Pays mandataire des Nations Unies sur le Ruanda-Urundi avait bel et bien reconnu les Institutions et les Autorités issues dudit Congrès, le Mandant aurait dû les accepter, compte tenu du précédent constitué par le système de l’administration indirecte : le mandataire choisissait lui-même ou acceptait librement le système et les Agents de son Administration !

En outre, il serait à affirmer que si le Congrès de Gitarama n’eût pas eu lieu, le Kamarampaka n’eût pas eu les résultats historiquement connus. Mais, de droit, bien que reconnues par le Pays Tuteur, les Autorités instaurées par le Congrès de Gitarama ne pouvaient pas obtenir le recouvrement de l’indépendance du Rwanda. Les Nations Unies, leur reprochant d’avoir pris le pouvoir par un coup d’État, ne les ont pas reconnues et, partant, la Belgique a dû se conformer aux résolutions de l’ONU et organiser le Référendum KAMARAMPAKA en date du 25 septembre 1961. Il était en effet impensable que le Pays Tuteur pût accorder l’indépendance à son pupille, sans l’aval exprès du Mandant. Il a donc fallu la décision de Kamarampaka, attendue comme condition sine qua non par l’ONU, pour autoriser la Belgique à accorder le recouvrement de l’indépendance au Rwanda.

Néanmoins, il n’est pas du tout certain que, sans les décisions révolutionnaires du Congrès de
Gitarama, les résultats de Kamarampaka eussent été ceux que l’on connaît. Il est clair que le retour auRwanda de Kigeli V Ndahindurwa et de tous ses spots en exil, suivi du rétablissement dans leurs postes de Chefs et de Sous-chefs, tels que préconisés par les Résolutions de l’ONU, auraient, si pas provoqué le chaos, rendu tout autres les résultats des élections législatives et du Référendum. C’est un fait historique que même Kamarampaka en soi a occasionné par ici et par là des troubles très graves à imputer sur le compte des défaillances de l’ONU. Il faudrait donc considérer les deux dates, le 28 janvier 1961 et le 25 septembre 1961 comme inter reliées et très importantes pour avoir permis le passage de la Monarchie à la République et le recouvrement de l’indépendance du Rwanda.

Au reste, il appartient aux historiens de faire l’analyse historique précise et détaillée de l’Accord de Tutelle sur le Rwanda et de sa mise en exécution.

 D. CONCLUSION

 Il serait peut-être opportun de conclure que le jugement rendu suite au Référendum du 25
septembre 1961 est sans appel. Il est définitif. Il est irréversible et il s’impose à tout le monde, aussi bien Rwandais que non Rwandais. Le différend était entre les citoyens Rwandais de plus de 18 ans : les Monarchistes et les Républicains. Le Tribunal était international : les Nations Unies. Au vu des résultats du Référendum, le Tribunal a tranché : le Rwanda est une République !
Pour changer légalement et dans l’harmonie ce fait historique, il faudrait que le souhait vienne d’en bas, c’est-à-dire du Peuple lui-même. Il serait hasardeux par exemple qu’un Dictateur militaire ou un prétendu prince de sang vienne imposer de nouveau la Monarchie au Rwanda. Tôt ou tard, cela risquerait de très mal tourner. La meilleure vie d’un Peuple est celle qu’il veut vivre. Une vie imposée par la force n’est pas une vie viable.

 Fait à Bruxelles le 2 mars 2011

 Thaddée Bagaragaza
Ancien ministre des Affaires sociales du Rwanda, dans le Gouvernement du 26.10.1961

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Considérations générales sur le mouvement de libération

Témoignage de M. Thaddée Bagaragaza,

Ancien Ministre.

 

Source: http://www.ndagijimana.rmc.fr