RWANDA : Vers la fin du règne FPR ?

Par Charlotte Van der Vaart et Patrice Aumasson

 PAIX ET FRATERNITE
22/02/2010

Les signes annonciateurs sont éloquents, le régime FPR va bientôt tirer sa révérence. Ce moment qui tarde à venir sera un soulagement pour le peuple rwandais, mais aussi un grave danger pour le petit noyau qui s’est enrichi sur les cadavres de ses concitoyens. Faisons un petit rappel du passé pour comprendre le futur proche. Dans les années 50, c’était une utopie d’imaginer que la monarchie pourtant bien structurée et solidement encrée dans la mentalité populaire, pouvait basculer et disparaître.

 La réalité fut plus vraie que le rêve, le roi est parti, le peuple jadis considéré comme sujet taillable et corvéable à merci a pris ses droits. L’injustice, l’exploitation, l’inégalité ont fini par désespérer ceux qui croyaient que le temps, la patience, et le silence suffiraient pour changer les choses. Ils ont décidé de briser le tabou : agir et prendre de court ceux qui contrôlaient la situation.

 Les régimes hutus qui se sont succédés ont connu des difficultés intrinsèques, exacerbées par des rivalités régionales et internationales. Ils n’ont pas eu le temps d’asseoir un projet de grande envergure, capable de répondre aux préoccupations de tous les rwandais au dessus des critères ethniques et régionales.

 Leurs erreurs ou leur fragilité ont conduit  à l’élimination physique des présidents Kayibanda(1er Président de la République ) par les proches de Habyarimana, lequel fut à son tour assassiné par son successeur, le général Paul Kagamé.

 

L’arme utilisée pour éliminer ton frère ne t’épargnera jamais!

 Kagamé le savait et malgré cela, il a agi froidement pour décapiter deux pays le Rwanda et le Burundi. Il n’a pas hésité à sacrifier sur l’auteur du pouvoir, des modestes tutsis massacrés par une horde d’hutu déchaînée par la mort de leur président. Kagamé a su utiliser la fibre ethnique pour conquérir le pouvoir, il répand la peur pour se maintenir au trône.

 Ses proches compagnons le décrivent comme un sinistre permanent, cynique, taciturne, calculateur et rancunier. Certains l’excusent, prétextant que c’est la conséquence de sa longue et dure vie en exil. En revanche, si tous les exilés agissaient conformément à leur souffrance, la terre deviendrait un enfer.

 Nous croyons plutôt, que sa nature est la cause même de ce qu’il fait subir à son peuple depuis 16 ans qu’il est au pouvoir.

 En 1994, la conquête du Rwanda par cette rébellion venue d’Ouganda a été saluée par la communauté internationale. Il a fallu quelques années pour que ces héros d’alors se  révèlent être des vrais criminels patentés, des pilleurs professionnels. Le temps passe, le cercle d’intimes se réduit comme une peau de chagrin, laissant sur la route tous les « libérateurs » à l’exception du petit noyau dur proche du dictateur Kagamé.

 Le mécontentement est palpable dans l’armée, surtout parmi les tutsis francophones dont certains avouent être nostalgiques du temps du Président Habyarimana.  Ces tutsis qui, pour porter au pouvoir le FPR sacrifièrent d’importants moyens humains et financiers, se retrouvent actuellement relégués au même niveau que les hutu. C’est-à-dire l’échelle sociale le plus bas, réservée à ce que le régime qualifie indistinctement de génocidaire : Tout hutu qui conteste l’ordre établi, ou ayant un potentiel de constituer un danger pour le régime (les intellectuels, les grands commerçants) est génocidaire.

 Pour la majorité des hutus, ce châtiment injuste et généralisé a trop duré. Ils sont frustrés, humiliés par un régime majoritairement tutsi, dont les méthodes sont plus cruelles et violentes que celles de la monarchie.

 Un axe hutu-tutsi francophone est entrain de se constituer, pour se coaliser contre leur ennemi commun. Il suffira d’une étincelle pour que le volcan explose.

Pour désamorcer cette bombe sociale, le FPR a mis au point une stratégie qu’il croit infaillible. Celle de décider qui est bon ou  mauvais hutu.

 Le bon hutu c’est celui qui est soumis,  qui traduit en acte les pensées des extrémistes tutsis. Il doit défendre les thèses d’une autre époque, prononcer des discours incendiaires contre ses proches pour les discréditer aux yeux de la communauté internationale.

 En récompense ils ramassent quelques miettes, qu’il n’aura peut-être pas le temps de digérer, car comme l’a si bien dit le Président Kagamé en citant un proverbe rwandais, « une cruche qui ne sert pas on la casse ». Les cimetières pourront témoigner.

 Cette catégorie de hutus de service est composée de gens fragiles, qui ont des choses à se reprocher ou des comptes à régler. Ils se réfugient derrière une pseudo conviction pour justifier leur comportement paradoxal. On les reconnaît surtout par leur logorrhée à vouloir réhabiliter l’impensable. Ils sont très actifs sur les fora internet et dans des rencontres internationales, où ils sont exhibés comme des trophées. Leur caractéristique commune est  la peur du lendemain pour les conséquences de leur « traîtrise » à la Juda.

 D’après Machiavel dans le Prince : « Tous les tyrans que l’humanité a pu engendrer le savaient. Il existe une habileté calculée, rusée,  à manipuler l’insécurité et utiliser la peur pour assurer la légitimité du pouvoir. »  Kagamé et sa machine FPR n’ont pas échappé à cette règle.

 Cette peur durera jusqu’à quand ? Faudra-t-il une grande explosion pour que les choses rentrent dans l’ordre ?

 Tous les observateurs en sont conscients et espèrent que les prochaines élections soient une voie de sortie de crise moins dramatique. A condition que le régime sorte de son autisme, et évalue à juste titre l’inévitable explosion sociale qui se profile à l’horizon.

 La question récurrente qui reste sans réponse et qui suscite beaucoup d’interrogations, est celle d’une possible immunité judiciaire pour les criminels du FPR, en cas de victoire des FDU.

 Depuis le retour osé au Rwanda de Madame Ingabire Victoire, présidente des Forces Démocratiques Unifiées (FDU), un séisme politique s’est produit sur la terre rwandaise,  et dans l’opinion internationale intéressée par ce petit pays qui vient de sortir d’un génocide, dont les ferments sont dans le savoir et l’être de l’organisation FPR qui dirige le pays d’une main de fer.

 Aussitôt le pied posé sur la terre de ses ancêtres, cette dame qualifiée de courageuse dans les milieux des exilés, a brisé le tabou. Elle a prononcé des discours qui défient courageusement la raison d’être de l’establishment : «  il ne faut pas avoir peur, les hutus sont aussi morts assassinés, les leurs doivent avoir droit au deuil, les coupables doivent être punis, les gacaca  sont une source de conflits et de haine, etc.. ».

 Jamais avant elle, personne n’avait osé porter la voix aussi loin pour affronter les criminels du FPR, qui disposent du droit de vie et de mort sur le peuple rwandais.

 Depuis 1994 qu’il est au pouvoir, cette organisation politique fabrique et réaménage des lois qui lui conviennent, afin de commettre des crimes dans le cadre du droit. Ce fut la stratégie du régime nazi dont les méthodes ne sont pas si éloignées de celles du régime FPR.

 Le cadre légal étant ainsi placé, le FPR et le Président Kagamé pourront châtier qui ils veulent.  Madame Ingabire qui ose marcher sur ses plates-bandes risque de payer un lourd tribut.

Cependant, il faudra plus de nocivité à ce régime pour briser la détermination et le charisme de Madame Ingabire. Elle a été  nourrie à la démocratie européenne et puise sa force dans les principes fondamentaux des droits de l’homme dont la Hollande est un modèle.

Elle fait peur aux caciques du régime, qui usent de toute leurs puissances financières, médiatiques et juridiques pour la faire taire, voire définitivement.

 Actuellement certaines organisations de droits de l’homme, les pays comme le Canada, l’Espagne, les pays scandinaves, l’Union Européenne commencent à faire pression sur le régime pour qu’il cesse la violence contre l’opposition et prépare des élections libres et démocratiques. Kagamé le sait plus que quiconque, ces exigences le feraient perdre politiquement, et réactiveraient la machine judiciaire internationale.

 La peur est entrain de changer de camps, constate un spécialiste belge du Rwanda. Des inquiétudes d’un lendemain incertain se font sentir. Kigali fait tout pour anticiper ce cataclysme tant redouté.

D’après notre informateur dans la capitale rwandaise, une cellule de crise aurait été mise en place, et comprendrait entre autres  quelques érudits britanniques  affectés à la Présidence de la République à l’hôtel Urugwiro.

 Cette cellule aurait  pour mission d’imaginer tous les scénarios possibles pour sauver le régime FPR malmené, par une opposition de plus en plus organisée et efficace.

Voici quelques extraits de ce travail que nous vous restituons intégralement. A vous d’en juger: 

 

4 hypothèses de travail

  1.- Interdire l’enregistrement de UDF.

 Pouvoir prouver que :Délais non honorés, de documents administratifs incomplets, d’insuffisance de la structure locale du UDF, moralité de Madame Ingabire qui pourrait être arrêtée, etc... Le RPF se confronterait à quelques petits partis sans grand enjeux politiques.

 Conséquence :

-Perte de crédibilité internationale

-Perte d’aides financières

-Possibilités de troubles intérieures

-Légitimer  luttes armées des FDLR

La suite des événements serait difficile à gérer.

 

2.-Accepter opposition et organiser des élections libres et transparentes :

 Conséquence :

-Défaite du RPF et du Président en particulier au profit des UDF 

-Règlement de comptes entre citoyens

-Arrestation des personnalités mises en cause par l’Espagne, aucun souci        avec la France        

-Mutinerie de l’armée

-Scénario de Ndadaye au Burundi 

 

3.-Organiser les élections et reproduire scénario Twagiramungu (pression sur la population et fraude massive)

 Conséquence :
Idem qu’au premier point, car l’opinion internationale est vigilante.

 

4.-Décourager la présence d’observateurs et médias étrangers par des actes d’insécurité attribués aux interahamwes et au FDLR

 -Accepter l’enregistrement du UDF tout en limitant ses déplacements dans le temps et dans l’espace.

-Intimider tous les prétendants au soutien du UDF

-Organiser des élections en reproduisant le cas Twagiramungu.

Conséquence :-Perte crédibilité pendant  un certain temps

Après élections, mettre en marche machine médiatique et diplomatique

 

 5.- Eliminer physiquement Madame Ingabire et maquiller l’attentat en un accident ou l’attribuer à des personnes incontrôlées

  Conséquence :

 Agitation de la communauté internationale, perte de crédit pendant  un petit temps ensuite faire campagne pour disculper le régime. Risque de conflit armé.

 

Conclusion
D’après notre source, le FPR aurait privilégié le troisième scénario. Toutefois si la pression extérieure s’intensifie, ils seront contraints d’envisager le deuxième scénario tout en mettant la communauté internationale devant ses responsabilité s. Quelques généraux de l’armée y sont très hostiles et menacent de provoquer le chaos.

Ce qui est certain, le régime tend vers une sortie dont les conséquences sont imprévisibles.

 

Le 22 février 2010