CENTRE DE LUTTE CONTRE L’IMPUNITE

ET L’INJUSTICE AU RWANDA

BP 141 Bruxelles 3                                                                Bruxelles, le 18 octobre 2004.

1030 BRUXELLES   -

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Objet:Votre visite au Rwanda et

          vos propos sur un Etat criminel.

 

 

 

 

                                                Monsieur Karel DE GUCHT

                                                Ministre des Affaires    

                                                Etrangères du Royaume de Belgique

                                                                                 

                                                BRUXELLES

 

 

 

 

Monsieur le Ministre,

 

            Depuis votre visite dans la région des grands lacs, plusieurs médias ont repris hier le 17 octobre et aujourd’hui le 18 octobre 2004 votre apparente satisfaction sur votre visite au Rwanda. Le journal « Le soir du 18 octobre 2004 » rapporte vos propos comme suit : « la gestion de l’Etat est d’une qualité supérieure : il y a un gouvernement, un chef, pas de corruption, bref de l’ordre… Lorsqu’il s’agit de construire une société, il y a un prix à payer et la question des droits de l’homme n’est pas le seul élément à devoir être pris en compte... ».

 

            Le Centre de Lutte contre l’Impunité et l’Injustice au Rwanda déplore votre méconnaissance du régime rwandais et du comportement criminel de la junte militaire et son chef suprême, le Général Paul KAGAME, président actuel du Rwanda. Tout observateur pourrait vous excuser si l’on tient compte de votre arrivée très récente au Ministère belge des Affaires Etrangères. Mais nous osons croire que vous y avez trouvé des services qui fonctionnent quand même. Notamment, vous avez dû croiser un « Représentant Spécial pour les grands lacs » tel que votre prédécesseur, Monsieur Louis Michel, aimait en nommer quelques uns. Dans ce cas, avant toute visite dans les pays où les violations massives des droits humains sont monnaie courante, vous auriez dû prendre le temps de vous informer et de savoir où vous allez mettre les pieds. Il ne suffit pas de rencontrer un chef d’Etat costumé et des officiels « souriants et affables » pour conclure à l’existence d’un Etat bien géré avec « des institutions de façade » où plusieurs hauts magistrats, parlementaires, officiers supérieurs, préfets, bourgmestres et simples citoyens sont régulièrement assassinés en toute impunité depuis 10 ans.

 

            Pour vous rafraîchir la mémoire et vous mettre dans le bain, vous pouvez compter sur les nombreuses associations de la Diaspora des Grands Lacs qui suivent au jour le jour la situation qui prévaut dans leur pays. Il est malheureux de constater que les trois pays, qui ont été jadis confiés à la Belgique, soient les pays les plus instables de toute l’Afrique Centrale. Il y a lieu de se demander si l’incompétence et l’irresponsabilité, qui a toujours caractérisé les décideurs de la politique africaine de la Belgique, n’y sont pas pour quelque chose.

 

            Pour ce qui concerne le Rwanda, le Centre de Lutte contre l’Impunité et l’Injustice au Rwanda saisit cette occasion pour vous renvoyer à ses memoranda adressés au Ministre belge des Affaires étrangères depuis le 30 mars 2000 jusqu’au 10 mars 2004. Pendant quatre ans, notre organisation n’a jamais cessé d’organiser plusieurs manifestations devant votre Ministère pour interpeller la diplomatie belge au sujet des graves et massives violations des droits humains qui se commettent au Rwanda depuis le génocide rwandais jusqu’aujourd’hui. Ces memoranda ont été adressés à votre prédécesseur, le Ministre Louis MICHEL, et sont disponibles dans votre Ministère. Nous vous recommandons surtout notre dernier mémorandum du 10 mars 2004 où nous dénoncions la visite du Président Paul KAGAME que vous venez de rencontrer à Kigali.

Bref, permettez-nous de vous rappeler que vous avez serré la main d’un Chef d’Etat terroriste et criminel. Vous n’avez aucune raison de croire en un Etat caractérisé par les crimes contre l’humanité, les assassinats politiques, les disparitions, les pillages du patrimoine national et des pays voisins, la corruption, les emprisonnements arbitraires, l’impunité et l’injustice, etc.

 

Au moment où les pays développés et les gouvernements occidentaux condamnent et combattent le terrorisme par tous les moyens et dans le monde entier ;

            Au moment où la Belgique a pris les devants pour condamner les grands dictateurs déchus comme le chilien Augusto PINOCHET (poursuivi au Chili), l’irakien SADDAM Hussein (détenu par les USA), le serbe Slobodan MILOSEVIC (détenu à La Haye en Hollande), les attentats terroristes des kamikazes et les représailles aveugles et meurtrières de l’Armée israélienne;

            Au moment où la Belgique fait partie des premiers pays qui ont ratifié le traité international qui a mis en place la Cour Pénale Internationale chargée d’éradiquer l’impunité ;

            Au moment où la Belgique déclare soutenir le processus de démocratisation et de pacification des pays de l’Afrique Centrale (Soutien aux Accords de paix entre les factions burundaises et congolaises, etc…)

           

            Il est paradoxal et cynique, immoral et inimaginable qu’en tant que Chef de la diplomatie belge vous puissiez vous déclarer satisfait d’un chef d’Etat reconnu comme un véritable criminel qui massacre et terrorise non seulement son peuple (mis à part les massacres du FPR pendant et après 1994, Kagame est responsable des massacres de plus 200.000 réfugiés hutu au Congo) mais aussi les peuples des pays voisins (plus de 4.500.000 de morts congolais). Le président Paul KAGAME est un chef d’Etat qui contrôle et paralyse toutes les institutions officielles de l’Etat Rwandais. Ces institutions fonctionnent en réalité comme des « institutions de façade » chargées de couvrir les crimes et le terrorisme d’Etat et d’assurer l’impunité à sa Junte militaire qui massacre, opprime la population, pille toutes les ressources du pays et détourne les aides financières accordées au Rwanda. Les rapports de plusieurs organisations des droits humains (dont Amnesty International, Human Rights Wacth et la FIDH) accusent le président Paul KAGAME d’assurer l’impunité à plusieurs chefs militaires de sa junte militaire impliqués dans les crimes de génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité non seulement au Rwanda, mais aussi en Uganda et en République Démocratique du Congo.

 

En effet, le Président de la République Rwandaise, le Général Paul KAGAME, est cité comme le principal commanditaire de l’attentat terroriste aérien qui a coûté la vie à deux présidents de la République en fonction,à savoir le Président rwandais Juvénal HABYARIMANA et le Président burundais Cyprien NTARYAMIRA. Le journal le MONDE du 9 mars 2004 dévoile sa culpabilité dans ces termes : « Dans un rapport de 220 pages, daté du 30 janvier et intitulé « Résultat de l’enquête de la Division nationale anti-terroriste de la Direction générale de la police judiciaire », le Général Paul KAGAME et actuel chef de l’Etat rwandais, est désigné comme le principal décisionnaire de l’attentat, en tête d’une liste de dix officiers supérieurs du FPR et de deux « servants des missiles sol-air »  tirés sur l’avion présidentiel, qui y sont également identifiés ». En tant que terroriste national et régional, le président Paul KAGAME est épinglé par l’enquête du juge français anti-terroriste Bruguière. La Belgique, qui a été soupçonnée d’avoir trempé dans cet attentat, n’a même pas exigé une enquête internationale pour démasquer les véritables coupables de cet attentat qui a incité des militaires rwandais à assassiner les dix casques bleus belges suivi du retrait simultané des soldats de la MINUAR I (Mission des Nations Unies au Rwanda). Rappelons que c’est cet assassinat de deux présidents hutu qui a déclenché les massacres des tutsi et hutus opposants et d’autres crimes contre l’humanité

 

Dans les différentes zones conquises par les troupes du Front Patriotique Rwandaise (FPR), le Président Paul KAGAME n’a pas arrêté les massacres mais il a continué d’organiser des massacres à grande échelle contre des populations hutu d’après les rapports de l’ancien Ministre FPR de l’Intérieur, Monsieur Seth SENDASHONGA, qui a dénoncé le massacre de plus de 18.000 personnes tués par le FPR entre mai et décembre 1994 dans la seule province de GITARAMA. Par exemple : Le 5 juin 1994, le FPR décapite l’Eglise catholique du Rwanda par le massacre de trois évêques et une dizaine de prêtres catholiques à Gakurazo (Mukingi - Gitarama). Le 19 juin 1994, les soldats du FPR ont massacré plus de 500 paysans hutu rassemblés dans une réunion publique dans le secteur RUGOGWE (commune Mukingi, Voir rapport de septembre 1994 de Human Rights Watch).

Le rapport GERSONY, commandité en 1994 par le Haut Commissariat des Nations Unies aux Réfugiés (HCR), accuse les militaires du FPR d’avoir massacré plus de 30.000 paysans hutu dans la seule préfecture de Kibungo entre avril et septembre 1994.

 

 

Puisque vous avez serré la main d’un chef d’Etat terroriste et criminel dont vous semblez apprécier la discipline et la bonne gouvernance, nous vous demandons d’obtenir du Président Paul KAGAME et de sa junte militaire :

-         le respect de la vie humaine, des droits humains, des libertés publiques et de la bonne gouvernance ;

-         la fin de l’impunité et la collaboration franche avec le TPIR, les sanctions contre les chefs militaires impliqués dans les massacres des populations civiles et le respect de l’indépendance de la magistrature ;

-         l’instauration d’une « Commission Vérité » sur tous les crimes commis au Rwanda.

-         la garantie d’indépendance des juridictions GACACA afin qu’elles puissent juger aussi tous les crimes y compris ceux du FPR.

-         la libération des détenus innocents et sans dossiers judiciaires qui croupissent en prison depuis bientôt 10 ans.

-         la libération des prisonniers politiques tels que l’ancien Président de la République, Pasteur Bizimungu et l’ancien ministre Charles Ntakirutinka ainsi que les adhérents du MDR emprisonnés arbitrairement pour des accusations fantaisistes de « divisionnisme ».

-         la tenue immédiate du dialogue inter rwandais.

-         la participation de tous les rwandais, sans exclusion, au développement de leur pays.

-         le retrait de l’armée rwandaise de la République Démocratique du Congo.

 

 

Pour le Centre, MATATA Joseph, Coordinateur.

 



Centre de Lutte contre l'Impunité
et l'Injustice au Rwanda (CLIIR)
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