Ubutumwa bwa Ruzibiza Arusha
BBC Gahuzamiryango 10.03.06

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TPIR/ MILITAIRES I - LE LIEUTENANT ABDUL RUZIBIZA FAIT LE PROCES DU FPR (WEEK-ENDER)

Arusha, 10 mars 2006 (FH) – Le lieutenant Abdul Ruzibiza qui témoigne au Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) depuis vendredi s’est attaqué au Front patriotique rwandais (FPR) au pouvoir depuis 1994, dénonçant dans les moindres détails les abus commis par l’ex mouvement rebelle, dont il faisait partie depuis son invasion du Rwanda en 1990.

Appelé à la barre pour la défense d'Aloys Ntabakuze, le chef d'une unité d'élite jugé avec trois autres hauts gradés dans le procès Militaires I, Ruzibiza n'a pas pour autant dédouané les accusés, précisant qu'il ne les connaissait pas et que les actes dénoncés étaient isolés.

Le jeune officier, 36 ans, avait rejoint les rangs de la rébellion depuis sa fondation en 1987, alors qu’il était réfugié au Burundi voisin. Il sera ensuite incorporé dans l’Armée patriotique rwandaise (APR), branche armée du mouvement qui a envahi le nord du Rwanda à partir de l’Ouganda le 1er octobre 1990.

En juillet 1994, soit quatre ans plus tard, la rébellion évince du pouvoir l’ancien régime de l’ex président hutu Juvénal Habyarimana, victime d’un attentat le 6 avril. En février 2001, Ruzibiza décide de quitter définitivement le Rwanda « pour des raisons de sécurité ».

« J’ai constaté que la situation avait changé car l’injustice que nous étions censés combattre s’était érigée en système de gouvernement », a-t-il souligné en guise d’explication.

« Mais j’attends à ce qu’un jour ou l’autre je sois inquiété car je donne des informations qui dérangent le gouvernement rwandais », s’est inquiété le témoin. Il a tenu à témoigner à visage découvert. Cinq gardes du coprs venus du pays où il est réfugié, l'accompagnent dès qu'il sort. Inquiet des fuites éventuelles, il a demandé expressement que son dossier d'identification soit mis sous scellé. A Arusha, son témoignage a soulevé une grande curiosité, la galerie du public n'a pas désempli.

L’attentat contre le président Habyarimana

Ruzibiza accuse sans ambages le général major Paul Kagame, ancien commandant en chef de l’APR et président actuel du Rwanda d’avoir commandité l’assassinat du 6 avril 1994, événement qui a déclenché les massacres à grande échelle au Rwanda.

« J’ai vu une camionnette à bord duquel se trouvaient des militaires du FPR armés de missiles SA-16. Ils ont tiré deux missiles, le premier a touché l’avion sur l’aile, le deuxième l’a abattu », a accusé le témoin.

Environ une demi heure après l’attentat, tous les bataillons de l’APR quittent leur base de Mulindi (nord) et se mettent en marche. Les hostilités sont relancées, a-t-il expliqué.

Au moment de l’attaque, Ruzibiza est chargé de renseignements militaires au sud de Kigali, notamment dans le secteur de Masaka où sont positionnés les tireurs. « Je m’y rendais (à Masaka) quotidiennement entre 18 heures et 20 heures, cela faisait partie de mes taches habituelles ».

Or, selon plusieurs témoignages, l’avion présidentiel a été abattu vers 20 heures trente. De l’avis de Ruzibiza, l’opération nocturne fut l’œuvre de Kagame. « Cet ordre devait être donné par le commandant en chef de l’APR car les missiles utilisées ne pouvaient l’être que sous ses ordres », accuse-t-il.

La décision de tuer le président aurait été prise longtemps à l’avance, car depuis le 4 avril, les troupes rebelles avaient été mises en état d’alerte Standby Class One, donc prêtes à reprendre les hostilités « à tout moment » après la mort du président.

Selon le témoin, l’APR avait, la veille de l’attentat, manqué de très près d’abattre le président alors qu’il rentrait d’une mission au Zaïre (actuelle République démocratique du Congo). « Nous avons raté cet imbécile », se serait exclamé en Swahili un officier rebelle.

Violation du cessez-le-feu

En février 1993, les belligérants avaient signé un accord de cessez-le-feu. Selon Ruzibiza, l’APR s’était renforcé à partir de cette période et « elle était persuadée qu’elle pouvait prendre tout le territoire national ».
Le témoin a affirmé qu’il avait, après la signature, été intégré dans un groupe chargé de cacher les munitions « qui devaient être utilisées dans la bataille finale ». Il a révélé que dans la zone où il se trouvait à Ruhengeri (nord), « nous avions caché un matériel pouvant peser 100 à 120 tonnes ». « Chaque fois qu’il y avait un cessez-le-feu, c’était l’occasion pour l’APR de se préparer aux combats qui allaient suivre ultérieurement », a témoigné l’officier.

Assassinat de personnalités politiques

Ruzibiza a déclaré que la rébellion avait réussi à transporter ses soldats de la base de Mulindi vers Kigali à l’insu de la Mission de l’ONU (MINUAR). Ces éléments, a-t-il dit, se faisaient passer pour des techniciens ou des médecins, et étaient convoyés sur Kigali à bord des véhicules de la Mission d’observation.

« La MINUAR ne savait pas qu’elle transportait des militaires et le nombre autorisé au CND (base de l’APR à Kigali) était déjà dépassé », a révélé Ruzibiza.

Il a expliqué que la mission de ces agents, déguisés en civils, consistait à collecter des informations en vue de la préparation des hostilités, à infiltrer les partis politiques et à planifier des assassinats de personnalités politiques.

Le témoin a, à titre d’illustration, indiqué que deux responsables de partis politiques, Emmanuel Gapyisi et Félicien Gatabazi, avaient été assassinés par des agents de l’APR entre 93 et 94. « Ces assassinats étaient imputés au gouvernement mais cela relevait de la propagande », a déclaré Ruzibiza, expliquant que l’objectif de la rébellion était de créer un climat de violence pour permettre la reprise de la guerre.

Selon Ruzibiza, certains membres de la rébellion ayant des visées politiques savaient qu’ils mettaient en péril les Tutsis de l’intérieur en cas de reprise des combats, les accusant de collaborer avec un régime ennemi.

Il a affirmé que chaque fois qu'il était interrogé par des officiers sur l'évolution dans le cadre des accords d'Arusha Kagame brandissait une Kalachnikov en disant « que c’est cette arme qui allait nous permettre d’arriver à Kigali ».

« Le président Kagame nous disait que les négociations n’allaient pas résoudre le problème rwandais ».

Le témoignage de Ruzibiza a suscité un grand intérêt au TPIR. Il est l’auteur du livre "Rwanda. L'histoire secrète", paru en 2005 à Paris .

Un membre de la galerie publique qui a requis l’anonymat a murmuré que l’officier a apporté des éléments de preuve contre l’actuel régime rwandais « sans précédent » dans l’histoire du tribunal. Pour un autre spectateur averti, son témoignage est en deça de ce qu'il dit dans son livre, mais c'est déja assez.