CENTRE DE LUTTE CONTRE L’IMPUNITE

ET L’INJUSTICE AU RWANDA

                                                                                  Bruxelles, le  11 octobre 2006

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COMMUNIQUE  n° 97/2006

 

Le GACACA de Byimana risque de condamner un prêtre, héros du génocide, emprisonné depuis plus de 11 ans

 

Des veuves et des orphelins rescapés Tutsi forcés ou sollicités par la DMI[1] pour faire condamner l’Abbé Joseph Ndagijimana, innocent et héros.

 

Le Centre de Lutte contre l’Impunité et l’Injustice au Rwanda (CLIIR)* vient d’être informé par certains rescapés tutsi originaires de Byimana, district de RUHANGO qu’un nouveau complot orchestré contre leur ancien curé, l’Abbé Joseph NDAGIJIMANA, est prévu ce jeudi 12 octobre 2006 dans la paroisse catholique de Byimana. Cette paroisse est sise dans l’ancien district de NTENYO, refondu dans un nouveau district plus élargi rebaptisé district de RUHANGO. Ce nouveau district fait partie de la nouvelle Province du Sud (qui regroupe les trois anciennes provinces de Gitarama, Butare et Gikongoro).

Ces rescapés TUTSI, qui estiment que ce prêtre catholique est un héros du génocide emprisonné arbitrairement depuis plus de 11 ans, craignent que certains rescapés tutsi, regroupés dans les redoutables « syndicats de délateurs », n’aient été forcés ou sollicités par la Directorate of Military Intelligence (DMI) pour fournir de faux témoignages contre leur sauveteur. En effet, des agents de la DMI, infiltrés dans le Service National des Juridictions GACACA (SNJG), ont ameuté et motivé des veuves et des orphelins Tutsi en leur faisant croire qu’ils recevront des profits et des dédommagements de la part de l’Eglise Catholique si l’Abbé Joseph NDAGIJIMANA est condamné par le tribunal GACACA de Byimana.

 

Le 29 juin 2006, la Haute Cour de la République de NYANZA (chef lieu de la Province du Sud) avait prévu de faire une descente sur les lieux des crimes à Byimana dans l’espoir de relancer le procès intenté contre l’Abbé Joseph NDAGIJIMANA qui est connu pour avoir sauvé, caché et nourri des centaines de personnes menacées de mort pendant le génocide de 1994 (voir nos communiqués n° 82/2005 et n° 89/2006 sur l’intéressé). Le procès n’a pas eu lieu car une représentante de ceux qui réclament des dommages, venue de Kigali, a exigé et obtenu que le procès soit reporté au 12 octobre 2006 pour lui permettre de bien le préparer. Notre Centre craint que ce nouveau complot risque d’aboutir à une condamnation pure et simple de l’Abbé Joseph Ndagijimana loin des caméras et des témoins gênants.

 

 

Dans notre communiqué n°82/2005 du 29 août 2005 intitulé : « GACACA : Complot contre l’Abbé Joseph NDAGIJIMANA », dans notre communiqué n°89/2006 du 17 janvier 2006 intitulé : « L’Abbé Joseph NDAGIJIMANA est un héros du génocide maintenu en prison depuis plus de 10 ans », et dans notre communiqué n°91/2006 du 27 juin 2006 intitulé : Nouveau complot contre un prêtre catholique, héros du génocide, emprisonné depuis plus de 11 ans ?, nous avons retracé la chronologie de toutes les péripéties qui ont caractérisé le déni de justice qui frappe ce prêtre martyr. Ce dernier semble avoir été choisi comme « bouc émissaire » par la junte militaire du président rwandais, le général Paul KAGAME, qui s’acharne à persécuter l’Eglise catholique dont les écoles ont formé les premiers leaders Hutu, qui ont réclamé la démocratie et conduit le Rwanda à l’indépendance après avoir remporté les premières élections communales et législatives de juin 1960 supervisées par l’Organisation des Nations Unies (ONU) et la Belgique (puissance tutrice).

 

Voici un bref rappel de l’absence de justice et de la mauvaise foi qui caractérise toutes les institutions officielles de l’Etat Rwandais. Ces dernières sont complètement contrôlées et paralysées par les chefs militaires et politiques du Front Patriotique Rwandais (FPR) dont le « pouvoir occulte » ou « gouvernement parallèle » est incontestable mais hélas nuisible.

 

La volonté de maintenir en prison l’Abbé Ndagijimana est confirmée par la chronologie des différents reports et remises injustifiés de son procès :

 

1) Son procès devant la Chambre spécialisée du Tribunal de Première Instance de Gitarama :

-          Détenu à Gitarama depuis février 1995, son procès qui a débuté le 27 mars 2000 s’est clôturé le 19 janvier 2001 après avoir traîné presque une année au tribunal.

-          De nombreux témoignages à décharge ont facilement balayé toutes les fausses accusations que le parquet et les délateurs avaient collectées pendant près de 5 ans.

Sous divers prétextes (congés, absences et/ou formations du représentant du Parquet ou des juges du Tribinstance, dossier non étudié, etc…), les différentes audiences de son procès se sont succédées comme suit :

-          Le 8 mai 2000 : ouverture de la première audience en première instance ;

-          Du 26 au 30 juin 2000 : l’affaire a été mise en continuation pendant cinq jours ;

-          Du 11 au 13 juillet 2000 : l’affaire a été mise en continuation pendant trois jours;

-          Du 2 au 6 octobre 2000 : l’affaire a été mise en continuation pendant cinq jours ;

-          Le 20 novembre 2000 : les audiences ont repris toujours en première instance

-          Le 19 janvier 2001: le procès a pris fin et le jugement a surpris tout l’auditoire.

Le 19 janvier 2001, ce dernier fut condamné à la prison à perpétuité, en présence des survivants tutsi qu’il a sauvés, pour le seul fait d’avoir eu un gilet militaire oublié dans son véhicule par un soldat des ex-FAR qui l’avait accompagné pour cacher un tutsi.

Les juges reconnaissaient qu’il avait bien secouru les personnes menacées pendant le génocide de 1994. Les personnes, présentées au tribunal de première instance de Gitarama, ont crié au scandale et une rescapée tutsie a tenté de s’en prendre aux juges de ce tribunal « injuste » vis-à-vis d’un héros qui lui a sauvé la vie.

 

2) Devant la Cour d’Appel les audiences ont été remises 13 fois en deux ans :

L’Abbé Joseph NDAGIJIMANA et son avocat, Maître Protais MUTEMBE, ont interjeté appel contre ce jugement arbitraire devant la Cour d’Appel de Nyanza (ex-Nyabisindu) :

-          Le 25 janvier 2001, la Cour d’Appel de Nyanza a jugé recevable leur dossier et a fixé la première audience au 18 septembre 2002 ;

-          Depuis le 18 septembre 2002, il n’y a jamais eu de plaidoiries car il y a eu  13 remises d’audiences entre 2002 et 2004 par la Cour d’Appel (baptisée actuellement « Haute Cour de la République »).

-          Les 13 remises d’audiences se suivent comme suit : L’audience prévue la première fois le 18 septembre 2002 fut remise au 6 novembre 2002, puis au 18 décembre 2002, puis au 12 février 2003, puis au 26 mars 2003, puis au 30 avril 2003, puis au 9 juillet 2003, puis au 24 septembre 2003, puis au 26 novembre 2003, puis au 28 janvier 2004, puis au 24 mars 2004, puis au 10 mai 2004 et pour la dernière fois l’audience fut remise sine die en septembre 2004 (sans précision de date).

 

Après 13 remises d’audiences devant la Cour d’Appel de NYANZA, les magistrats ont décidé de renvoyer l’Abbé Joseph NDAGIJIMANA devant les juridictions GACACA où seuls les « syndicats de délateurs » ont droit à la parole.

Après avoir tenté en vain de faire condamner arbitrairement l’abbé Ndagijimana le 1er septembre 2005 par le tribunal GACACA du secteur KAMUSENYI qui abrite les bâtiments administratifs du district de NTENYO et la cure de la paroisse Byimana en province de GITARAMA, son procès Gacaca fut reporté au 19 janvier 2006. Curieusement, l’audience Gacaca prévue le 19 janvier 2006 fut suspendue vers 10h30 alors que les détenus dont l’abbé Ndagijimana avaient été transportés de la prison de Gitarama tôt le matin et que la population était déjà rassemblée et prête depuis 8h00 du matin. Le motif invoqué pour cette suspension serait l’absence d’un des juges tombé malade !

 

            Le dernier complot, qui avait été prévu par la Haute Cour de Nyanza, a avorté le 29 juin 2006 sous prétexte que une représentante des rescapés Tutsi qui réclament les dédommagements n’avait pas eu le temps nécessaire pour se préparer pour ce procès.

 

CONCLUSION :

Sous couvert de fausses accusations pour crimes de génocide, l’Abbé Joseph NDAGIJIMANA est persécuté pour des raisons politiques liées à la diabolisation et au démantèlement planifié de l’Eglise Catholique du Rwanda par les chefs militaires et politiques du Front Patriotique Rwandais (FPR).

 

L’emprisonnement arbitraire du père belge catholique Guy THEUNIS en septembre 2005, l’inscription début mai 2006 sur la liste des planificateurs du génocide du prêtre catholique français, l’abbé Gabriel MAINDRON ainsi que la mise en accusation du père belge Bob GAUL pour « propos racistes », démontrent encore une fois la volonté des extrémistes TUTSI de persécuter l’Eglise catholique en vue de l’affaiblir avant de la récupérer.

 

5) RECOMMANDATIONS : Le Centre (CLIIR) recommande instamment :

 

-          La libération immédiate et sans conditions de l’Abbé Joseph NDAGIJIMANA et la fin de toutes les persécutions dirigées contre les confessions religieuses au Rwanda.

-          La poursuite en justice de tous les magistrats et délateurs impliqués dans l’emprisonnement arbitraire de l’abbé Joseph NDAGIJIMANA depuis plus de 11 ans.

-          La libération d’autres héros du génocide comme les secouristes de la Croix Rouge Rwandaise qui ont sauvé des milliers de blessés et de réfugiés à Kigali et à Kabgayi. (Une bonne nouvelle : KAREKEZI Jean Marie Vianney, le secouriste de la Croix Rouge Rwandaise et ancien Agent de la Banque Nationale du Rwanda emprisonné à Kigali depuis plus de 11ans, a été libéré dernièrement par le Gacaca du Secteur Gitega dans la capitale Rwandaise .

 

Pour le Centre, MATATA Joseph, Coordinateur.

 

 

 

CLIIR* : Le Centre de Lutte contre l’Impunité et l’Injustice au Rwanda est une association de défense des droits humains basée en Belgique, créée le 18 août 1995. Ses membres sont des militants des droits humains de longue date. Certains ont été actifs au sein d’associations rwandaises de défense des droits humains et ont participé à l’enquête CLADHO/Kanyarwanda sur le génocide de 1994. Lorsqu’ils ont commencé à enquêter sur les crimes du régime rwandais actuel, ils ont subi des menaces et ont été contraints de s’exiler à l’étranger où ils poursuivent leur engagement en faveur des droits humains.


 


[1] La DMI (Directorate of Military Intelligence) est une véritable « machine à tuer », une sorte de GESTAPO Tutsi créée et dirigée par le président rwandais et président du FPR (Front Patriotique Rwandais), le Général Paul KAGAME. La DMI a impunément assassiné, torturé, emprisonné et fait disparaître des milliers d’opposants politiques (réels ou supposés), des anciens dignitaires et intellectuels Hutu ainsi que de simples citoyens rwandais Hutu et Tutsi depuis plus de 12 ans.



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