Carla del Ponte souhaite la prise en charge des victimes du Rwanda et le procès des génocidaires

PARIS (AP) - Dix ans après le génocide, l'ancienne procureure du tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), Carla del Ponte, a souhaité mercredi à Paris que les enquêtes instruites à Arusha en Tanzanie visant les responsables politiques et militaires rwandais "soient portées à leur fin", tout en souhaitant que la communauté internationale prenne mieux en charge les victimes.

"Un des gros problèmes c'est naturellement les victimes", a souligné la magistrate à l'issue d'une rencontre informelle avec le juge Jean-Louis Bruguière au Palais de justice de Paris. "Les victimes en tant que témoins des procès, mais surtout les victimes qu'on a un peu oubliées".

La magistrate a appelé la communauté internationale à prendre sa responsabilité "morale" pour venir au secours des victimes. "Je suis procureur, je m'occupe de responsabilités criminelles personnelles. Pour ce qui est de la responsabilité morale, là c'est la tâche de quelqu'un d'autre", a noté Mme del Ponte qui a été procureur à Arusha de 1999 à 2003.

"Je pense que le dixième anniversaire peut aider beaucoup pour faire encore quelque chose pour ces victimes qui souffrent toujours", a insisté Mme del Ponte évoquant la situation économique difficile du Rwanda.

"Sur ce qui est du génocide connu, c'est-à-dire des Tutsis et Hutus modérés, il y a encore des grands responsables" à juger, a aussi estimé Mme del Ponte. Elle souligne cependant les difficultés des enquêteurs du TPIR à instruire les "massacres commis par les Tutsis, le FPR", le Front patriotique rwandais aujourd'hui au pouvoir dans le pays.

Ces enquêtes, "que nous appelions à l'époque les enquêtes spéciales (...) avaient posé par mal de problèmes avec le gouvernement du Rwanda", se souvient-elle. "J'espère que le nouveau procureur pourra les terminer et sortir des actes d'accusation parce que c'est très, très important".

Quant à l'enquête sur l'attentat contre l'avion de l'ancien président Juvénal Habyarimana dont l'élimination, le 6 avril 1994, a été l'élément déclencheur du génocide, Mme del Ponte a déclaré s'être partagé la tâche avec le juge d'instruction antiterroriste Jean-Louis Bruguière.

"Dès que j'ai su que c'était lui qui menait cette enquête, on s'est mis d'accord (sur le fait) que c'était inutile de faire doublon", a noté la magistrate. "On s'est dit qu'à la fin on saurait qui a fait quoi. Je l'ai assisté naturellement avec tous les éléments qu'on avait".

Mme del Ponte a loué "le professionnalisme et la capacité d'enquête" du juge français. Il est en train de terminer "une enquête dans laquelle il y aura toutes les preuves qu'il faut. Ce ne sera pas des thèses", a-t-elle affirmé.

Dans un rapport remis au juge Bruguière, moins d'un mois avant les commémorations du dixième anniversaire du génocide, et révélé par le quotidien "Le Monde", les enquêteurs français accusent Paul Kagame, ancien leader du FPR et actuel président du Rwanda d'avoir commandité cet assassinat avec une dizaine d'officiers.

Ce rapport se base entres autres sur les déclarations d'un ancien du FPR, le capitaine Abdul Ruzibiza. Il affirme que l'attentat aurait été ordonné par Paul Kagame lui-même. L'actuel chef de l'Etat, pour se lancer à la conquête du pouvoir, n'aurait donc pas hésité à prendre le risque de sacrifier les Tutsis de l'intérieur contre lesquels des représailles étaient prévisibles après l'assassinat du président. Représailles qui devaient prendre la forme d'un génocide. Paul Kagame a réfuté ces allégations.

Mi-mars, une boîte noire, qui pourrait correspondre à l'enregistreur de vol de l'avion a été retrouvée dans un bureau de l'unité aérienne du département de maintien de la paix des Nations unies. Elle est en cours d'analyse. AP