Habyarimana: deux juges d'instruction à Kigali pour une semaine

 

PARIS (AP) — Deux juges d'instruction français chargés de l'enquête sur l'attentat en 1994 contre l'avion du président rwandais Juvénal Habyarimana vont se rendre samedi à Kigali pour une mission d'expertise devant durer une semaine. Ce déplacement, le premier depuis l'ouverture de l'enquête en 1998, constitue un tournant dans les relations entre les deux pays et intervient à un moment où le Rwanda est accusé par l'ONU de crimes de guerre en République démocratique du Congo.

Le 6 avril 1994, l'avion ramenant à Kigali le président Habyarimana et son homologue burundais, Cyprien Ntaryamira, est abattu par un missile. Onze personnes trouvent la mort. Cet attentat est considéré comme l'élément déclencheur du génocide qui a fait, selon l'ONU, plus de 800.000 morts en trois mois avant la prise du pouvoir par le Front patriotique rwandais (FPR), dirigé par Paul Kagame.

Après la plainte des familles françaises de l'équipage, une information judiciaire sera ouverte en 1998 pour assassinat en relation avec une entreprise terroriste. En 2006, Kigali va rompre toutes relations avec Paris après le lancement de neuf mandats d'arrêts contre des proches du président rwandais par le juge Jean-Louis Bruguière. Selon le magistrat antiterroriste, le FPR est à l'origine de l'attentat. D'anciens militaires de l'Armée populaire rwandaise (APR) désignent Paul Kagame comme le commanditaire du crime, avant pour certains de revenir sur leurs déclarations.

En novembre 2008, une proche de Kagame, visée par un mandat d'arrêt, sera interpellée en Allemagne et extradée vers la France. Rose Kabuye, à l'époque major dans l'APR et soupçonnée d'avoir hébergé le commando avant l'attentat du 6 avril, sera mise en examen pour complicité d'assassinat. Une mise en examen qui a permis à Kigali d'avoir accès au dossier.

Les deux juges français, Marc Trevidic et Nathalie Poux, accompagnés d'un magistrat du parquet de Paris, d'experts, enquêteurs et avocats (17 personnes au total) vont passer une semaine à Kigali. But de l'opération, déterminer les conditions dans lesquelles l'avion présidentiel a été abattu. Et le lieu où aurait été tiré le missile pourrait désigner le commanditaire. Les cinq experts (balistique, incendie et aéronautique) désignés par les juges devront tenter d'apporter une réponse à cette question cruciale.

Depuis l'attentat, le FPR assure que celui-ci est l'oeuvre de Hutus extrémistes qui auraient voulu se débarrasser de Juvénal Habyarimana, lui-même hutu, jugé trop faible face à la rébellion tutsie. Selon les experts britanniques désignés par le gouvernement rwandais, le missile ayant touché l'avion aurait été tiré du camp des Forces armées rwandaises (FAR) de Kanombe. Selon les éléments de l'enquête française, le tir proviendrait de la colline de Massaka où un commando de l'APR aurait pris position en se déjouant des unités des FAR.

Aucun des deux missiles tirés, le premier ayant manqué sa cible, n'ont été retrouvés. Certains débris du Falcon 50 sont toujours dans le parc de la résidence présidentielle où une grande partie de l'avion est tombée.

Selon des sources judiciaires, les deux juges devraient entendre plusieurs témoins lors de leur séjour. Si les deux avocats de Mme Kabuye seront sur place, seul celui d'une des familles de l'équipage a fait le déplacement. Les autres n'ont pas voulu se déplacer ou ont compris, comme celui de la veuve Habyarimana, qu'il n'auraient pas de visa. AP