L'ONU tente d'identifier la boîte noire qu'elle a récupérée, en 1994, au Rwanda
LE MONDE | 18.03.04 | 15h18

 

Une première écoute de l'enregistreur de conversation n'a pas permis d'établir un lien avec l'avion présidentiel abattu il y a dix ans.

Un premier examen de la boîte noire retrouvée, la semaine dernière, au siège des Nations unies à New York, n'a rien révélé qui permettrait d'établir qu'elle provient du Falcon 50 du président Habyarimana, abattu le 6 avril 1994 à Kigali, a affirmé, mercredi 17 mars, le porte-parole de l'ONU. "Il faudra plus d'examens par des experts, comme c'est habituellement le cas, pour déterminer le contenu exact des bandes" du cockpit voice recorder (CVR), a indiqué Fred Eckhard. "C'est seulement après une analyse plus poussée qu'on pourra tirer des conclusions définitives. Cela va prendre du temps, je ne sais pas combien."

Le porte-parole de l'ONU a fourni ces explications dilatoires alors que trônait sur une table dans son bureau new-yorkais, exposée à la curiosité des journalistes, la boîte noire - en fait orange, pour être repérable en cas de crash - que les Nations unies avaient "retrouvée dans un placard", jeudi 11 mars, 48 heures après des informations publiées dans Le Monde (daté du 10 mars) révélant son acheminement depuis le Rwanda, il y a dix ans, en plein génocide.

Rectangulaire, la boîte noire porte la plaque de son fabricant, "Fairchild Industrial Products of Comack, New York", et un numéro de série, "6285". Elle est munie d'une étiquette indiquant l'acronyme, en anglais, de la Mission des Nations unies pour l'assistance au Rwanda, Unamir, et la date du 6 avril 1994, celle de l'attentat contre l'avion du président rwandais.

Selon Fred Eckhard, cette boîte noire a été ouverte, mardi, au Bureau américain de la sécurité des transports (NTSB), pour en extraire les bandes d'enregistrement vocal qui contiendraient trente minutes de conversation. Celle-ci a été écoutée, mais "rien de ce que l'on en a entendu jusqu'à présent ne lie le CVR à l'avion qui s'est écrasé le 6 avril 1994 au Rwanda", a affirmé Fred Eckhard. Avant de remettre les bandes originales dans la boîte noire, ramenée au siège de l'ONU, des copies ont été faites dont l'une a été envoyée à l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) à Montréal, pour expertise.

"Il faut espérer que l'OACI fasse preuve de plus de professionnalisme", a déclaré au Monde, jeudi 18 mars, une source proche de l'enquête du juge Jean-Louis Bruguière sur l'attentat contre le Falcon 50 du président Habyarimana qui, en 1994, a fait basculer le Rwanda dans le génocide. "Pour identifier les voix enregistrées, il suffirait de faire écouter l'enregistrement aux veuves des trois membres d'équipage français de l'avion d'Habyarimana. Quant à la boîte, pour être fixé, il suffit d'un simple coup de fil à Dassault Falcon Service", qui a assuré l'entretien de l'avion présidentiel rwandais. Selon l'enquête Bruguière, lors d'une révision, en janvier 1993, Dassault Falcon Service a relevé que le jet présidentiel avait été équipé d'un CVR d'un fabricant autre que le constructeur de l'avion.

Dans Libération, qui a retrouvé cet ancien enquêteur de l'ONU au Rwanda, Michael Hourigan confirme, jeudi, sa déposition devant le juge Bruguière. "On m'a toujours dit que l'enquête sur l'attentat contre l'avion du président Habyarimana faisait partie de mon travail, affirme-t-il. Et puis, quand j'ai trouvé une piste sérieuse, -on- m'a demandé de tout arrêter, en février 1997. J'étais sous le choc et j'ai démissionné peu après".

Stephen Smith

Sacrée boite noire!