J'ACCUSE LE FPR DE CRIMES DE GENOCIDE DES POPULATIONS D'ETHNIE HUTU,
DE PURIFICATION ETHNIQUE ET APPELLE A UNE ENQUETE INTERNATIONALE
URGENTE



En avril 1994, pendant le génocide et les massacres, je fus sauvé par
les troupes du FPR et évacué de Kigali vers le camp des déplacés de
BYUMBA où je suis resté jusqu'en juillet 1994. J'ai participé, avec
quelques politiciens rescapés et qui n'avaient pas trempé dans la
tragédie, aux pourparlers entre le FPR et les rescapés des Forces
démocratiques de changement pour la mise en place des nouvelles
institutions du pays. Par la suite, à partir du 19 juillet 1994,
j'exerce les fonctions de Chef du Service Civil des Renseignements
jusqu'au 30 août 1995, date à laquelle je démissionne et m'engage à
combattre la dictature du régime FPR. Déjà depuis mon évacuation sur
Byumba, en avril 1994, j'ai commencé à recevoir des éléments
d'information, avec des preuves irréfutables, sur les massacres
ethniques commis par des éléments de l'armée patriotique rwandaise,
des cadres du FPR, des responsables politiques et administratifs et
des rescapés du génocide.

Des données fiables prouvent que jusqu'en juillet 1995, le FPR avait
massacré de façon sélective et délibérée autour de 312.726 personnes
dans des crimes de réprésailles et de contre génocide. Ces chiffres
ne sont pas exhaustifs. Les relevés des victimes du FPR par secteur,
commune et préfecture collectés conjointement par mes informateurs et
quelques expatriés jusque fin juillet 1995 se présentent comme suit :
KIGALI VILLE : 19.331, KIGALI RURAL : 37.410, GITARAMA : 39.912,
BUTARE : 33.433, GIKONGORO : 17.545, CYANGUGU : 16.360, KIBUYE :
23.775, GISENYI : 3.100, RUHENGERI : 8.750, BYUMBA : 73.365,
KIBUNGO : 39.745, SOIT UN TOTAL DE TROIS CENT DOUZE MILLE SEPT CENT
VINGT SIX PERSONNES.
De ce nombre, nous avions pu établir des listes nominatives mais
malheureusement non exhaustives de plus de 104.800 personnes tuées
par le FPR après sa prise du pouvoir.

Les corps sont souvent enterrés dans des fosses communes (je dispose
des noms de plus de 173 dans tout le pays), entassés dans des
latrines, des écoles et des habitations rurales, jetées dans
l'AKAGERA, brûlés à l'essence, transportés par camions militaires
vers le MUTARA, le parc national de l'AKAGERA, la forêt de NYUNGWE,
RILIMA et vers d'autres lieux où des escadrons de la mort du
Dictatoriale of Miltary Intelligence et des soldats fossoyeurs
restent en permanence. Les zones dites militaires et interdites
d'accès aux forces de la MINUAR, aux ONG, aux moniteurs
internationaux des droits de l'homme, aux autorités civiles et à la
population abritent les charniers. Certaines régions sont interdites
de survol tandis que d'autres connaissent de verrouillages
systématiques au moment des massacres et du nettoyage par des unités
militaires spécialisées (ex : Stade de Byumba en avril 94 après le
massacre de plus de 3.000 paysans, SAVE en août 94 pendant les
massacres de plus de 1.700 personnes, KABUTARE d'août à novembre 94,
NSHILI en janvier 95 etc.…).

Beaucoup de charniers laissés par les miliciens INTERAHAMWE ont été,
dans la suite utilisés par l'APR pour camoufler les corps des
victimes de ses forfaits dans le dessein de faire croire à l'opinion
qu'ils sont l'œuvre des seuls miliciens. Certains des charniers comme
à SAVE, NDORA, MAYANGE, SAKE dont les corps ont été exhumés
contenaient en réalité des corps des victimes du FPR présentés
aujourd'hui comme les forfaits des miliciens.

Le contre génocide est doublé actuellement d'exclusion ethnique dans
l'administration, la magistrature, l'enseignement universitaire,
l'armée et les organes de sécurité, les affaires, des dépossessions
de biens meubles et immeubles, des exterminations des habitants de
certaines localités en vue de leur ethnilandisation, des pratiques de
ségrégation ethnique rappelant l'apartheid, la diabolisation ethnique
et la responsabilisation collective.

Des massacres de cette ampleur se poursuivent sous l'œil complaisant
de la communauté internationale qui croit que la seule présence des
casques bleus, des moniteurs des droits de l'homme, des ONG et de la
panoplie des agences onusiennes suffit pour connaître toute la vérité
sur les tueries. Certains de ces expatriés sont soit fanatisés,
obnubilés, ou alors terrorisés, intimidés, expulsés ou interdits
d'accès aux lieux des crimes avant et pendant des opérations de
nettoyage ou de maquillage par l'APR. Certaines zones dites
militaires sont, en réalité, de véritables camps d'extermination et
de crémation des corps. Par ailleurs quelques observateurs étrangers
se sont plaints et ont dénoncé la mauvaise volonté de leurs
organisations respectives dans la disponibilisation des moyens de
travail ou accusé le Gouvernement FPR de nombreux harcèlements et de
diverses tracasseries.

Paradoxalement, seuls quelques responsables rwandais, godillots et
marionnettes du FPR, connus pour leur lâcheté et leur opportunisme,
ainsi que des expatriés complices par leur silence, honteux d'avoir
failli à leur mission et soucieux de leurs carrières et de leurs
intérêts personnels, s'acharnent à blanchir le FPR pendant que ses
responsables et ceux du pays conscients de leurs forfaits refusent
catégoriquement la mise sur pied d'une commission d'enquête
internationale indépendante ou répondent comme le haut commandement
de l'APR, par le mépris comme si la vie humaine n'avait aucun sens
pour eux.

Tous les Rwandais épris de vérité ont donc la responsabilité et
l'obligation de combattre de toutes leurs forces cette dictature
sanguinaire et tous ses instruments.

Fait à NAIROBI le 08 décembre 1995
Sixbert MUSANGAMFURA
Ancien chef du service de Renseignement du
Gouvernement FPR

(sé)