Editorial : France-Rwanda ; la condition pour s’entendre
(L'Avenir Quotidien 29/09/2008)

Entre le gouvernement français et le gouvernement rwandais, ce n’est pas le grand amour. On a assisté à une rechute après que le gouvernement français ait pris l’option d’aller vers Kigali, faire preuve de bonne foi et envisager un nouveau départ dans la coopération entre les deux pays. Mais, la France avait oublié que pour prétendre à la normalisation des relations avec Kigali, il fallait se mettre dans les rangs des pays protecteurs du Rwanda. Jusque-là, la France n’avait pas franchi le rubicond. Kigali s’est vu obligé de le lui demander clairement. Mais, un simple pardon ne suffisait pas. Car, pour Kigali, le pardon impliquait la lecture du génocide rien qu’avec les lunettes rwandaises. En laissant le juge Jean-Louis Bruguière faire son enquête sur l’assassinant de Habyarimana, Paris violait le sacro saint principe de la protection du régime rwandais. Que le juge français soit allé jusqu’à lancer des mandats d’arrêt contre certaines personnalités du régime rwandais, c’est un crime de lèse majesté qui ne pouvait rester impuni. Ainsi, donc, la situation entre la France et le Rwanda n’a pas évolué en dépit de la rencontre entre Kagame et Sarkozy dans les couloirs du sommet de l’Onu à New York. " La situation est évidemment bloquée, puisque nous ne pouvons rien contre les mandats d’arrêt de la justice internationale ". Cette déclaration du ministre français est dénuée de tout sens pour Kigali. On est en présence de deux systèmes politiques opposés. Impossible d’émettre sur la même longueur d’onde. Si la France tient à Kigali, elle doit renoncer à elle, à sa tradition politique, mieux aux valeurs démocratiques qui fondent la société française. Dans le cas contraire, Paris doit renoncer aux " charmes " de Kigali. C’est peut-être ce que Kouchner entend en disant que : " Ce sont les exigences qui ont été présentées et nous avons expliqué que nous n’y pouvions rien ".

Pour le président rwandais qui avait exigé l’annulation des mandats d’arrêt contre les personnalités de son régime, cette réponse de la France est plus que claire. Après que Kigali ait mené sa propre enquête qui rend la France responsable du génocide rwandais, on s’attend à ce qu’il lance aussi ses mandats d’arrêt contre des personnalités françaises. Cette comédie judiciaire permettra à Kigali de se continuer un manteau d’impunité. Si on ose arrêter un seul des personnalités rwandaises mises en cause, il faudra s’attendre à ce que Kigali en fasse autant.

Le fait que la France ait rejeté les conclusions du rapport de Kigali sur sa participation au génocide de 1994, n’est pas suffisant pour faire reculer les autorités rwandaises. Elles aussi avaient rejeté les conclusions du juge français. C’est en vain que Kouchner tentera de débloquer une situation qui ne peut l’être qu’avec le renoncement aux valeurs qui fondent la société française. En disant que : " Nous sommes dans une situation bloquée et on a intérêt à la débloquer ", Kouchner fait preuve d’ignorer les valeurs qui fondent le régime rwandais. Si la France veut défendre sa tradition d’entretenir de bonnes relations avec Kigali, elle est obligée d’avoir les pieds sur terre. Elle doit comprendre que le Rwanda d’hier est mort. L’écrivain Péan en appris à ses dépends. On a critiqué des dictatures, on a produit des ouvrages sur eux, on ne peut le faire avec le régime actuel au Rwanda. Pourquoi ? This is the question.

Joachim Diana G.


27-09-200