J.R. Booh Booh, Le patron de Dallaire parle", Ed. Duboiris, mars 2005, ISBN : 2952231508
 
 L'ex-patron de l'Onu au Rwanda accuse
Le Soir en ligne

L'ex-représentant spécial de l'Onu au Rwanda lors du génocide de 1994, le Camerounais Jacques-Roger Booh Booh, accuse son adjoint militaire, le général canadien Roméo Dallaire, d'avoir failli à la nécessaire impartialité liée à sa fonction en prenant parti pour les rebelles tutsis de l'actuel président Paul Kagame.
 
Dans un livre à paraître la semaine prochaine, il s'en prend aussi à la Belgique qui a retiré son contingent de Casques bleus après la mort de dix d'entre eux, le 7 avril 1994, et ensuite lancé une campagne active pour la dissolution de la Mission d'assistance des Nations unies au Rwanda (Minuar).
  Rompant le silence onze ans après le génocide qui a fait quelque 800.000 morts, l'ancien ministre camerounais des Affaires étrangères affirme assumer pleinement la responsabilité des actes posés par cette mission depuis mon arrivée à Kigali le 23 novembre 1993 jusqu'à ma démission le 15 juin 2004. Dans ce livre intitulé "Le patron de Dallaire parle, révélations sur les dérives d'un général de l'Onu au Rwanda", M. Booh Booh est particulièrement virulent envers ce "pauvre général" qui était son adjoint militaire. "Le général Dallaire, qui avait tenté en vain d'être nommé à la fois représentant spécial du secrétaire général des Nations unies et commandant de la force de la Minuar au Rwanda, a entrepris un travail de sape au sein de la mission. Il faisait cavalier seul, cherchant à mener une politique personnelle, du reste contreproductive, et tentait de minimiser ou de court-circuiter l'action du chef de mission que j'étais", écrit-il. "Cet officier voulait faire un métier pour lequel il n'avait aucune compétence: la diplomatie et parfois même la politique", ajoute M. Booh Booh en rappelant que Roméo Dallaire n'avait de l'Afrique "ni connaissance élémentaire ni compétence particulière". Le général a, selon lui, "dû beaucoup souffrir de travailler sous l'autorité d'un Africain".
  Le diplomate admet toutefois la responsabilité principale de la classe politique rwandaise qui a "foulé au pied l'accord de paix" signé en août 1993 à Arusha (Tanzanie) et "ouvert le pays à toutes les aventures, au génocide".
  Evoquant l'attitude de son adjoint, il affirme: "Dallaire n'était pas neutre: il était plutôt de connivence avec le FPR (Front patriotique rwandais, la rebellion dominée par la minorité tutsie qui a repris les armes au début du génocide pour s'emparer du pouvoir trois mois plus tard)". "Dallaire est quasiment tombé dans les bras de ce mouvement", assure M. Booh Booh, en accusant son subordonné "d'avoir fermé les yeux sur les convois d'armes à destination du FPR alors qu'il contrôlait plus largement ceux du régime (du président Juvénal) Habyarimana". Il ajoute que le "généralissime a pris parti pour les rebelles tutsis" et que des tracts faisaient état d'une "fille rwandaise qui vivait sous son toit". "A plusieurs reprises, les soldats du FPR ont été surpris dans le bureau du général Dallaire en train de se faire expliquer la carte d'état-major de la Minuar qui indiquait les positions des FAR (Forces armées rwandaises) en ville et dans l'arrière-pays", poursuit cet ancien ambassadeur camerounais à Paris.
  Il s'insurge aussi contre les "critiques injustifiées" portées contre lui par la Commission d'enquête sénatoriale belge qui a enquêté en 1997 sur le drame rwandais et avait dénoncé sa "passivité" en tant que représentant spécial de l'Onu. "Alors que les Belges et autres amis du Rwanda partaient dans les conditions lamentables que l'on peut aisément imaginer, je suis resté à mon poste sous les tirs d'obus et de mitraillettes, risquant ma vie à tout moment", note-t-il. "En retirant son contingent du Rwanda, la Belgique avait-elle oublié qu'elle constituait pourtant la pièce maîtresse du dispositif militaire de la Minuar?", demande-t-il.
  Ce livre apparaît comme une réponse de M. Booh Booh aux "propos discourtois et malveillants" formulés depuis dix ans à l'égard de son auteur et comme une réplique à celui publié en 2003 par le général à la retraite sous le titre "J'ai serré la main du diable. La faillite de l'humanité au Rwanda".