Sommet Etats-Unis-Afrique: Washington donne les consignes

par RFI
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Barack Obama et Macky Sall au palais présidentiel de Dakar, le jeudi 27 juin.
REUTERS/Jason Reed
 
 Washington, quelques précisions ont été apportées concernant le sommet Etats-Unis-Afrique qui se tiendra dans la capitale américaine les 5 et 6 août prochains. Il réunira une cinquantaine de chefs d’Etat. Lors d’un point de presse électronique avec des journalistes africains, la vice-secrétaire d’Etat américaine en charge de l'Afrique, Linda Thomas Greenfield, a donné mercredi des détails sur la philosophie du sommet. Elle a aussi rappelé sans détours que certaines politiques émanant de dirigeants africains froissaient beaucoup Washington.
A Washington, Barack Obama souhaite échanger au maximum avec ses hôtes. « Nous ne demandons pas aux chefs d'Etat de venir avec de longs discours », a déclaré Linda Thomas Greenfield mercredi. La vice-secrétaire d'Etat a par ailleurs confirmé que le président américain n'aurait aucune réunion bilatérale lors du sommet. « Ils seront une cinquantaine, il aurait été difficile de choisir, nous avons préféré opter pour trois réunions thématiques et le président participera aux trois », a-t-elle précisé.

 

Linda Thomas Greenfield Vice-secrétaire d'Etat chargée des affaires africaines 10/07/2014 - par Anne-Marie Capomaccio écouter

 

Trois présidents qui sont mal vus par les Etats-Unis n'ont pas été invités au sommet, à savoir les chefs d'Etat du Zimbabwe, du Soudan et de l'Erythrée. La position américaine sur les révisions constitutionnelles pour permettre à un président sortant de briguer un mandat supplémentaire, n'a pas varié d'un iota depuis les déclarations de John Kerry à Kinshasa en mai. « Nous avons découragé tous les dirigeants des pays où de tels amendements sont envisagés, notre position sur ce dossier est très claire », a encore déclaré Linda Thomas Greenfield.

Par ailleurs, toujours lors du même point de presse, elle a de nouveau regretté les lois et les pratiques discriminatoires dans plusieurs pays d'Afrique vis-à-vis des communautés homosexuelles. Elle a notamment fait allusion au Cameroun et à l'Ouganda.

Les thèmes de la gouvernance, de la sécurité, et des futures générations seront abordés. Il sera précédé d’un forum autour d’entrepreneurs américains et africains. Le mardi 4, des rencontres seront organisées autour de la société civile, sur la lutte contre le changement climatique la sécurité alimentaire ou la lutte contre le trafic d’espèces protégées.

 

RFI Quelles sont les raisons de cet intérêt de Barack Obama pour l’Afrique, aujourd’hui ?

Jérôme Pigné : Je pense qu’il y a un vrai intérêt de la part de Washington pour l’Afrique et qu’on peut parler d’une vraie volonté politique de développer des partenariats avec le continent africain. Il y a de réels enjeux économiques. Il ne faut pas avoir peur de le dire, sans pour autant tomber dans le fantasme des enjeux géostratégiques ou encore de la théorie du complot qui viserait à sécuriser un certain nombre d’intérêts comme on a pu l’entendre par le passé, notamment à propos de l’Irak.

Au-delà du prisme sécuritaire, il y a deux variables – à mon avis – qui sont importantes, à savoir d’un côté les BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) et de l’autre côté l’Iran qui peuvent être perçus comme des concurrents, même si c’est réfuté de manière officielle par Obama. Lorsqu’il dit que nous ne sommes plus dans un prisme ou dans un paradigme de guerre froide, c’est vrai. Mais il y a de réels enjeux derrière, ainsi que d’influences politiques.

Vous parlez d’intérêts économiques. Il y a-t-il clairement un retard à rattraper, notamment pour contrer l’influence chinoise sur le continent africain ?

C’est exactement cela. Pour donner quelques chiffres, la Chine c’est 100 milliards sur le plan commercial, en moins de dix ans, avec deux partenaires principaux qui sont le Nigeria et l’Algérie. Et quand on connaît le prisme américain notamment sur l’Afrique occidentale, le Nigeria et l’Algérie sont deux partenaires principaux. Par conséquent, il y a vraiment une volonté de suivre de près ce qui se passe au niveau de la Chine et au niveau des intérêts commerciaux.

La Chine s’est aussi positionnée dernièrement avec un certain nombre de soldats au sein de la Minusma dans l’intervention au Mali. Il y a donc des aspects économiques, commerciaux mais aussi l’influence politique – d’une manière générale – de la Chine ou de pays comme l’Iran, aussi.

Au total, 47 pays invités. Il semble que pour les Etats-Unis, il y a toute une relation à construire avec l’Afrique francophone. Est-elle quasiment inexistante aujourd’hui ?

Oui, c’est vrai. On le voit notamment par rapport à la question de la Centrafrique ou par rapport au Mali. Les Américains ont, de fait, laissé la France et l’Europe se positionner tout d’abord, après l’intervention Serval de la France, il y a maintenant un an. Certes, les Etats-Unis vont toujours avoir une position assez ferme sur ces questions-là mais néanmoins on sent bien quand même qu’ils ne sont pas très à l’aise avec tout ce qui se passe aujourd’hui sur les questions de sécurité, même s’ils ont une certaine expérience et un certain héritage depuis une décennie sur ces questions-là.

Les Africains ont été déçus du premier mandat de Barack Obama. Une seule visite au Ghana ; des chefs de l’Etat reçus, non pas seuls mais à plusieurs. Diriez-vous que Barack Obama finalement s’autorise, aujourd’hui, une relation décomplexée vis-à-vis de l’Afrique ?

Tout d’abord, c’est une promesse qu’il avait faite lors de sa visite sur le continent en juin 2013. Effectivement, il avait été au Ghana de manière très rapide mais c’était la première vraie visite. Par conséquent, il répond ou il reste sur ses engagements puisque c’est ce qu’il avait promis l’année dernière.

Ensuite, il est vrai qu’il y a eu un certain nombre de fantasmes lors de son premier mandat et même avant, sur des sondages et des études qui montrent qu’un certain nombre d’Américains pensaient « Obama, le musulman » ; « Obama, l’islamiste » voire même « Obama, le qaïdiste ». Oui, je pense qu’Obama assume ses origines, son tropisme africain - s’il en a un - oui, certainement.

Mais au-delà de cela, je pense qu’il faut surtout voir la realpolitik. L’Afrique, aujourd’hui, est incontournable dans les relations internationales et elle l’est aussi dans les relations extérieures des Etats-Unis.