La stratégie globale du HCR

concernant la situation des réfugiés rwandais

 

Bureau régional pour l’Afrique
Siège du HCR
Genève, Suisse
Novembre/décembre 2009

 

A)        Concernant les réfugiés rwandais encore en exil aujourd’hui

 1.         Combien y a-t-il aujourd’hui de réfugiés rwandais et où sont-ils ?
Selon les statistiques du HCR, il y aurait 75 530 réfugiés rwandais enregistrés dans quelque 40 pays d’asile, pour la plupart en Afrique.  La République démocratique du Congo (22 643 réfugiés rwandais), l’Ouganda (16 162), la République du Congo (7 897), la Zambie (4 898), le Kenya (2 524), le Malawi (1 774), le Cameroun (1 369), et l’Afrique du Sud (1 266) constituent les principaux pays d’accueil en Afrique. En Europe, la région extérieure à l’Afrique comptant le plus grand nombre de réfugiés et de demandeurs d’asile rwandais est la France (avec 2 184 Rwandais au bénéfice de différentes formes de protection à la fin de 2008) suivie du Royaume-Uni (1 742), de la Belgique (1 108) et des Pays-Bas (920).

 2.Quel est leur profil ? Ont-ils pour la plupart été contraints à l’exil suite au génocide au Rwanda ?

 La plupart des réfugiés ont quitté le Rwanda après le génocide de 1994.  Toutefois, on compte un petit nombre de réfugiés rwandais ayant choisi le chemin de l’exil après les événements de 1959 et de 1973, mais la plupart d’entre eux seraient rentrés au Rwanda lors du changement de régime en 1994 suite au génocide. [Note : les réponses du HCR à ces questions doivent s’efforcer autant que faire se peut de s’éloigner d’une ventilation ethnique des réfugiés.]

 3.         Des millions de réfugiés rwandais déplacés dans des circonstances semblables sont rentrés au Rwanda.  Quelles sont les raisons pour lesquelles ce groupe est resté en exil ?

 Le HCR a interviewé les réfugiés sur cette question de façon approfondie.  Les raisons avancées peuvent être ainsi regroupées :

i)                    - un espace politique restreint au Rwanda, particulièrement concernant la liberté d’expression ;

ii)                  - l’équité au niveau de l’administration de la justice, particulièrement en ce qui concerne le processus judiciaire « Gacaca » et l’usage abusif des instruments spécifiques au niveau du dispositif pénal ; et

iii)                - les questions foncières du fait que leurs propriétés ont été occupées par d’autres et qu’ils n’ont pas pu avoir accès à des mécanismes efficaces de restitution ou d’indemnisation.  Il y a d’autres raisons et préoccupations, y compris d’ordre personnel. 

 

B)        Concernant la stratégie globale du HCR

 4.         Pourquoi le HCR a-t-il élaboré et annoncé cette stratégie à ce stade ?

  Il est clair que des changements importants sont survenus au Rwanda depuis le génocide.  La plupart des réfugiés déplacés par ce génocide (comme ceux qui ont été déplacés par les événements antérieurs) sont rentrés au Rwanda.  Le HCR a suivi de près la situation de ceux qui sont restés en exil.  Cela fait partie du travail du HCR.  D’autres groupes de réfugiés dans une situation similaire, y compris les Angolais, les Burundais, les Sierra-léonais, ont également fait l’objet d’études semblables.

5.         On avance que le HCR a fait l’objet de pressions de la part du Gouvernement rwandais pour invoquer la clause de cessation du statut de réfugié pour les réfugiés rwandais

 Tout d’abord, la stratégie n’est pas exclusivement centrée sur la clause de cessation du statut de réfugié mais s’oriente davantage vers un programme de retrait global, conformément au droit international des réfugiés.  Deuxièmement, la stratégie à l’heure actuelle ne peut se ramener à l’invocation définitive de la cessation du statut de réfugié pour les réfugiés rwandais.  Il est vrai que la cessation du statut de réfugié pour ce groupe constitue une question qui a été posée à plusieurs reprises au HCR tant de la part des autorités rwandaises que de la part d’un certain nombre de pays d’asile et même par d’autres gouvernements.  L’étude du HCR et les décisions annoncées dans le cadre de cette stratégie constituent toutefois un exercice complètement indépendant des responsabilité s statutaires comme de par le passé.

  C)        Concernant la cessation

  6.         Que signifie la cessation du statut de réfugié ?

 Le droit international prévoit l’octroi de l’asile et d’une protection au titre du droit des réfugiés pour les personnes ayant été contraintes à l’exil du fait d’une crainte fondée de persécution.  Ces personnes ne jouissent plus de la protection dont elles pouvaient se prévaloir auprès des autorités de leur pays de nationalité ou de résidence habituelle.  La protection ne saurait toutefois être considérée comme permanente.  Le droit des réfugiés prévoit que le statut de réfugié et la protection peuvent cesser lorsque les circonstances ayant motivé l’octroi du statut de réfugié ont cessé d’exister.  Cette clause se traduit par le fait qu’une personne ne peut plus refuser de se prévaloir de la protection de son pays de nationalité.  C’est ce que l’on appelle la cessation du statut de réfugié.

 7.         Quelles en sont les conséquences ?
Lorsque le statut de réfugié est ainsi caduc, la personne qui en bénéficiait tombe sous le coup des mesures de régularisation de statut pour les étrangers conformément à la législation applicable dans le pays où elle se trouve.  Selon le pays, cette législation peut inclure :

Il n’y a toutefois aucun ensemble obligatoire de droits qu’une personne peut revendiquer une fois que son statut de réfugié à cessé, et on part généralement de l’hypothèse que cette personne retrouvera la protection de son pays de nationalité ou de résidence habituelle et qu’elle quittera le pays d’asile.

8.         Quelles sont les opinions du HCR sur la situation intérieure au Rwanda aujourd’hui ?

 Le HCR est obligé de prendre position non seulement sur le Rwanda en tant que pays au sens large mais principalement sur les faits ou circonstances pertinents concernant ces responsabilité s.  A cet égard, le HCR reconnaît que des changements positifs importants ont eu lieu au Rwanda suite au génocide de 1994.  En conséquence, le HCR a encouragé le retour volontaire vers le Rwanda des réfugiés rwandais depuis 2002 et a depuis lors aidé quelques 130 000 personnes à rentrer sous ses auspices.  Aujourd’hui, le HCR a conclu 11 accords tripartites avec le Rwanda et les pays d’asile concernés pour promouvoir le rapatriement.  Le HCR est d’avis que les conditions prévalant aujourd’hui justifient le besoin continu de protection des citoyens de ce pays qui restent à l’extérieur en tant que réfugiés.  Cela ne représente pas l’opinion globale du HCR concernant le Rwanda en tant que pays.  Il s’agit plutôt de sa position sur les circonstances particulières qui entourent l’exercice de ses responsabilité s statutaires dans ce cas.

  9.         Quelle est exactement la décision prise par le HCR concernant la cessation du statut de réfugié pour les réfugiés rwandais ?

La stratégie que le HCR a adoptée concernant les réfugiés rwandais inclut, sans pour autant s’y limiter, la question de la cessation.  Il s’agit d’une stratégie à quatre volets articulée sur l’incitation résolue au rapatriement librement consenti pour les réfugiés rwandais en exil, examinant et encourageant les solutions dans les pays d’asile ou de résidence pour ceux qui le nécessiteraient ; la poursuite de la satisfaction des besoins de protection ; et l’examen échelonné des indicateurs et paramètres sur la base desquels la cessation du statut de réfugié pour les réfugiés rwandais pourrait entrer en vigueur à partir du 31 décembre 2011.

10.       Cela signifie-t-il que le statut de réfugié des réfugiés rwandais prendra définitivement fin au 31 décembre 2011 ?

 Le 31 décembre 2011 est une date indicative.  L’idée consiste à élaborer un ensemble de paramètres et d’indicateurs agréés par le HCR et les Etats concernés qui pourraient permettre d’aboutir à la cessation du statut de réfugié pour les réfugiés rwandais à compter du 31 décembre 2011.  Par ailleurs, si les conditions ne sont pas réunies, aucune décision ne serait prise quant à cette cessation.

 11.       S’agit-il d’un moyen normal d’invoquer les clauses de cessation ? Et pourquoi 2011 ?
Un délai doit toujours être respecté avant que les clauses de cessation ne prennent effet. L’entrée en vigueur des clauses de cessation n’est en général pas conditionnelle.  Le délai permet aux réfugiés de trouver des solutions de rechange, généralement le retour dans le pays d‘origine, bien que d’autres options puissent être examinées.  Dans le cas de la situation des réfugiés rwandais, on reconnaît qu’il s’agit d’une situation complexe, que la situation intérieure au Rwanda et dans certains des pays d’asile, le profil et la dynamique des populations réfugiées sont complexes.  La stratégie visant à régler définitivement et de façon adéquate la situation des réfugiés rwandais comporte beaucoup d’autres dimensions. L’objectif est de réduire ainsi la population réfugiée en exil – surtout moyennant la promotion résolue du rapatriement librement consenti et l’examen d’options possibles dans les pays d’asile et de résidence.  Compte tenu d’un délai de deux ans, on peut espérer diminuer la population résiduelle encore en exil, ce qui allégerait les retombées éventuellement néfastes de la cessation du statut de réfugié.

12.       Quel processus sera adopté pour parvenir à une décision définitive quant à l’application des clauses de cessation ?
Ce processus doit encore être arrêté.  Il devrait néanmoins suivre la procédure traditionnelle impliquant un processus consultatif avec le HCR, les pays d’asile, le pays d’origine et d’autres parties intéressées, y compris la société civile pour déterminer le cadre global pour la prise d’effet des clauses de cessation.

 13.       Quels sont les indicateurs ou développements qui détermineront si les clauses de cessation entrent en vigueur ou non le 31 décembre 2011 ?
Il convient de les élaborer en détail.  Les principes de base sont contenus dans le droit international des réfugiés et précisés par le HCR dans sa doctrine, des prises de position et des principes directeurs ainsi que par les Etats moyennant les conclusions du Comité exécutif.

 14.       Est-ce que cela signifie que les Rwandais ne peuvent chercher asile aujourd’hui ?
Pas du tout.  Jusqu’à ce que la cessation du statut de réfugié entre en vigueur, ce statut reste valide, aussi continuent-ils à être des réfugiés protégés par le droit international, y compris contre toute tentative de les renvoyer dans leur pays d’origine contre leur volonté.  Tout Rwandais qui pourrait entre-temps quitter son pays en quête d’asile et de protection en tant que réfugié aura le droit de présenter sa demande au HCR ou aux autorités du pays concernés et verra sa demande examinée de façon équitable et adéquate conformément aux droits et aux procédures applicables dans ce pays.

  Bureau régional pour l’Afrique
Siège du HCR
Genève, Suisse
Novembre/décembre 2009