TPIR/EXPERT - UN EXPERT FRANÇAIS DRESSE UN BILAN MITIGE DU TPIR

Arusha, 27 juin 2005 (FH)- Le sociologue français, André Guichaoua, un des meilleurs témoins experts de l’accusation au Tribunal pénal international (TPIR) dresse un bilan mitigé de l’institution, dans une interview parue lundi dans le journal Le Monde.

Le professeur Guichoua s’interroge notamment sur les critères présidant au choix de personnes inculpées par le TPIR.

Le tribunal a prononcé à ce jour 22 condamnations et 3 acquittements. Vingt- cinq accusés sont en procès, 16 autres attendent l’ouverture de leurs procès, 14 sont en fuite.

«Le TPIR n'a jamais exposé publiquement les critères précis qui auraient présidé à ses choix. Et la localisation et les arrestations effectives des accusés lui échappent largement», estime le sociologue.

«Sa politique apparaît ainsi à l'extérieur comme relevant d'un quasi bricolage», dénonce l’expert. Ce «bricolage» profite, selon Guichaoua, à «ceux qui ont déployé les efforts adéquats pour bénéficier de protections, de caches sûres, de changements d'identité, et brouiller les pistes en attendant que le tribunal ferme ses portes», déclare l’expert.

Le TPIR doit terminer fin 2008 les procès en première instance. Officiellement, les enquêtes ont été closes à la fin de l’année dernière.

Pour l’expert français, «les enjeux politiques ou les raisons qui ont abouti à la sélection des accusés démontrent à l'évidence que ce n'est pas "le délit qui fait le délinquant", mais un ensemble de choix plus ou moins aléatoires et arbitraires».

Il trouve par ailleurs faible l’argumentaire du procureur en ce qui concerne sa thèse de la planification du génocide. «La fameuse théorie du "complot" sur laquelle le procureur du TPIR a bâti ses poursuites apparaît bien faible», affirme-t-il.

«Les déterminants politiques ne sont pas définis avec cohérence, les preuves du "complot" demeurent fort ténues et sont pour l'essentiel construites et invoquées a posteriori», affirme le sociologue.

Il s’insurge également contre l’absence de poursuites judiciaires contre des membres de l’actuelle armée rwandaise soupçonnés d’avoir massacré des civils en 1994.

«Il y a eu un choix délibéré des procureurs successifs d'ignorer l'un des protagonistes majeurs du conflit, le Front patriotique rwandais» (FPR, ex-rébellion actuellement au pouvoir», estime Guichoua, parlant d’un «oubli imposé par le chantage au boycottage du tribunal par Kigali».

A son avis, «reconnaître l'existence et qualifier les crimes commis par les dirigeants du FPR n'atténue nullement la condamnation du génocide des Rwandais tutsis ni ne la banalise».

«Bien au contraire, l'amnésie dont bénéficie l'un des protagonistes du conflit affaiblit les arguments de l'accusation envers les responsables du génocide», conclut-il.

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