Paul Rusesabagina                                       Bruxelles, le 15 novembre 2006

124 Avenue Baron Albert d’Huart

1950 Kraainem, Belgique         

 

 Monsieur Hassan Bubacar Jallow

Procureur du Tribunal Pénal International

Sur le Rwanda (TPIR)

Arusha International Conference Centre

P.O. Box 606, Arusha, Tanzanie

 

 

Objet : Plainte contre le Général Paul Kagame

            et les membres du haut commandement

            militaire du FPR.

 

 

 

Monsieur le Procureur,

 

 

Je soussigné Paul Rusesabagina, citoyen rwandais né à Murama dans la préfecture de Gitarama le 15 juin 1954, résidant à l’adresse ci-haut mentionnée et exerçant les métiers d’humanitaire et d’homme d’affaires, viens par la présente, m’adresser à votre compétence pour porter plainte contre le Général Paul Kagame, Chef de l’armée du Front Patriotique Rwandais (FPR) ainsi que contre les membres du haut commandement militaire du FPR, et vous demander de les poursuivre pour crimes de guerre, crimes  de génocide et crimes contre l’humanité commis sur ma famille à la prise de ma région natale par le FPR en juin 1994, et sur d’autres membres de la population  rwandaise, du 1er  janvier 1994 au 31 décembre 1994.

 

La présente plainte s’appuie sur de solides preuves matérielles, documentaires et testimoniales dont je présente une brève description dans le document ci-joint et qui indiquent que le Général Paul Kagame et des membres de son armée ont commis les crimes ci-haut mentionnés. Moi-même ainsi que d’autres témoins vivant à l’intérieur et à l’extérieur du Rwanda sommes également à votre disposition pour confirmer la véracité des faits. 

 

Monsieur le Procureur, comme vous pourrez le remarquer, j’ai pris la liberté d’inclure des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des crimes de génocide commis par le Général Paul Kagame et son armée avant et après l’année 1994 dans le condensé ci-annexé. L’évocation de ces crimes commis sur des périodes non couvertes par l’actuel mandat du TPIR est motivée par ma volonté de voir les auteurs de ces horribles crimes punis et mon désir de solliciter votre concours à ce niveau. Aussi, je saisis cette occasion pour également vous demander de bien vouloir solliciter auprès du Conseil de Sécurité des Nations-Unies l’extension du mandat du TPIR pour  vous permettre d’enquêter sur ces crimes qui sont, par ailleurs, parmi les causes et les conséquences du drame Rwandais de 1994. Cependant, au cas où vous ne pourriez pas accéder à une telle demande, je vous serais gré de m’indiquer une autre instance susceptible de poursuivre les auteurs de ces horribles crimes.

 

En réaffirmant ma confiance dans votre ferme volonté de rendre justice à toutes les victimes du drame rwandais, je vous prie d’agréer, monsieur le Procureur, l’_expression de ma très haute considération.

 

 


Paul Rusesabagina

 

 

C.P.I.

Honorable Eric Mose, Président du TPIR

Monsieur Adama Dieng, Greffier du TPIR

Monsieur Kofi Annan, Secrétaire Général de l’ONU

Les membres du Conseil de Sécurité des Nations-Uni       es (tous)

Son Excellence M. Denis Sassou Nguesso, Président de l’Union Africaine

Son Excellence Mme Tarja Halonen, Présidente de l’Union Européenne

Monsieur Guy Verhofstadt, Premier Ministre du Royaume de Belgique

Amnesty International

Human Rights Watch

 

 

 

Document compilé par :

Paul Rusesabagina

 

Bruxelles

Novembre 2006

 

 

 I. INTRODUCTION

 

  1. Le 8 novembre 1994, le Conseil de Sécurité des Nations Unies a adopté la Résolution 955 portant création du Tribunal Pénal International sur le Rwanda (TPIR) chargé de « poursuivre les personnes responsables de génocide et d’autres violations graves du droit humanitaire international commis en territoire rwandais et les citoyens rwandais responsables de génocide et de crimes similaires dans les pays environnants entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994 » [ICTR Statute as adopted by UN Security Council Resolution S/RES/955 (1994) of 8 November 1994] . Il faisait suite au rapport de la Commission des Experts mise sur pied par le Secrétaire Général des Nations Unies qui avait conclu que « des éléments  issus des deux camps du conflit armé avaient perpétré de sérieuses entraves au droit humanitaire international et des crimes contre l’humanité » (The United Nations and Rwanda, 1993-1996, p.64).

 

  1. La création du TPIR avait suscité l’enthousiasme du Peuple Rwandais, des autres  peuples des pays des  Grands Lacs Africains et de toutes les personnes éprises de paix et de justice qui espéraient voir la fin de l’impunité pour les auteurs de ces horribles crimes. Malheureusement, douze ans après, force est de remarquer que tous ces espoirs ont été déçus. En effet, alors que plusieurs membres de l’ancien gouvernement soupçonnés d’avoir commis des crimes de guerre, des crimes de génocides et des crimes contre l’humanité ont été arrêtés, aucun membre du Front Patriotique Rwandais (FPR) soupçonné d’avoir commis ces mêmes crimes n’a été poursuivi. Entre temps, le fonctionnement du TPIR a coûté à la communauté internationale une bagatelle de 1,5 milliards de dollars.

 

  1. Cette situation est d’autant plus incompréhensible que plusieurs sources attestent que le TPIR est au courant d’horribles crimes commis par le FPR et qui entrent complètement dans ses compétences. À titre illustratif, Amnesty International affirme que « les crimes commis par le FPR en 1994 ont été portés à la connaissance du bureau du procureur soit en privé à travers des informations confidentielles, soit à travers des publications des organisations non gouvernementales et autres, ainsi qu’à travers ses propres témoins experts à Arusha » (Amnesty International, International Criminal Tribunal for Rwanda- Trials and Tribulations, April 1998, p.17).

 

  1. Certains prétendent que le gouvernement rwandais devrait être autorisé à poursuivre les membres du FPR soupçonnés d’avoir commis des crimes de guerre, des crimes de génocide et des crimes contre l’humanité.  Cette option est inacceptable pour plusieurs raisons. D’une part elle serait contraire aux fondements même du droit parce qu’il serait alors permis au FPR d’être à la fois juge et partie. D’autre part, elle serait discriminatoire pour le peuple rwandais, étant donné qu’il serait le seul à subir un tel traitement parmi les autres peuples qui ont connu des drames similaires et pour lesquels l’ONU a mis en place des tribunaux pour juger les criminels. À titre illustratif, pour l’ancienne Yougoslavie, le tribunal de La Haye a jugé les Serbes, les Croates, les Musulmans et les Albanais, et n’a laissé à aucun groupe le soin de juger lui-même des présumés criminels en son sein.

 

  1. Le fait que des présumés criminels au sein du FPR n’ont pas été poursuivis jusqu’à présent est lourd de conséquences parce que, comme l’a fait remarqué Mme Louise Arbour, ancienne Procureur du TPIR lors de la conférence de commémoration du 50ième anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’homme, à Montréal le 7 décembre 1998 « l’impunité en matière pénale est particulièrement choquante car  elle rend la justice illusoire et par conséquent incite à la répétition des même crimes ». Le peuple Rwandais et les autres peuples des Grands Lacs africains ont déjà payé un lourd tribu de cette impunité à travers les horribles crimes que l’armée du FPR ne cesse de commettre.

 

  1. Le présent document fait état de certains crimes commis par des éléments du FPR que plusieurs observateurs et organisations de défense des droits de la personne ont qualifié de crimes de guerre, de crimes de génocide et de crimes contre l’humanité. Il est constitué comme suit : D’abord, il présente les crimes de masse en  trois parties, la première portant sur les crimes commis sur la période couverte par le mandat du TPIR c’est-à-dire. du 1er janvier au 31 décembre 1994, la deuxième faisant état de crimes commis entre le 1er Octobre 1990 et le 31 décembre 1993, et la troisième portant sur  des crimes commis depuis le 1er janvier 1995 jusqu’à date. Ensuite, il présente d’autres types de crimes perpétrés par le FPR tels que des traitements inhumains et dégradants, l’élimination des opposants à l’extérieur etc. Enfin, il se termine par des observations finales et une conclusion générale qui traduisent notre ferme volonté de tout mettre en œuvre pour que justice soit enfin rendue à toutes les victimes du drame rwandais.

 

II. CRIMES DU FPR DU 1er JANVIER 1994 AU 31 DÉCEMBRE 1994

 

Les éléments qui suivent ne sont que quelques faits et témoignages au sujet des crimes et des atrocités commis par le FPR du 1er Janvier 1994 au 31 Décembre 1994. Une enquête complète et indépendante  sous l’égide des Nations-Unies est absolument nécessaire en vue de constituer une liste exhaustive des crimes du FPR et en poursuivre les auteurs. La communauté internationale a l’obligation morale de faire enquête sur ces crimes et sur beaucoup d’autres qui ont été commis durant cette période (ainsi que sur la période d’avant et d’après 1994), et d’en punir les auteurs de façon exemplaire étant donné leur gravité en tant que crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crimes de génocide. Des témoins encore en vie à l’intérieur et à l’extérieur du Rwanda sont prêts à témoigner et à confirmer l’authenticité des faits.

 

CRIMES DE GUERRE, CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ ET CRIMES DE GÉNOCIDE COMMIS PAR LE FPR (1er Janvier 1994 - 31 Décembre 1994) :

 

  1. Assassinat politique du 21 Février 1994 : Un grand leader politique originaire de Butare dans la région Sud et également Secrétaire Général du Parti PSD, Félicien Gatabazi, a été assassiné après être tombé  dans une embuscade alors qu’il rentrait le soir d’une réunion avec d’autres leaders politiques. Cet acte criminel hautement irresponsable était de nature  à embraser le pays et à provoquer de violents affrontements entre les opposants et les supporteurs de Gatabazi au moment où le climat politique était extrêmement tendu et très volatil. Il est rapporté que, pendant qu’ils fêtaient dans des bars à Kigali dans les jours qui ont suivi  la prise de la capitale, des agents du FPR racontaient publiquement, en guise d’actes de bravoure, des crimes qu’ils avaient commis dans leur lutte contre le gouvernement, y compris l’assassinat de Gatabazi,  et qui avaient semé la terreur dans tout le pays. (Témoignages recueillis auprès de témoins encore en vie; Abdul J. Ruzibiza, l’Histoire secrète, 2005).

 

  1. Assassinat politique du 23 Février 1994 : Un autre grand leader politique originaire de Cyangugu dans le Sud du Pays et président du parti CDR, Martin Bucyana, a été tué par une bande de jeunes du parti PSD enragés par la mort de Gatabazi. Les preuves factuelles et testimoniales disponibles montrent que cet assassinat serait l’acte  des éléments des escadrons de la mort du FPR qui avaient infiltré ces jeunes. Une enquête s’impose pour connaître toute la vérité à ce sujet. (Abdul J. Ruzibiza, l’Histoire secrète, 2005).

 

  1. Le double assassinat des présidents du Rwanda et du Burundi le 6 avril 1994 : Dans la soirée de cette journée fatidique, l’avion présidentiel a été abattu alors qu’il se préparait à atterrir sur l’aéroport de Kigali. Tous ceux qui étaient à bord ont été tués. Il s’agit du Président Juvenal Habyarimana du Rwanda; du Président Cyprien Ntaryamira du Burundi; du Général Major Déogratias Nsabimana , Chef d’état major de l’armée Rwandaise; des ministres burundais Cyriaque Simbizi et Bernard Ciza; du Colonel Elie Sagatwa, conseiller spécial du Président Habyarimana; du Major Thaddée Bagaragaza, conseiller du Président Habyarimana; du Dr. Emmanuel Akingeneye, médecin personnel du président Habyarimana; de l’Ambassadeur Juvenal Renzaho, conseiller du président Habyarimana ainsi que de trois membres d’équipage français : Jean-Pierre Minaberry, Jacky Heraud et Jean-Marie Perrine. Cet assassinat représentait la décapitation du gouvernement et de l’armée Rwandais, ainsi que celle du gouvernement Burundais. Les preuves disponibles, dont les informations des témoins, indiquent clairement que cet attentat terroriste a été l’œuvre du groupe rebelle FPR. Personne ne comprend pourquoi les Nations-Unies n’ont jamais commandé d’enquête sur cet attentat contre l’avion  présidentiel pour en connaître l’auteur, d’autant plus que tout le monde s’accorde à dire qu’il a été l’élément déclencheur des crimes de masse communément qualifiés de «  génocide rwandais de 1994 ».

 

Lorsque l’ancien Premier Ministre libanais Rafic Hariri a été tué le 14 février 2005, il est apparu que la paix et la stabilité politique du Liban étaient sérieusement menacées et le Conseil de Sécurité a  immédiatement ordonné une enquête sur cet assassinat. Pourtant, l’impact de cet acte terroriste n’a été en rien comparable à celui du double assassinat des Président Habyarimana et Ntaryamira - jusqu’à présent non élucidé – aussi bien  au niveau des pertes en vies humaines qu’à celui des conséquences politiques à l’intérieur du pays et sur le plan régional.

 

Il est important de souligner que l’attentat au missile contre l’avion présidentiel fut jusque là l’acte criminel le plus téméraire dans le conflit rwandais, étant donné qu’il a ciblé et tué le Président lui-même. Il a aussi coûté la vie au Président Burundais, six mois seulement après qu’un autre Président Burundais, Melchior Ndadaye, eu été  assassiné par l’armée burundaise Tutsi (le 21 octobre 1993). Le Président Ndadaye a été en fonction pendant seulement 4 mois, après être élu démocratiquement en juin et assermenté le 10 juillet 1993. En un rien de temps,  après seulement quelques 6 mois, tout le leadership politique Hutu du Rwanda et du Burundi, deux pays voisins avec une même composition ethnique, était décimé sans aucune conséquence pour les auteurs de ces crimes. Il est important de souligner que les violences interethniques qui ont éclaté après l’assassinat du Président Ndadaye ont emporté 200.000 victimes civiles alors que le pays était en paix au moment de l’assassinat. Par conséquent, n’est-il pas possible que celui qui a assassiné le Président du Rwanda alors que le pays était en guerre savait exactement le genre de catastrophe qui allait suivre? Est-il possible que la mort du président Hutu avec les membres de son entourage, deux mois seulement après l’assassinat de deux autres leaders Hutu, ait poussé certains Hutu rwandais dans une folie meurtrière contre les Tutsi? La réponse à ces deux questions est vraisemblablement oui. Dès lors, il est incompréhensible qu’aucune enquête indépendante n’ait été réalisée jusqu’à présent alors qu’elle permettrait de dégager des réponses à toutes ces questions clés et que ses conclusions pourraient être très éclairantes au sujet de la tragédie rwandaise.

 

En effet, selon Carla Del Ponte, ancienne procureur du TPIR, « s’il s’avérait que c’est le FPR qui a abattu l’avion, l’histoire du génocide devra être réécrite. Bien que cette situation n’atténue en rien la responsabilité des extrémistes Hutu dans la mort de centaines de milliers de personnes, elle ferait apparaître le FPR sous un jour nouveau. Le FPR a été jusque là considéré en Occident comme victime et comme celui qui a mis fin au génocide » (Déclarations Publiques de Carla Del Ponte le 17 avril 2000 telles que rapportées par Charles Onana in Silence sur un attentat: Le scandale du génocide rwandais, 2003, p.77).   

 

  1. Le massacre de Byumba, fin Avril 1994 :  Il est rapporté que pendant cette période, le FPR aurait massacré 20.000 civils innocents dans les secteurs Nyabisiga, Birenga, Zoko, et Gitumba de la commune Buyoga, dans la commune voisine de Giti dans la préfecture de Byumba, ainsi que dans les communes Rutongo et Mugambazi de la préfecture de Kigali. À l’école primaire de Shagasha près de la paroisse de Muhazi se trouve une fosse commune qui contiendrait 500 cadavres de civils innocents qui ont été massacré et y ont été jetés par le FPR. Non loin de là, derrière la maison d’un certain Burasiyo, se trouve un terrain plat sur lequel le FPR a rassemblé les habitants des villages environnants soi-disant « pour une réunion de sécurité et de distribution de vivres » pour ensuite leur lancer des grenades et leur tirer dessus, tuant toutes les 80 personnes qui s’étaient présentées. Elles ont été enterrées là-bas dans une fosse commune, et ceux qui ont creusé cette fosse commune ont à leur tour été tués. (Témoignages recueillis auprès des témoins encore en vie).

 

  1. Le massacre sélectif des intellectuels le 7 Avril 1994 : Dans le secteur Remera de la ville de Kigali, le FPR a tué de façon sélective 121 personnes, majoritairement des intellectuels Hutu ainsi que leurs familles entières, sur base d’une liste préétablie. Parmi ces victimes se trouve l’ancien préfet de Kigali, Claudien Habarushaka; l’ancien préfet de Ruhengeri, Sylvestre Bariyanga et toute sa famille; Emile Nyungura et presque toute sa famille (son fils, le chanteur Corneille, qui vit actuellement au Canada, est le seul survivant); Emmanuel Bahigiki et toute sa famille; Iréné Kayibanda, fils de l’ancien Président Grégoire Kayibanda; Muhamud Rahamatar, Félicien Mbanzarugamba; l’ancien ministre Benoît Ntigurirwa et beaucoup d’autres. (Péan, Pierre, Noires fureurs, blancs menteurs : Rwanda 1990-1994,  2005, p.249)

 

  1. Le massacre ciblé de jeunes à Kabuye en Avril 1994 :  Il est rapporté que, à Kabuye près de la ville de Kigali, une équipe de tueurs du FPR a massacré plus de 3.000 jeunes dans le seul mois d’avril 1994. Les jeunes étaient recrutés par équipes successives dans l’armée du FPR. Aussitôt qu’on terminait de massacrer une équipe, on en recrutait une autre et on disait aux jeunes que leurs prédécesseurs avaient été promus et envoyés au front, ainsi de suite. (Abdul  J. Ruzibiza,  Rwanda, l’histoire secrète, 2005, p.261)

 

  1. La boucherie de Kiziguro en Avril 1994 : À la paroisse de Kiziguro (préfecture de Kibungo à l’est du Rwanda), les miliciens Interahamwe ont massacré près de 1.000 Tutsi qui y avaient trouvé refuge. Plus tard, l’armée Tutsi du FPR est arrivée et a tué près de 10.000 Hutu qui s’étaient réfugiés dans les locaux de la paroisse. (Péan, Pierre, Noires fureurs, blancs menteurs : Rwanda 1990-1994,  2005, p.263)

 

  1. Les corps flottants du mois de Mai 1994 : La plupart des cadavres qui s’échouaient dans le Lac Victoria n’étaient pas ceux de Tutsi victimes des Interahamwe, mais plutôt ceux de Hutu victimes des soldats du FPR. Les personnes qui n’étaient pas parvenues à fuir en Tanzanie avant l’arrivée de l’armée du FPR ainsi que les réfugiés qui fuyaient l’avancée des rebelles et ceux qui étaient terrorisés par le bruit des armes et une odeur insolite et nauséabonde de corps brûlés, étaient tous raflés et tués au fusil, à la grenade ou au moyen d’une petite houe usagée  (« agafuni » en Kinyarwanda) . Ensuite, leurs corps étaient, soit empilés et brûlés, soit jetés dans la rivière Akagera. Le 22 mai 1994, le gouvernement ougandais a d’ailleurs déclaré « zones sinistrées » toutes les régions entourant le Lac Victoria, pour des raisons de santé publique. (Péan, Pierre, Noires fureurs, blancs menteurs : Rwanda 1990-1994,  2005, p.265).

 

La communauté internationale ne doit jamais perdre de vue le fait que l’armée du FPR contrôlait totalement la région nord-est du Rwanda dès le début des massacres en avril 1994 étant donné que les troupes des FAR (l’armée nationale rwandaise d’alors) avaient fui en catastrophe aux nouvelles de la mort de Habyarimana. La rivière Akagera traverse l’est et le nord-est du Rwanda avant d’atteindre l’Uganda. Il a été régulièrement remarqué que les corps qui arrivaient dans le Lac Victoria avaient l’air « frais », ce qui signifiait qu’il ne s’était pas passé beaucoup de temps après la mort des victimes, et que la plupart étaient ligotés dans le style « Akandoya » ( un mot ougandais qui signifie lier fermement les deux bras de la victime en arrière jusqu’à ce que les os de la poitrines éclatent) qui est un signalement du FPR. L’on doit aussi garder en mémoire que le FPR encadrait et surveillait tous les mouvements des étrangers dans la zone sous son contrôle. Les journalistes et les représentants des organisations humanitaires arrivaient rarement à parler aux citoyens rwandais dans les zones contrôlées par le FPR sans la présence d’un de ses cadres. C’est pourquoi la plupart des informations fournies aux médias étrangers pendant la guerre étaient fausses ou biaisées. Ce que nous savons tous, c’est que le FPR a été très efficace dans le camouflage de ses crimes et dans la manipulation des médias étrangers à son plus grand avantage, y compris les plus connus et les plus respectés.

 

9.    La décapitation de l’église catholique le 5 juin 1995 : À Kabgayi, dans la localité de Gakurazo, 3 évêques (l’Archevêque Vincent Nsengiyumva de Kigali, l’évêque Thadée Nsengiyumva de Kabgayi, et l’évêque Joseph Ruzindana de Byumba), Monseigneur Gasabwoya, ainsi que 9 prêtres, 1 Frère et 3 Sœurs ont été fusillés par des militaires du FPR sous les ordres de leurs supérieurs. Dans les jours qui ont suivi, le FPR a liquidé méthodiquement, un à un, toutes les personnes dans les environs susceptibles d’être au courant de l’extermination de ces membres du clergé. Ainsi, après avoir décapité le gouvernement et l’armée Rwandais le 6 Avril, le FPR venait aussi de réussir à décapiter l’église catholique Rwandaise à travers cet assassinat. (Venuste Linguyeneza, Témoignage du massacre des évêques en 1994)

Un peu plus d’un mois avant, le 23 Avril 1994 pour être exact, le FPR avait perpétré un massacre collectif similaire de membres du clergé qui résidaient au Petit Séminaire de Rwesero, sur la rive ouest du Lac Muhazi à Byumba. La tuerie s’est déroulée à Karushya, près de Rwesero, où les prêtres avaient trouvé refuge. Parmi les victimes figuraient l’abbé Joseph Hitimana, recteur du séminaire, les abbés Christian Nkiriyehe, ancien recteur, Athanase Nkundabanyanga, Alexis Havugimana, Faustin Mulindwa, Fidèle Mulinda, Célestin Muhayimana, Augustin Muhayimana et Gaspard Mudashimwa, ainsi que les Sœurs Annonciata et Carolla, les professeurs Elie Hatungimana et toute sa famille, Augustin Hakizimana et beaucoup d’autres. La vie de 50 personnes innocentes, au total,  a été brutalement fauchée dans ce massacre. (Léonard Nduwayo, Giti et le génocide rwandais, 2002, p.172-177).

 

10.   Le massacre sélectif d’une famille entière Hutu à Nyanza en Juin 1994 : L’ancien homme d’affaires Josias Mwongereza et toute sa famille de 48 personnes  ont été décimés en Juin 1994. Ils faisaient partie d’un plus large groupe qui avait été raflé par le FPR à Buhanda dans la préfecture de Gitarama et amené à Nyanza. Par la suite, le FPR a séparé les Hutu et les Tutsi et a procédé au massacre des Hutu en utilisant de petites houes usagées. Parmi les victimes figuraient Josias Mwongereza, son frère Emile Mwongereza, leur frère le Dr. Eliab, ainsi qu’un autre de leurs frères qui était ingénieur. Furent également tués Josine Mukamanzi, la femme du Dr. Eliab qui était enceinte de 4 mois, le père de Josias Mongereza, Josias Mukwikwi. Les sœurs de Josias Mwongereza, Francine Uwimbabazi et Angelique Umulisa qui avait 16 ans ont été également tuées. La femme de Jonathan Mukwikwi, Mme Gloria, une Hutu aux traits Tutsi, a été épargnée et prise comme concubine par un officier du FPR, mais n’a jamais pu se remettre de la mort de son mari. Elle a fini par être tuée à son tour, avec son petit garçon de 5 ans. Les Tutsi qui faisaient partie de ce groupe et qui ont été séparés des Hutu sont encore en vie.

 

11.   L’odieux massacre sélectif des Hutu évacués vers la ville de Byumba en Mai, Juin et Juillet 1994 : Pendant que le FPR menait une guerre d’usure contre les forces gouvernementales autour de Kigali, beaucoup de ses équipes étaient soit-disant occupés à « évacuer les civils déplacés et pris au piège pour les conduire dans des endroits sûrs sous contrôle du FPR ». Les gens étaient même encouragés à fuir vers les zones sous contrôle du FPR pour échapper aux tueries des Interahamwe. C’est de cette façon que beaucoup de civils qui étaient massés sur le terrain de foot-ball au stade Amahoro et sur le centre commercial de Kabuga ont été induits en erreur et ont cru qu’ils étaient en train d’être éloignés et mis en « sécurité » dans la ville de Byumba.  À leur arrivée, les Hutu et toutes les autres personnes gênantes ont été séparés des Tutsi et ont été tués. Jean Sibomana, un employé de l’hôtel des Mille Collines, a fui vers Kabuga et a même été recruté par le FPR avant d’être exécuté quelques semaines plus tard. Une fille connue sous l’appellation de « Jeanne de Nyamirambo » était également dans la foule qui a quitté l’hôtel des Mille Collines vers Kabuga. Elle a été tuée par le FPR. Léonard Rudasingwa, un cadre supérieur de BRALIRWA, a fui vers les soi-disant « zones sûres » sous contrôle du FPR, mais il a été tué à son arrivée. Parmi les autres victimes de cette opération criminelle figure Seburikoko, un entrepreneur Tutsi de renom qui a été tué parce qu’il était membre du parti au pouvoir MRND et proche ami du Président Habyarimana. Ont été également tués le juriste Grégoire Kayinamura et sa fille Oda, ainsi que l’ancien joueur de foot-ball dans l’équipe de Kiyovu surnommé Pilote. Ce dernier a d’abord été forcé de témoigner sur les ondes de la radio Muhabura du FPR qu’il avait été sauvé des Interahamwe, avant d’être tué par ce même FPR. Au total, plus de 2.500 civils Hutu  ont péri dans la ville de Byumba pendant 3 mois de massacres sélectifs. (Témoignages recueillis auprès de témoins encore en vie).

 

12.   Le massacre des membres de ma famille début Juillet 1994 à Murama en Préfecture de Gitarama : Mon petit frère cadet Emmanuel Gasana, ma grande sœur aînée Nyirakabwa, mes 2 cousins paternels Ngezenubwo et son épouse Marthe ainsi que Simon Ngayabarambirwa et son fils Karambizi, ont été tous brûlés dans la maison du voisin Salathiel Binenwa chez qui ils s’étaient réfugiés, avec lui et tous les membres de sa famille. Plusieurs personnes ont péri dans cet incendie criminel.  Dans la même période, mon beau-frère Benjamin Nkurikiyinka, qui résidait à Nyanza mais qui avait fui les combats et s’était réfugié dans notre région, a aussi été assassiné par les militaires du FPR. Toujours dans la même période, un autre beau-frère du nom d’Eliel Rwagasana, a été tué par le FPR à sa résidence à Rusatira, en préfecture de Butare, avec son père Mahalaliel Nsozerumpa et son petit frère Gérard. Tous ces crimes abominables du FPR doivent être enquêtés pour que leurs auteurs soient punis.

 

13.   Le massacre de sang-froid au mariage de Mbazi le 1er Juillet 1994 : La famille de Mussa Kabwana du secteur Mwulire, cellule Murambi, dans la commune de Mbazi de la préfecture Butare, tenait une réception de mariage dans l’après-midi du 1er juillet 1994 lorsque, entre 15h et 16h, une équipe avancée de soldats du FPR conduite par un natif de la région (qui est actuellement un haut cadre dans le gouvernement du FPR) est arrivée sur les lieux. Même le spectacle jubilatoire des hôtes et des invités n’a pas pu venir à bout de la haine et de la folie meurtrière des hommes du FPR : ils ont ouvert le feu sur la foule, tuant sur le champ plus de 20 personnes innocentes avant de regagner leur unité. Ce massacre a marqué le début d’une longue série de vagues de répressions sévères et de tueries de vengeance à Mbazi et dans toute la préfecture de Butare. (André Guichaoua, Rwanda 1994 : Les politiques du génocide à Butare, 2005, p.306)

14.   L’incendie sauvage de la résidence du sous-préfet Placide Koloni et de sa famille à Ruhango vers la fin de 1994 :  Dans les dernières semaines de l’année 1994, l’armée du FPR a, au cours d’une nuit, encerclé la résidence du sous-préfet Placide Koloni pendant que toute la famille dormait, a répandu de l’essence partout, y a mis feu et a monté la garde pour que personne ne puisse s’échapper, jusqu’à ce que tout le monde, y compris les animaux domestiques, périsse dans les flammes. Personne n’a été puni pour cet horrible crime.

 

15.   Beaucoup d’autres crimes, dont (1) l’élimination des prisonniers de guerre, (2) la détention de personnes dans des containers ou des maisons abandonnées, (3) l’enfouissement de gens dans des fosses communes et la tenue de fours crématoires, (4) le largage de personnes encore vivantes dans les trous de latrines, (5) la fusillade de civils non-armés au cours des réunions, des cérémonies de mariage ou sur des places du marché et (6) l’utilisation de civils comme boucliers humains ont été rapportés dans plusieurs zones que le FPR occupait. Ils nécessitent tous une enquête complète et les auteurs doivent être punis.

 

III. CRIMES DU FPR  DU 1er OCTOBRE 1990 AU 31 DÉCEMBRE 1993

 

Crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crimes de génocide commis par le FPR (du 1er Octobre 1990 au 31 Décembre 1993) :

 

  1. L’attaque contre la ville de Ruhengeri le 23 Janvier 1991 : Le FPR a lancé une attaque de nuit contre la ville de Ruhengeri, occasionnant un grand nombre de victimes et d’importants dégâts matériels. Le FPR a ensuite ouvert les portes de la prison de Ruhengeri, libérant plusieurs prisonniers et les enrôlant comme combattants dans ses rangs. Il est également rapporté que durant la même attaque, le FPR s’est livré à un important pillage de la ville et a jeté 400 personnes hors de leur domicile, avant de les forcer à transporter le butin. Par la suite, le FPR a procédé à l’élimination de ces 400 civils ainsi que de 100 autres  personnes  autour de la ville pendant sa retraite vers la forêt des volcans. (Abdul J. Ruzibiza, Rwanda, L’histoire secrète, 2005, p. 132)

 

  1. Le massacre de Butaro en Mai 1992 : À Rusasa, dans la commune de Butaro, en préfecture de Ruhengeri, le FPR a attaqué à des personnes déplacées sur une petite île, dans les marécages de Rugezi, détruisant leurs abris et tuant leurs chèvres et leurs moutons. Au cours de cette attaque, 150 personnes auraient été assassinées. (Témoignages recueillis auprès des témoins encore en vie)

 

  1. Les célèbres massacres de Ruhengeri et de Byumba le 8 Février 1993 : Le FPR a lancé une attaque d’envergure dans plusieurs communes des préfectures de Ruhengeri et de Byumba, tuant plusieurs personnes et causant des dégâts considérables sur des biens publics et privés. Au cours de cette attaque, le FPR a tué au total 24.400 personnes dans la préfecture de Ruhengeri et 15.800 personnes dans la préfecture de Byumba. (James K. Gasana, Rwanda: du parti-État a l’État garnison, 2002, p. 185)

 

  1. L’assassinat politique du 18 Mai 1993 : On rapporte que c’est le FPR qui a  assassiné Emmanuel Gapyisi, un éminent dirigeant politique originaire du sud et vice-président du parti MDR. Il était l’un des leaders les plus clairvoyants et les plus respectés du parti MDR. Son assassinat a écarté un puissant opposant du FPR, car Gapyisi était très critique des méthodes et des pratiques violentes de ce mouvement rebelle. Par ailleurs, c’était un crime d’une témérité extrême, capable de précipiter le pays dans une spirale de violence généralisée entre les gens du sud et ceux du nord, surtout si les premiers venaient à soupçonner ces derniers d’avoir tué leur homme. L’assassinat de Gapyisi fut parmi les premiers dans une vague d’assassinats à travers tout le pays, visant des personnalités politiques Hutu, dont des hommes d’affaires, des maires, des parlementaires, avant d’aboutir à l’assassinat de Gatabazi et de  Bucyana, et culminant enfin par celui du Président Habyarimana. Une enquête est indispensable pour faire la lumière sur ces crimes une fois pour toutes.

 

  1. Autres crimes et actes terroristes : Au cours de l’année 1993, le Rwanda a connu une montée fulgurante d’actes de banditisme armé, d’attaques à la grenade et d’explosions de taxis minibus dans plusieurs régions du pays. D’après plusieurs témoins crédibles, dont l’ancien officier du FPR le Lieutenant Abdul Rizibiza aujourd’hui exilé en Norvège, ces actes étaient l’oeuvre de membres d’un commando et d’agents d’espionnage appartenant tous au « réseau du FPR », qui n’avaient d’autre mission que de semer la violence et l’insécurité dans le pays pour le rendre ingouvernable, afin de renverser le gouvernement et de s’emparer du pouvoir. (Abdul J. Ruzibiza, Testimony of Abdul Ruzibiza, March 14, 2004)

 

IV. CRIMES DU FPR DU 1er JANVIER 1995  A  AUJOURD’HUI  (8 NOVEMBRE 2006)

 

Crimes de guerre, crimes contre l’humanité, et crimes de génocide du FPR (du 1er Janvier 1995 à aujourd’hui : 8 Novembre 2006) :

 

  1. L’effroyable massacre de Kibeho du 17 au 23 Avril 1995 : On estime à 4.000 le nombre total des personnes massacrées sur les ordres du Général Major Paul Kagame quand les unités de son armée ont simultanément ouvert le feu à tout hasard sur les hommes, les femmes, les enfants et les vieillards, tous non-armés, dans le camp de Kibeho qui abritait quelques 100.000 déplacés internes. Selon plusieurs rapports, Paul Kagame, alors Vice Président et ministre de la défense, avait installé son quartier général local dans Butare voisin en vue de superviser de plus près les opérations de siège, puis de démantèlement dudit camp. Il a fallu une nuit entière de travail ininterrompu pour débarrasser les corps par camion en direction de la forêt de Nyungwe où ils ont été brûlés en masse (pour des « raisons militaires et sécuritaires » plusieurs zones du site avaient été entourées d’un cordon de sécurité) avant que les journalistes, les observateurs indépendants ainsi que les moniteurs onusiens soient autorisés par le FPR d’avoir accès au site. (Paul Jordan, Witness to genocide – A Personal Account of the 1995 Kibeho Massacre, 1998 ; Abdul J. Ruzibiza, Rwanda, L’Histoire Secrète, 2005)

 

Ce massacre fort médiatisé a été perpétré en toute effronterie par le gouvernement du FRP, en présence du contingent zambien qui faisait partie du personnel militaire onusien ainsi que des responsables de divers ONG venus assister les déplacés, et plusieurs photos des massacres ont été prises et rendues publiques. Dès lors, la simple question qui se pose est de savoir pourquoi aucune enquête indépendante n’a été ouverte pour que les auteurs de ce forfait soient officiellement identifiés et punis ?

 

  1. L’année 1996 : la plus meurtrière et celle des massacres tristement célèbres des réfugiés rwandais au Zaïre (l’actuelle République Démocratique du Congo) et de leur rapatriement forcé : L’Armée Patriotique Rwandaise (APR) a lancé l’opération probablement la plus génocidaire et la plus brutale de l’histoire moderne en attaquant les immenses camps de réfugiés à Goma et à Bukavu au Zaïre, où 1 à 2 millions de réfugiés rwandais avaient élu domicile.  Il y a peu de doute qu’au sein de ces réfugiés se trouvaient des gens ayant participé aux massacres ethniques au Rwanda 2 ans plus tôt. Mais l’Armée Patriotique Rwandaise, choisissant de mettre coupables et innocents dans le même lot, a tiré au hasard sur les camps et sur les foules de réfugiés non-armés en débandade, surtout les femmes, les enfants et les vieillards qui étaient les plus faibles et donc les moins à même de courir vite, traquant plusieurs d’entre eux à l’intérieur de la forêt tropicale zaïroise comme des bêtes sauvages, jusqu'aux villes lointaines de Tingi Tingi et Mbandaka. De l’opinion générale, le nombre des réfugiés rwandais qui ont péri dans toute cette opération est estimé à 400.000. Parallèlement, l’Armée Patriotique Rwandaise a mis en marche l’une des plus grandes opérations de rapatriement jamais entreprises, en refoulant contre leur gré et par pont aérien, environs 700.000 réfugiés vers leurs communes d’origine à l’intérieur du Rwanda. Ensuite, le FPR a procédé à une longue et criminelle campagne d’extermination de ces rapatriés, au terme de laquelle à peu-près 50% d’entre eux ne sont plus de ce monde. Ces crimes affreux, au Zaïre comme au Rwanda, ont été exécutés sur les ordres des chefs hiérarchiques de l’armée du FPR. (Témoignages recueillis auprès des témoins encore en vie ; Marie Béatrice Umutesi, Fuir ou Mourir au Zaïre : Le vécu d’une réfugiée Rwandaise, 2000)

 

En rapport avec ces massacres, le Centre International des Droits de la Personne et du Développement Démocratique (CIDPDD) et l’Association Africaine pour la Défense des Droits de l’homme en RDC (ASADHO), a tiré la conclusion suivante : «Il apparaît de façon pertinente que le gouvernement rwandais peut être tenu pour responsable des crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les actes de génocide », dans un document intitulé « rapport d’enquête de la commission internationale non-gouvernementale sur les violations des droits humains en RDC (ex-Zaïre) 1996-1998 », 1998, p.78. 

 

  1. Le carnage au mariage de Nyarutovu, la nuit du 18 au 19 Janvier 1997 : Dans la nuit du 18 au 19 janvier, 1997, l’armée du FPR a attaqué et tué tous les convives, y compris les jeunes mariés et leurs parents, lors d’un mariage civil à Nyarutovu en préfecture de Ruhengeri au nord, dans la résidence du Major Laurent Bizabarimana. 50 personnes ont été collectivement abattues cette nuit. Le Major Laurent Bizabarimana et sa famille n’étaient rentrés du Zaïre que quelques mois auparavant lors du rapatriement forcé, et devenaient ainsi victimes de la campagne brutale du FPR sur toute l’étendue nationale visant l’élimination des «génocidaires » au sein des milliers de rapatriés. (Témoignages recueillis auprès des témoins encore en vie)

 

  1. Les horreurs de la grotte de Nyakimana, du 23 au 28 Octobre, 1997 : Des rapports existent selon lesquels les militaires de l’APR ont poursuivi et massacré 8.000 civils non-armés, surtout des femmes, des enfants, et des vieillards trop faibles pour courir, qui s’étaient réfugiés dans la grotte de Nyakimana en commune Kanama, pour se mettre à l’abri contre une violente pluie de tirs et de bombardements aveugles de l’APR alors en cours dans la région. La réaction immédiate de l’APR a été de larguer des grenades ainsi que d’autres engins explosifs dans la grotte, avant de sceller complètement son ouverture au moyen de rochers et de gravier pour que personne ne puisse s’en échapper. (Amnesty International, The dead can no longer be counted, report, December 1997)

 

  1. Le massacre des Hutu à Kayonza autour de Noël, du 23 au 25 Décembre 1998 : Dans les heures du soir le 23 décembre 1998, un passager est sorti d’un taxi minibus en provenance de Kigali près de la localité de Nyagatare, et tout à coup il a sorti un fusil et a tiré plusieurs coups dans l’air avant de disparaitre à toutes jambes dans les collines avoisinantes de Ngarama. Le lendemain, les populations locales se sont réveillées sur des barrières routières à Kayonza et à Musha, ainsi que sur de grandes opérations de rafles militaires dans les communes voisines de Ngarama, Muvumba, Murambi, Kayonza, et Bicumbi. Tous les taxis en direction et en provenance de Kigali étaient arrêtés et scrutés méthodiquement pour en sortir tous les passagers Hutu, ensuite les taxis pouvaient alors reprendre le voyage. Les malheureux Hutu étaient immédiatement exécutés sur place au moyen de fusils ou de petites houes usagées, avant d’être chargés sur des camions à destination du Mutara où des fours crématoires fonctionnant à plein régime les attendaient. Plus tard, leurs cendres étaient dispersées dans la forêt steppique du Parc National de l’Akagera. Les estimations portent à 5.000 le nombre total des victimes innocentes exterminées au cours de cette opération macabre de 2 jours, et parmi elles figurait le cousin direct d’un des témoins. (Témoignages recueillis auprès des témoins encore en vie)

 

  1. Les campagnes de représailles impitoyables contre Abacengezi (1997-2000), et l’épuration ethnique de la région du Mutara (1995 et après) : A partir de 1997 jusqu’en 2000, le FPR a fait face à une flambée de raids transfrontaliers en provenance de la RDC menés par les derniers éléments de l’ancienne armée nationale s’identifiant sous le nom d’ « Abacengezi », c’est-à-dire « spécialistes en incursions ». A chacune de leurs attaques, la réaction de l’APR était d’orchestrer une répression militaire impitoyable sur les populations civiles, surtout dans les préfectures de Ruhengeri et de Gisenyi dans le nord-ouest du pays, comme seul moyen de briser l’insurrection fortement alimentée par beaucoup d’éléments originaires de ces régions. Au total, plus de 50.000 personnes ont été massacrées dans plusieurs communes de ces 2 préfectures de 1997 à l’an 2000. En même temps, une partie des forces du FPR s’est rabattue sur la région du Mutara au nord-est pour parachever la sale besogne d’épuration ethnique des Hutu entamée lors des campagnes précédentes. C’est ainsi donc que l’APR a décimé tous les Hutu natifs de la région, sans épargner les autres Hutu qui avaient immigré en provenance d’autres régions du pays à la recherche de nouvelles terres et de nouveaux emplois dans les années 60, 70 et 80. La région du Mutara en est devenue aujourd’hui le nouveau Tutsi-land épuré du Rwanda, entièrement parsemé de fermes et de ranches à bovins appartenant aux seuls éleveurs Tutsi. Plusieurs rapports indiquent qu’il s’y est installé un élevage intensif caractérisé par une recherche effrénée de pâturages, entraînant des activités  d’empiètement grave sur le Parc National de l’Akagera voisin, et détruisant l’écosystème de la région ainsi que l’habitat naturel de plusieurs espèces d’animaux sauvages. (Témoignages recueillis auprès des témoins encore en vie)

 

 

 

 

 

V. AUTRES CRIMES PRÉSUMÉS DU FPR

 

1.       Le crime de refuser aux malades le droit d’accès au traitement médical à l’étranger :

Depuis sa prise du pouvoir en juillet 1994, le FPR a mis en place une politique criminelle de refuser systématiquement le visa de sortie, en guise de punition, à toute personne jugée indésirable pour plusieurs raisons, qui en a besoin pour un traitement médical à l’étranger. Il s’agit essentiellement de gens qui ont osé critiquer soit le gouvernement, soit l’armée, ou tout simplement ceux qui sont considérés comme des opposants, etc. L’un des cas les plus frappants est celui de Père André Sibomana, ancien rédacteur-en- chef du journal indépendant Kinyamateka, et ancien responsable intérimaire du diocèse de Kabgayi après l’assassinat de son évêque Mgr Thaddée Nsengiyumva en juin 1994. Il était défenseur invétéré de la justice sociale et activiste des droits de l’homme, connu pour son éditorial qui dénonçait toujours les abus du régime du FPR. Il ne lui a jamais été permis d’aller se faire soigner auprès d’un expert médical à l’étranger, et il a succombé au terme d’une longue maladie à son jeune âge de 43 ans à Kabgayi le 7 mars 1998. Le Dr Jean Bagiramenshi, médecin vétérinaire qui avait travaillé comme agent de l’Etat et plus tard comme expert consultant de la Banque Mondiale, est une autre victime connue de cette politique du FPR. Il a souffert de multiples affections, y compris le disfonctionnement des reins et la goutte, et aurait eu également des problèmes de foie. A maintes reprises, il lui a été refusé d’aller se faire soigner chez des experts médicaux en dehors du Rwanda à ses propres frais, et lorsque sa dernière demande a été approuvée, c’était trop tard. Il est mort en Belgique en 2005. Des enquêtes doivent être menées pour déterminer le nombre de personnes qui ont été victimes de cette politique criminelle.  (Témoignages recueillis auprès des témoins encore en vie)

 

2.       Les escadrons de la mort du FPR à la chasse aux opposants à l’intérieur et à l’extérieur du Rwanda:  Le 5 mars 1998, Seth Sendashonga, ancien ministre rwandais de l’Intérieur a été assassiné à Nairobi au Kenya; le 6 octobre 1996, le Colonel Théoneste Lizinde  et l’homme d’affaires Augustin Bugirimfura ont été assassinés à Nairobi; dans la nuit du 14 au 15 février 1999, l’ancien Directeur Général de la Banque Continentale Africaine au Rwanda (BACAR),  Pasteur Musabe, a été assassiné à Yaoundé au Cameroun. A l’intérieur du Rwanda, l’ancien président du Conseil d’Etat, Vincent Nsanzabaganwa, a été assassiné  le 14 février 1997. L’ancien conseiller  à la Présidence de la République, Assiel Kabera, a été abattu le 5 mars 2000. Le 7 avril 2003, l’honorable député Léonard Hitimana a été assassiné, et aucune enquête n’a été conduite. Deux semaines plus tard, le 23 avril 2003, le Colonel Augustin Cyiza a été kidnappé et tué. Edouard Mutsinzi, ancien Rédacteur-en- chef du journal Le Messager à Kigali a été kidnappé, et passé à tabac. Ses côtes ont été brisées, ses yeux arrachés et son cerveau sérieusement endommagé à telle enseigne qu’il mène une vie végétative en Belgique. Toutes ces victimes, soit avaient critiqué le gouvernement, soit étaient perçues comme des témoins potentiellement gênants en possession de grands secrets d’Etat. Les rapports existant mettent tous ces crimes et beaucoup d’autres encore sous la responsabilité des membres de l’escadron de la mort du FPR dont la mission est de mener à bien la sale besogne contre les opposants du FPR se trouvant dans les différentes capitales du monde. Ces crimes doivent être soumis aux enquêtes et les responsables doivent être traduits en justice.

 

3.       L’utilisation cruelle et inhumaine des prisonniers dans les opérations de déminage: Il a été révélé que le FPR aurait envoyé des prisonniers à une mort certaine en les forçant à courir dans des zones soupçonnées d’être parsemées de mines anti-personnelles que ses propres combattants ainsi que ceux de l’armée déchue ont laissées derrière, spécialement dans la région du Bugesera. Ces allégations doivent être soumises aux minutieuses enquêtes en vue d’engager des poursuites judiciaires contre les responsables. (Témoignages recueillis auprès des témoins encore en vie)

 

4.       Le traitement cruel et inhumain et l’exploitation des prisonniers rwandais dans la guerre du Congo au profit du Président Rwandais Paul Kagame: 

Pendant la guerre du Congo et l’occupation par l’Armée Patriotique Rwandaise (APR) de l’est de la République Démocratique du Congo, il a été souvent rapporté que des prisonniers rwandais étaient envoyés en première ligne du front d’une violente guerre d’occupation et  d’exploitation de la République Démocratique du Congo. D’autres innombrables rapports ont fait état de centaines ou même de milliers de prisonniers rwandais qui auraient été envoyés dans les zones occupées par l’APR au Congo pour des travaux forcés dans l’extraction de minerais, en l’occurrence le coltan, l’or et le diamant, pour le compte des cadres supérieurs militaires de l’APR, en commençant par le  Président Paul Kagame lui-même. Il s’agit là d’une violation flagrante des lois internationales en matière de traitement des prisonniers et d’un acte ignoble de fouler aux pieds la dignité humaine. Une investigation complète et une poursuite judiciaire des auteurs de ces crimes s’avèrent légitimes. (Témoignages recueillis auprès des témoins encore en vie)

 

VI. OBSERVATIONS FINALES

 

1.       A la sortie du présent condensé des crimes commis par le Président du FPR et par des éléments de son armée, je m’attends à un torrent d’accusations farfelues, sans aucune preuve, selon lesquelles je suis « révisionniste et négationniste du génocide rwandais », et «je fais la propagande du divisionnisme et de l’idéologie génocidaire». La communauté internationale doit se pencher sérieusement sur la question d’une pareille politique de diabolisation, qui dans plusieurs cas finit par se transformer en  persécution pure et simple, et qui vise tous les opposants réels et supposés, les défenseurs de la justice sociale, et ceux qui critiquent l’action du gouvernement du FPR en matière de droits humains, et prendre des mesures appropriées.

 

2.       Le présent condensé a été conçu dans un effort de documenter les crimes accablants les plus rapportés et d’autres qui le sont moins, qui ont été perpétrés par l’organisation du FPR à la fois en tant que groupe rebelle et gouvernement à dominance Tutsi, en vue de souligner sa part de responsabilité dans toute la tragédie rwandaise. Même s’il cherche à mettre l’accent sur les victimes Hutu apparemment jetées dans les oubliettes, ce document n’a aucunement la moindre intention de minimiser de quelque manière que ce soit les préjudices graves subis par les victimes Tutsi et Twa du génocide rwandais. Tous les fils et filles du Rwanda, voire les étrangers qui ont péri dans cette tragédie, ont été une terrible perte pour l’humanité qui doit assumer à leur égard le même devoir de deuil et de mémoire, quelle que soit leur appartenance ethnique ou raciale.  Nous avons besoin de savoir avec certitude qui a massacré les populations du sous-clan Tutsi des Bagogwe de Gisenyi entre 1991 et 1992. Nous avons besoin de savoir avec certitude qui a massacré les Tutsi Banyamulenge et les Tutsi Bagobwe qui avaient trouvé refuge au camp de Mudende en août, novembre et décembre 1997. Nous avons besoin de savoir avec certitude qui a tué les touristes Américains, Britanniques, Australiens et Nouvelle-Zélandais en 1999 au Park National de Bwindi en Uganda. Qui a tué les volontaires Espagnols au Rwanda en 1997 et au Congo dans les années suivantes ; qui a kidnappé, mutilé et tué l’ancien ministre rwandais Juvénal Uwiringiyimana au mois de décembre 2005 avant de larguer son corps dans un canal de Bruxelles ? Etait-il ou non une autre victime de l’escadron de la mort du FPR  en Europe comme cela a été l’objet de suspicion ? L’objectif général de ce document est de faire dissiper le grand nuage de mystère et de secret qui enveloppe la tragédie rwandaise. Il s’agit de combattre la culture de l’impunité et ramener une justice équitable au Rwanda: quiconque a tué un Tutsi doit payer le prix de son forfait ; quiconque a tué un Hutu, également ; quiconque a tué un Twa, pareil ; il en est de même pour celui qui a tué un étranger, il doit en payer le prix.

 

3.       L’actuel Président rwandais Paul Kagame est généralement considéré comme étant derrière l’attentat mortel contre l’avion du Président Juvénal Habyarimana dans la nuit fatidique du 6 avril 1994. A cet égard, il est suspecté d’être le déclencheur du génocide rwandais de 1994 et l’architecte du génocide d’après 1994. Kagame rejette catégoriquement ces allégations. Cependant, la meilleure façon de réfuter les charges qui pèsent contre lui et blanchir son nom de tout soupçon une fois pour toutes serait de permettre la mise en place d’une enquête indépendante pour faire toute la lumière sur ces crimes. Il est bien évident que Kagame ne demandera jamais qu’une telle enquête soit faite, puisqu’il sait très bien qu’il est coupable. C’est pour cette raison que nous demandons aux Nations Unies de mandater le Tribunal Pénal International sur le Rwanda pour enquêter aussi sur les périodes non couvertes par le mandat actuel.

 

4.       Les préfectures de Byumba et Ruhengeri n’ont pas connu les vagues de tueries génocidaires qui ont engouffré le reste du pays en avril 1994, puisqu’elles étaient déjà sous contrôle du FPR. Pourtant, la grande majorité des familles qui habitent actuellement dans ces régions (à peu près 80% de tous les habitants de ces régions) sont des veuves et des orphelins, qui racontent des histoires accablantes de la mort de leurs maris et de leurs pères tués par le FPR. Le gouvernement du FPR a refusé aux Organismes Non-gouvernementaux (ONG) l’entrée dans ces zones pour assister ces familles gérées par des veuves à se relever, et à réparer le tissu nucléaire familial et le tissu social qui ont été complètement détruits. Les familles de ces régions qui avaient un membre dans l’armée du gouvernement déchu ont été ciblées de façon spéciale et ont été les plus durement frappées par le FPR. La simple question qui se pose est celle-ci : pourquoi la communauté internationale est-elle restée jusqu’ici aveugle face à une telle brutalité flagrante contre la vie humaine ? Depuis 1990 jusqu’en 1994, 400.000 personnes tuées ont été recensées dans ces régions. Qui les a tuées ?

 

5.       Beaucoup de rapports ont largement circulé selon lesquels les membres de l’aile extrémiste du FPR à Kigali et dans d’autres grandes villes avaient de larges dépôts d’armes dans leurs résidences, et avaient creusé des fosses très profondes dans leurs jardins quelques mois avant le génocide. Quel était l’objet de ces dépôts d’armes et de ces fosses ? Il a également été rapporté que durant la période de cessez-le-feu d’avant avril 1994, beaucoup de jeunes miliciens du FPR ont reçu un entraînement intensif sur le maniement des armes à feu dans les enceintes de l’immeuble du Conseil National de Développement (CND) qui abritait le bataillon du FPR, et au quartier général du FPR à Mulindi. Ce n’est un secret pour personne qu’au même moment où le parti MRND avait les milices Interahamwe, le parti MDR avait les milices JDR (la Jeunesse pour la Démocratie Républicaine) et le parti PSD avait les milices Abakombozi, de son coté le FPR entretenait sa propre milice qui a d’ailleurs causé autant de dégâts que les autres milices. Une enquête indépendante est nécessaire sur ces faits, et des témoins sont disponibles pour témoigner ouvertement.

 

6.       Les massacres qui ont eu lieu au Rwanda en 1994 ont été qualifiés de génocide. Aujourd’hui, au Darfur, les tueries sont dénoncées comme étant des actes de génocide.  Pourtant, les tueries massives qui ont eu lieu au Zaïre depuis 1996 jusqu’en 2001, et qui ont emporté plus de 4 millions de vies humaines innocentes, n’ont pu être qualifiées que de tueries, tout simplement. Où est la logique des choses? Une partie des auteurs du génocide rwandais ont été punis, et tout semble indiquer que les auteurs du génocide du Darfur le seront également, puisque la mise en place du Tribunal Pénal International pour le Darfur est en cours. C’est vraiment une bonne chose. Mais quand aurons-nous le Tribunal Pénal International pour le Congo ? Quand les responsables des massacres du Zaïre seront-ils poursuivis ? A défaut de qualifier de génocide les massacres du Zaïre, peut-on au moins punir leurs auteurs? Il existe des pays dont la population totale n’atteint même pas 4 million d’habitants. Comment donc peut-on massacrer un si grand nombre de populations et continuer de vivre en toute liberté le reste de sa vie ? Pour notre part, nous savons sans aucun doute que ce sont les forces du FPR qui ont commis ces atrocités. Vous, la communauté internationale, pouvez-vous nous révéler celui que vous tenez pour responsable de ces massacres à grande échelle ? Aux mêmes maux, les mêmes remèdes.

 

7.       Actuellement, plus de 50% des détenus au Rwanda n’ont pas de dossier criminel à leur charge, mais continuent à croupir dans les prisons, à l’écart de toute vie active. Le gouvernement maintient ces détenus en vie au moyen de maigres rations qui nécessitent des provisions complémentaires venues de leurs familles, sinon ils meurent de faim – c’est-à-dire quand ils ne meurent pas de torture qui sévit sous plusieurs formes à l’intérieur des centres de détention partout dans le pays et dans plusieurs endroits cachés réservés à cet effet. Dans la plupart des cas, les femmes, y compris celles qui sont hautement éduquées, ne sont plus capables de garder leur emploi rémunéré, car elles ont besoin d‘au moins deux à trois heures par jour pour nourrir leurs maris en détention. Aucun employeur n’acceptera de leur accorder de telles absences journalières. Cela veut dire que pour 100,000 hommes mariés et en prison, il y a 100,000 femmes sans emploi, ce qui équivaut à 200,000 personnes qui ne contribuent plus activement au développement économique du pays. Avec en moyenne 4 enfants par foyer rwandais, il s’agit au total de 400,000 enfants au niveau national, dépourvus de guide parental et sans éducation suite au manque de frais de scolarité. Et tout d’un coup, l’image sinistre de l’héritage du régime du FPR se profile avec netteté : la paupérisation et l’illettrisme de toute une génération de Rwandais. Si ceci ne constitue pas en soi un acte de génocide, alors le génocide n’existe pas. A franchement parler, il y a cinq principaux facteurs de génocide: un mauvais leadership, une mauvaise presse, la culture de l’impunité, la pauvreté, et le manque d’éducation.  Actuellement, tous ces cinq facteurs de génocide sont en place au Rwanda. Bref, le comble de l’injustice au Rwanda peut se résumer de cette manière: beaucoup de civils innocents de l’ethnie Hutu sont en prison, au moment où tous les éléments criminels du FPR sont en liberté. Devant une telle situation, où sont les Nations Unies ? La réconciliation n’est possible dans aucune nation où une partie de la population beigne dans l’opulence au détriment d’une autre complètement assujettie.

 

8.       Joseph Matata, un fervent défenseur rwandais des droits de l’homme qui dirige le Centre de Lutte Contre l’Impunité au Rwanda dont le siège est à Bruxelles, a annoncé que près de 100 officiers militaires des ex-Forces Armées Rwandaises (FAR) sont en détention dans la prison militaire de Kibungo depuis avril 1999. A peu près 37 autres officiers militaires des ex-FAR sont portés disparus, tandis que beaucoup de leurs camarades d’armes ont été exécutés sommairement [Rapport du 14 avril 1999]. Les partis politiques « officiellement » reconnus au Rwanda fonctionnent actuellement sous la tutelle du fameux “Forum des Partis” où le FPR règne en maître absolu. Dans cette optique, une question se pose : Les Accords de Paix d’Arusha, pourtant accouchés dans la douleur en août 1993 entre les rebelles du FPR et le gouvernement rwandais d’alors, et qui appelaient à la fusion des armées des deux parties belligérantes et à la liberté de l’activité politique, auraient-ils encore une quelconque importance ?

 

9.        Contrairement aux assertions du FPR, il n’y a pas de paix au Rwanda. Ceci explique pourquoi beaucoup trop de Rwandais continuent de prendre le chemin de l’exil vers les pays étrangers,  et se voient octroyer sans difficulté le statut d’asile et de réfugié. Jusqu’à quand le FPR utilisera-t- il le génocide comme prétexte pour étouffer la démocratie et asseoir la dictature la plus prédatrice jamais connue jusqu’ici ? L’opposition politique est complètement muselée. Pour combien de temps encore le peuple rwandais acceptera-t- il de subir silencieusement une mort lente ? L’ancien Président de la République Pasteur Bizimungu et ses collaborateurs, notamment Charles Ntakirutinka, pourrissent en prison pour avoir créé un parti politique. En toute vérité, les prisonniers politiques, les prisonniers d’opinion, les prisonniers de la haine, les prisonniers de race, etc., sont légion au Rwanda. L’on peut citer notamment le Colonel Stanislas Biseruka, le journaliste Dominique Makeri, et le Colonel Patrick Karegeya. Vous, le TPIR, dont le mandat original était entre autres de réconcilier le peuple rwandais, quel sera votre héritage pour le Rwanda à l’échéance de votre mandat ?

 

10.   Le récent assassinat brutal de beaucoup d’hommes d’affaires dont Fulgence Nsengiyumva de Gitarama, âgé de 49 ans, le 16 août 2006 par le gouvernement du FPR, doit être condamné sans réserve. Sa femme est persécutée pour avoir réclamé leur camion injustement confisqué, et leurs cinq enfants innocents seront traumatisés pour le reste de leur vie. Les récentes arrestations, les fouilles et les mises à nu incessantes de vielles femmes en plein jour sur les places publiques par la police du FPR comme une arme d’ humiliation en vue de forcer toutes les femmes aux pieds nus de ne plus jamais pointer le pied dans un marché public, sont odieux et doivent être condamnés avec la dernière énergie. La campagne en cours visant l’expulsion des cyclistes et des motards de toutes les villes, surtout Kigali, tout comme la campagne de destruction de bananerais, constituent des actes de déprédation économique contre le peuple rwandais par le gouvernement du FPR et ne mèneront qu’à l’inanition certaine de la masse populaire. Ils doivent être condamnés avec véhémence. La campagne en cours visant à expulser de la ville de Kigali tous les pauvres, tous les orphelins du SIDA, toutes les veuves de guerre et tous les invalides de guerre, est criminelle. Elle a d’abord commencé comme un simple souci d’éloigner de la ville enfants de la rue dont pourtant la plupart sont des orphelins de guerre et de génocide. Ce fut ensuite le tour des  va-nu-pieds, ensuite ceux qui portent des sandales et des babouches, ensuite les piétons, ensuite les cyclistes, et enfin les motards. Qui va suivre ? Il se dessine clairement un modèle d’exclusion criminelle qu’il faut absolument condamner. Mais l’autre vérité, c’est que cette campagne dissimule une tentative vide de sens des dirigeants du FPR de faire miroiter aux yeux des visiteurs et des donateurs l’image trompeuse selon laquelle le Rwanda en général et Kigali en particulier seraient bien gérés pour mériter davantage de subsides d’aide au développement. L’expulsion de ces pauvres gens de la ville sans tenter d’extirper les causes premières de leur misère, trahit, non sans ironie, une approche au développement qui évoque la notion classique d’étalage en vitrines, de sépulcre blanchi, et de tirage de rideau sur des questions pertinentes, sans que cela puisse en rien venir en aide à un quelconque rwandais pauvre. Cela ne pourra pas duper non plus un seul pays donateur étranger. La simple question à poser aux Nations Unies est donc la suivante: pourquoi les Rwandais sont-ils pris pour des jouets, persécutés et tués de la sorte par leur propre gouvernement  et rien n’est fait à cet égard ?

 

11.    Finalement, en quoi consiste l’immunité présidentielle ?  Elle semble consister en ceci qu’on peut tuer tous les gens que l’on veut et à sa guise sans s’inquiéter le moindrement du monde sur d’éventuelles conséquences, pour aussi longtemps qu’on est président de tel ou tel autre pays ! Nous sommes bien au 21ème siècle, et assurément l’humanité est capable de  concevoir de meilleures lois.

 

 

VII. CONCLUSION GÉNÉRALE

 

La présente liste des crimes du FPR est loin d’être exhaustive. Il existe des rapports faisant état de crimes innombrables du FPR avant l’année 1994, au cours de l’année 1994, et après l’année 1994, tels qu’il n’a pas été possible de les inventorier tous dans le présent document. A titre d’exemple, dans la petite ville de Muhura à l’est du pays, alors que le FPR venait d’entamer la marche finale sur Kigali au printemps de 1994, le Général Paul Kagame aurait non seulement ordonné à ses hommes de tirer sur des foules de populations déplacées par la guerre, mais les aurait lui-même personnellement arrosées de balles à l’aide de sa mitrailleuse. Une enquête sur ce massacre s’impose, et les témoins sont prêts à tout raconter.

 

Actuellement, il se passe sur tout le territoire national un crime généralisé et sponsorisé par le gouvernement du FPR contre une grande partie de la population rwandaise, particulièrement les Hutu, sous la forme des fameux Tribunaux Gacaca. Il s’agit en réalité d’une tentative du gouvernement du FPR d’incriminer le plus grand nombre possible de rwandais en leur collant l’étiquette de « tueurs » ou de « génocidaires », les reléguant  ainsi au ban de la société en en faisant une caste de citoyens de deuxième classe, autrement dit des « intouchables ». Les procès Gacaca sont une tradition rwandaise séculaire de l’ordre des délits mineurs dont le but était justement de trancher de simples disputes comme des vols de vache(s), de chèvre(s) ou de poule(s), ou alors de petits différends fonciers entre voisins. Par sa nature, un procès Gacaca ne requiert pas que juges et jurés aient une formation et des diplômes universitaires pour siéger avec compétence, au-delà du simple bon sens. En revanche, le crime de génocide dans sa nature est d’un degré de gravité tel qu’il ne peut pas être proprement décidé dans un procès Gacaca par des juges et des jurés à peine lettrés sans qu’il soit banalisé.

 

Le système judiciaire en place au Rwanda veut que les détenus fassent un aveu d’homicide en échange d’une libération éventuelle. Après la libération, les détenus comparaissent devant un tribunal Gacaca de leur ressort et doivent non seulement confesser et expliquer leurs crimes, mais aussi dévoiler et dénoncer d’autres criminels. Sans quoi, leur déposition est qualifiée de demi-confession inacceptable sanctionnée par le retour en prison. Dans d’autres cas, on introduit comme par enchantement des témoins à charge pour  des crimes que les accusés n’ont jamais commis. Manifestement, il y a, de la part du gouvernement du FPR, un effort indéniable d’humilier et d’exterminer toute une race. Moi, Paul Rusesabagina, je connais personnellement des cas précis où il en a été ainsi. La communauté internationale est interpellée pour qu’elle condamne un tel système odieux et exige son abolition immédiate.

 

En résumé, voici la triste réalité du problème rwandais : le génocide et les autres crimes commis à partir du 1er octobre 1990 jusqu’au 5 avril 1994, le génocide et les autres crimes commis du 6 avril 1994 au 4 juillet 1994, et le génocide et les autres crimes commis du 5 juillet 1994 à l’heure actuelle, étaient et restent le résultat d’une confrontation féroce entre d’un coté les extrémistes Hutu qui détestaient les Tutsi minoritaires et voulaient les éliminer au moyen de machettes, lances et gourdins, grenades, et mitrailleuses, et d’un autre coté l’armée du FPR qui détestait et déteste encore les Hutu, et voulait et veut toujours les tuer en masse au moyen de mitrailleuses, grenades, petites houes usagées, fosses communes, fours d’incinération, ligotages, et des disparitions organisées. Alors que les meneurs du premier groupe ont été arrêtés et poursuivis en justice par le TPIR, les barons du deuxième conservent leur liberté et jouissent d’une impunité totale.

 

C’est là le noyau de la triste réalité de la tragédie rwandaise, et tant qu’il n’y aura pas de justice équitable pour résoudre ce différend fondamental, la paix et la réconciliation entre rwandais resteront irréalisables pendant plusieurs années encore.

 

La justice équitable est une condition sine qua non de la réconciliation. Tous les peuples du monde, les rwandais y compris, ont un droit inaliénable à la vie, à la démocratie, et à la liberté. Tout effort visant à réconcilier le peuple rwandais sans passer par un dialogue franc, honnête, et sincère aboutira toujours au même résultat : les confrontations interethniques.

 

En dernière analyse, les Nations Unies, le TPIR, et l’humanité toute entière, nous avons tous ensemble écrit notre nom dans le recueil de l’histoire de la tragédie rwandaise. Avant la colonisation, le Rwanda était divisé entre maîtres et esclaves. Après la colonisation, le Rwanda s’est retrouvé plus divisé qu’avant. De 1990 à l’heure actuelle, les divisions entre rwandais ont atteint leur comble. Dès lors, où va la société rwandaise ? Sommes-nous vraiment sûrs d’avoir épuisé toutes les possibilités de faire régner au Rwanda la paix et la réconciliation véritables, afin que l’histoire se montre clémente à notre égard quand viendra l’heure des comptes ?

 

VIII. DÉFINITIONS

 

i)                    Crimes de guerre

 

Dans le contexte de guerre, un crime de guerre est une offense punissable en vertu du Droit International, pour violations des lois de guerre, par toute(s) personne(s), militaire(s) ou civile(s). Toute violation de la loi de guerre dans un conflit interne à un État constitue un crime de guerre, alors même que les violations dans les conflits internes sont normalement du ressort de la juridiction locale. Essentiellement, le terme « crime de guerre » évoque le concept de juridiction internationale en référence aux crimes les plus graves, dans les zones où le gouvernement ne fonctionne plus et la société traverse une période de troubles. (La libre encyclopédie)

 

ii)                  Crimes contre l’humanité

 

Un crime contre l’humanité est un terme qui, dans le droit international, se réfère aux actes de persécution meurtrière ou toutes autres atrocités à grande échelle contre un groupe de personnes, comme étant l’offense criminelle majeure par rapport aux autres. Les crimes contre l’humanité sont comparables aux crimes de guerre et partagent quelques caractéristiques, mais ils diffèrent en ceci que les crimes contre l’humanité ont souvent pour cible un groupe particulier et n’ont pas besoin d’être commis en temps de guerre (La libre encyclopédie)

 

iii)                Crimes de génocide

 

Le Génocide est défini par l’article 2 de La Convention sur la Prévention et le Châtiment du Crime de Génocide comme étant « n’importe lequel des actes suivants commis avec l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, tels que : Tuer les membres du groupe ; Causer un tort corporel ou mental sérieux aux membres du groupe ; Soumettre délibérément le groupe aux conditions de vie susceptibles de provoquer sa destruction physique en tout ou en partie ; Imposer des mesures visant à arrêter les naissances au sein du groupe ; et transférer par force les enfants du groupe à un autre groupe. » (La libre encyclopédie)    

 

IX. BIBLIOGRAPHIE ET AUTRES RÉFÉRENCES

 

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Fin ---