TPIR/BRUGUIERE - LA PUBLICATION DE L'ENQUETE BRUGUIERE SECOUE LE
TPIR

Arusha, 21 novembre 2006 (FH) - La publication en France de l'enquête du juge français Jean Louis Bruguière sur l'attentat
contre l'avion du président Juvénal Habyarimana a eu un grand retentissement à Arusha (Tanzanie) et a vivement intéressé les
avocats plaidant au tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) qui s'estiment confortés par ses conclusions.

Mardi en fin d'après midi, aucune réaction officielle n'était venue du tribunal. Les mandats d'arrêt sollicités contre les neuf proches du chef de l'état rwandais n'avaient pas non plus été confirmés.

« On savait », a dit l'avocate de Mathieu Ngirumpatse Me Chantal Hounkpatin. Selon elle, le fait que la France « qui se trouve dans la tourmente rwandaise » demande la citation de Paul Kagame devant le TPIR est « rassurant et réconfortant ».

Cette citation devant le TPIR que la France pourrait demander aux Nations Unies, organe de tutelle du TPIR, ne pourrait être décidée que si le bureau du procureur de ce tribunal dresse un acte d'accusation contre lui, ce qui est peu probable. Ses derniers actes d'accusation ont été signés en 2005 en vue d'une fermeture du tribunal en 2008.

Interpellés à plusieurs reprises lors des procès au sujet de cet attentat, les membres du bureau du procureur ont à chaque fois
répondu qu'ils n'avaient pas mandat pour enquêter sur cet attentat qui a coûté la vie à 12 personnes dont les chefs d'état du Rwanda et du Burundi. Le mandat du TPIR porte sur le génocide ainsi que sur les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité commis en 1994.
Les avocats répliquent que cet attentat, qui a déclenché le génocide, en a été un « élément constitutif »

L'association des avocats de la défense (ADAD) , dans une conférence de presse en début d'après midi a repris les conclusions du juge Bruguière en demandant que le chef d'état rwandais soit poursuivi pour crimes de guerre. Selon eux des preuves sont entre les mains du TPIR depuis 1997 sur son implication dans l'attentat, mais ont été bloquées par le procureur de l'époque Louise Harbour.

« Carla del Ponte (la procureur suisse qui a remplacé Louise Harbour) avait dit qu'elle attendait le résultat de cette enquête,
nous attendons maintenant le procureur » a dit Me Raphael Constant, avocat de Theoneste Bagosora avant de rejoindre son client qui l'attendait avec un large sourire.

Plusieurs requêtes d'avocat de la défense avaient été déposées pour que le tribunal demande communication de cette enquête avant même qu'elle soit close à la fin de la semaine dernière. Certaines ont été rejetées mais de nombreux avocats comptent la reprendre. Peter Erlinder qui préside l'Adad estime quant à lui que les preuves de l'implication du FPR dans les massacres ou dans le fait qu'ils n'ait rien fait pour les empêcher sont patentes.

Anonyme, un membre du bureau du procureur a affirmé que l'attentat contre l'avion du président Habyarimana n'était pas le plus « intéressant » dans d'éventuelles poursuites contre les vainqueurs rwandais. «Ce qui nous intéresse, c'est ce qui a été fait après, en Avril, Mai, Juin » a-t-il dit. Des enquêtes ont été menées sur des crimes de guerre commis par des membres du FPR pendant cette période mais le Rwanda a toujours fait pression sur le tribunal pour qu'elles n'aboutissent pas. Le procureur interrogé régulièrement à ce sujet répond invariablement qu'il est en train d'en évaluer les preuves.

Le TPIR a depuis douze ans qu'il existe jugé 31 personnes, ministres, militaires, religieux, toutes proches de l'ancien pouvoir
à Kigali et appartenant à l'ethnie hutu.

PB/GF
© Agence Hirondelle