Analyse critique des Documents déclassifiés par l'Administration américaine, publiés par M. William Ferroggiaro du "National Security Archive"

JAK
18.09.01


1. Le 20 août 01, M. William Ferroggiaro a publié sur INTERNET, dans le cadre du "National Security Archive", des documents d'archives déclassifiés par l'Administration américaine. Il a accompagne cette publication d'un commentaire qui suscite des interrogations sur l'opportunité et la motivation d'une telle publication ainsi que sur la valeur des documents déclassifiés par rapport aux informations dont dispose l'Administration américaine sur les événements tragiques qui ont eu lieu au Rwanda depuis 1990 jusqu'à l'heure actuelle. Dans les lignes qui suivent, j'extraie de chaque document, le message le plus important qu'il véhicule ou l'information pertinente qu'il contient. Puis, j'en fais la critique en ayant à l'esprit la présentation faite par M. Ferroggiaro. Enfin, je tire la conclusion que je crois être la mieux appropriée pour chaque document. À la fin, je fais une appréciation globale des informations contenues dans ces documents concernant l'attitude des États-Unis dans le drame rwandais. Je commente aussi sur le moment choisi par M. Ferrogiaro pour ramener, sous les feux de la rampe, des thèses dépassées sur la culpabilité collective des Hutu dans le drame rwandais, notamment, la thèse farfelue de l'assassinat du Président Habyarimana par ceux qu'il identifie comme «extrémistes dans l'armée et au gouvernement profondément opposés à l'accord» d'Arusha.

2. Je voudrais cependant avertir le lecteur que l'analyse ci-dessous n'a pas pour objectif de décourager ceux qui se battent pour que des documents sensibles de cette nature soit mis à la disposition du public, au contraire. Elle vise surtout à faire le point sur l'interprétation faite de l'information contenue dans ces documents par ceux qui les ont publiés et à permettre au public, par mon témoignage, de se faire une idée plus juste des événements tels qu'ils se sont réellement passés, et non pas tels que certains veulent les présenter. La divulgation d'autres documents plus sensibles et plus précis pourrait éclairer certaines faces cachées des événements dramatiques qui ont endeuillé notre peuple, dans son ensemble, et ferait que le mensonge trop longtemps entretenu cède enfin la place à la vérité.
Document 1

3. Il s'agit du Fax envoyé le 11 janvier 1994 par le Général Dallaire, Commandant de la MINUAR, à ses supérieurs au Secrétariat général de l'ONU concernant la protection d'un informateur. Cet informateur affirme qu'il entraînait des Interahamwe avec l'objectif d'exterminer les Tutsi. Il prétend que ces derniers pouvaient tuer 1000 Tutsi en 20 minutes. Il évoque la distribution d'armes et leur stockage clandestin. Il se disait prêt à montrer à la MINUAR des endroits où les armes étaient cachées si lui et sa famille étaient mis en sécurité. M. Dallaire demandait leur protection et leur exfiltration à l'étranger. Il comptait faire un assaut pour découvrir les caches d'armes. Cependant il n'excluait pas un piège compte tenu du revirement soudain de l'informateur. Il devait rencontrer à ce propos, le lendemain, le très très important homme politique qui avait introduit l'informateur.

4. Aucun commentaire officiel de l'Administration américaine de ce Fax n'est révélé dans les documents livrés au public. Mais, l'Éditeur donne un crédit immense aux informations fournies alors que Dallaire lui-même doutait de la crédibilité de l'informateur et pensait que cela pouvait être un piège ou un acte subversif. [...]."Force Commander does have certain reservations on the suddenness of the change of the heart of the informant to come clean with this information. Recce of armed cache and detailed planning of raid to go on late tomorrow. Possibility of a trap not fully excluded, as his may be a set-up against the very very important political person".

5. L'informateur a donné aux Responsables de la MINUAR des informations d'une grande importance par rapport à la situation de crise qui régnait dans le pays en ce moment avec l'impasse dans la mise en œuvre des accords d'Arusha et les violences ethniques perpétrées par le FPR (assassinat de M. Fidèle Rwambuka, membre des organes de direction du MRND; assassinats de plusieurs dizaines d'élus du MRND à Kirambo; massacres dans la zone tampon et dans la Commune de Mutura)... Cet informateur était inconnu de la MINUAR. Il avait été présenté par "une personnalité politique très très importante". Nonobstant le fait qu'il mettait en doute la crédibilité de l'informateur, le Général Dallaire a envoyé un FAX alarmant et a décidé d'entreprendre des actions sur base de ces informations non corroborées et même avant d'en avoir discuté avec la personnalité très très importante, parrain de l'informateur. Le parrain de l'informateur a lui-même mis en cause, plus tard, la crédibilité de cette personne, connue sous le nom de Jean Pierre, lors de son témoignage devant la commission parlementaire belge sur les événements de 1994. Il l'a traité de menteur et d'escroc. Pourquoi dès lors, le Général Dallaire a-t-il pris le risque de transmettre à ses supérieurs des accusations graves contre l'un des partenaires importants des Accords d'Arusha et, spécialement contre le Président de la République, comme il l'insinue lui-même dans son FAX, avant d'avoir vérifié la véracité de ces informations et la crédibilité de l'informateur? Pourquoi ces informations qui n'ont jamais été corroborées, sont-elles prises pour vérité alors qu'aucune enquête n'a été menée à ce propos? En effet, ce document dont le contenu n'a jamais été vérifié, a été, a posteriori, considéré comme crucial pour fonder la thèse de ce qu'on a appelé le "génocide tutsi planifié".

6. Qui, le premier, a conféré à ce Fax du 11 janvier 1994, l'importance excessive qu'on lui donne maintenant parmi les preuves de la soi-disant "planification du génocide tutsi" par les Hutu alors que les services des Nations Unies, y compris Dallaire lui-même, mettaient en doute, depuis le début, les informations qu'il contient? Pourquoi veut-on retenir que le message principal véhiculé par ce FAX fut la préparation de l'extermination des Tutsi, alors que son auteur visait et insistait tout d'abord sur la protection et l'exfiltration de l'informateur? Ne termine-t-il pas son Fax en disant qu'il allait rencontrer le parrain de l'informateur le lendemain, apparemment pour vérifier l'information reçue et la crédibilité de l'informateur? Tout observateur avisé mais non partisan n'aurait aucune difficulté à découvrir la manipulation de l'information et de la vérité. Les démarches de l'informateur se situent bien dans le cadre de la campagne de diabolisation et de déstabilisation contre le Président Habyarimana et son parti entreprise par le FPR depuis qu'il a perdu tout espoir de contrôler la Transition comme il l'avait espéré à la suite des négociations truquées d'Arusha.

7. Une dernière question se pose: si l'extermination des Tutsi était à l'ordre du jour, depuis le déploiement de la MINUAR comme le prétend l'informateur, pourquoi ce sont seulement des leaders politiques Hutu qui étaient tués tant au niveau national que local (les massacres du 17-18 novembre à Kirambo et Mutura; les massacres de la zone tampon dans les préfectures de Ruhengeri et Byumba; l'assassinat de leaders nationaux Hutu: Fidèle Rwambuka du MRND; Félicien Gatabazi du PSD; Martin Bucyana de la CDR et...Juvénal Habyarimana du MRND et Président de la République)? Et comme par coïncidence, toutes les personnes tuées, durant cette période, appartennaient au groupe de Hutu opposés au FPR! Mais personne, aux Nations Unies ou parmi les pays occidentaux, en particulier, les États-Unis, n'a voulu faire une telle analyse de la situation. Certains se sont plutôt engagés à intoxiquer l'opinion en occultant la vérité. Beaucoup de Hutu font maintenant face à la justice du Vainqueur au Rwanda comme au TPIR sur base de manipulations semblables de la vérité.
Document 2 (Usage officiel limité - Déclassifié, 5 mai 2000)

7. Il s'agit d'un Mémo de Prudence Bushnell, Adjoint principal du Secrétaire d'État Assistant pour les Affaires Africaines, destiné au Secrétaire d'État, Warren Christopher. Ce Mémo est daté du 6 avril 1994. Il traite donc de l'attentat contre l'avion du Président Habyarimana, de sa mort et de celle de son homologue Burundais, Cyprien Ntaryamira. Il évoque la difficile succession de Habyarimana et la tentation pour les militaires de prendre le pouvoir. Le Document indique que si les deux Présidents -Habyarimana et Ntaryamira- ont été tués, il est fort probable que des violences de grande envergure puisse éclater dans les deux pays, surtout s'il est confirmé que l'avion a été abattu. "Our strategy is to appeal for calm in both countries, both through public statements and in other ways. We are also in close contact with the French ant Belgians. The White House has requested that we prepare a presidential statement expressing condolences and urging calm".

8. La position ultérieure de l'Administration Clinton dans la crise rwandaise a été cependant très décevante et même déplorable comme nous le verrons dans les documents qui vont suivre. Rien n'a été fait notamment pour la médiation ou autre action positive en vue de désamorcer la crise, au contraire.
Document 3 (Confidentiel - Déclassifié, 18 novembre 1998)

9. Ce document est un Mémo de l'Adjoint du Secrétaire Assistant à la Défense chargé du Moyen Orient et de l'Afrique au Secrétaire Adjoint à la Défense chargé de la politique. Le document est daté du 11 avril 1994. Il contient des éléments de discussion sur le Rwanda et le Burundi entre le destinataire et M. Henry Kissinger autour d'un dîner.

10. Concernant la situation au Rwanda, le Document parle de l'ultimatum de 48h que le FPR a donné aux troupes étrangères pour avoir évacué le Rwanda. Les auteurs du document affirmaient, sans la moindre trace de doute, qu'à l'expiration de cet ultimatum, le FPR allait essayer de prendre Kigali par la force et allait combattre les forces françaises et belges encore présentes sur le territoire rwandais. Les auteurs du document estimaient que si les deux parties ne se décident pas à reprendre le processus de paix, il y aurait un bain de sang massif au Rwanda qui pourrait déborder sur le Burundi. Selon ce document, certains responsables au gouvernement américain recommandaient le retrait de toutes les forces de la MINUAR pour ne laisser à Kigali que le Commandant avec un personnel de soutient réduit. La médiation américaine était envisagée. Voici ce que dit précisément le document, à ce sujet: "As the only 'honest broker' left on the field (given the intense hatred of Belgium by the Rwandan Hutus and of France by the Tutsis) we could (and should) play a critical diplomatic role in urging the parties to adhere to Arusha peace agreement". Le nom du Lt Colonel Tony Marley est cité. Ce dernier pouvait jouer un rôle si le processus de paix était mis en marche, vu qu'il a activement participé aux dernières négociations d'Arusha.

11. L'avenir a montré cependant que les États-Unis n'ont rien fait pour faciliter la reprise des négociations, au contraire.
Document 4 (Confidentiel - Déclassifié, 4, mai 2000)

12. Il s'agit d'un télégramme du Département d'État daté du 15 avril 1994 et destiné à la Mission Permanente US aux Nations Unies. Le Document confirme l'initiative prise par l'Administration américaine d'exiger le retrait total de la MINUAR du Rwanda (points 4-6). Le texte laisse croire que la décision US était la conséquence de l'ultimatum du FPR. Le Département d'État y faisait remarquer que cet ultimatum expirait justement ce 15 avril 1994. A la suite de cela, le conflit devait s'élargir ainsi que les violences. L'immunité accordée aux étrangers civils et militaires encore au Rwanda devait être levée. Dans ces conditions, estimait le Département d'Etat, le maintien de la MINUAR au Rwanda n'était pas justifiée. Pour ce dernier, la communauté internationale devait donner la plus haute priorité au retrait complet et ordonné de tout le personnel de la MINUAR, dans les meilleurs délais. Telle était, en tout cas, la politique des Etats-Unis; le Département d'Etat a donné des instructions dans ce sens: "Drawing on the foregoing, USUN is instructed to inform NSC colleagues that the United States believes that the first priority of the Security Council is to instruct the Secretary general to implement an orderly withdrawal of all/all UNAMIR forces from Rwanda..." .

13. Les États-Unis étaient déterminés à obtenir le retrait de la MINUAR notamment en évitant la discussion sur une résolution à ce sujet. Ils étaient prêts à opposer leur veto à toute initiative tendant au maintien de la MINUAR au Rwanda. [...]."Mission is also instructed that the United States to make clear to other UNSC members that the United States does not believe that a Security Council resolution is necessary to implement this withdrawal ( the SYG has authority to order his withdrawal under these circumstances) and that we will oppose any effort at this time to preserve a UNAMIR presence in Rwanda".

14. Il ressort clairement de ces instructions du Département d'État à la Mission des États-Unis à l'ONU que pour l'Administration américaine, la priorité, dans la crise grave qui secoue le Rwanda, était le retrait en ordre et en sécurité de toute la MINUAR et non le cessez-le-feu et le retour de la paix au Rwanda! Par ailleurs, il transparaît du texte du Département d'État que les États-Unis n'envisageaient plus de jouer un rôle quelconque dans la médiation entre les belligérants. Selon eux, ce n'était pas non plus l'affaire de la MINUAR mais, plutôt, de la responsabilité du Secrétaire général de l'ONU et son Représentant. "There may be a role for the UN to play in facilitating negotiations among the warring parties but that is a role for a representative of the Secretary general, not for UNAMIR. We are willing to support and encourage a political initiative by the Secretary general to promote reconciliation among the parties. Experience suggests that any serious negotiations among the parties will take place outside Rwanda; therefore, UN Security forces will not be required. Our opposition to retain UNAMIR in Rwanda is firm". Ainsi, sans aucun engagement de leur part, les États-Unis espéraient que les parties en conflit, avec l'assistance des médiateurs internationaux, si nécessaire, pourraient se réconcilier et commencer le processus qui les conduirait vers une paix durable.

15. La fermeté de l'Administration Clinton sur la question du retrait immédiat du Rwanda de toute la MINUAR devait avoir des motivations que le document du Département d'Etat ne révèle pas. La seule sécurité du personnel de la MINUAR ne suffisait pas pour expliquer cette position d'autant plus que cette dernière ne comptait pas de militaires américains en son sein.

Après le 6 avril 1994, des consultations intenses ont eu lieu entre la Maison Blanche et les divers Départements et Services concernés par la situation. Le Document 3, montre déjà l'analyse de la situation que se faisait l'Administration Clinton: retrait de la MINUAR; offensive généralisée du FPR pour prendre le pouvoir; possibilité de médiation des États-Unis ou de facilitation des négociations entre les parties.

Entre le 11 et le 15 avril 1994, la situation avait évolué: le FPR était en pleine offensive généralisée qui avancait bien, la capitale rwandaise était menacée; les États-Unis exigaient le retrait de la MINUAR sous peine de veto en évoquant l'ultimatum du FPR! Ils ne pensaient plus à la médiation ou à la facilitation des négociations entre les parties. Ils laissaient la médiation au Secrétaire général de l'ONU, et à son Représentant à qui l'appui logistique de la MINUAR devait pourtant être retirée. Il n'y a pas de doute que le cessez-le-feu entre les parties aurait pu remplacer l'ultimatum du FPR et faciliter les négociations sur base des accords d'Arusha si les Américains l'avaient voulu. Ainsi, personne n'aurait dû craindre pour la sécurité de la MINUAR. Les Américains ont, au contraire, pris partie, et ont décidé de mettre l'autre partie sous embargo totale (refus de communication avec le gouvernement intérimaire; refus de visa à une délégation gouvernementale à la mi-avril 1994, initiative pour un embargo sur les armes...) alors que les contacts avec l'autre partie se multipliaient. Ils ont saboté (via Museveni), ou en en tout cas, n'ont pas encouragé les négociations entre les deux parties sous la houlette de l'ONU (Roger Booh Booh) ou du Médiateur (Tanzanie). Témoin, la polémique qui s'est engagée à l'ONU pour savoir ce qui devait venir avant, le cessez-le-feu ou la fin des massacres.

Le Document du Département d'Etat confirme -ce qui était déjà connu des observateurs indépendants- que l'Administration Clinton visait, en réalité, à assurer la prise du pouvoir par le FPR sans entraves. La présence de la MINUAR aurait sûrement pu gêner cette stratégie.
Document 5

16. Il s'agit d'une Déclaration du Secrétaire chargé de la Presse (Maison Blanche) datée du 22 avril 1994. Cette déclaration fait suite à l'entretien que M. Antony Lake, Conseiller du Président Clinton au Conseil National de Sécurité venait d'accorder à l'activiste aux droits de l'homme, Mme Monique Mujawamariya. Dans cette Déclaration, un appel était lancé aux parties pour les inviter à conclure un cessez-feu sous la médiation en cours de la MINUAR et de la Tanzanie et de revenir aux négociations et au principe de partage du pouvoir dans le cadre des Accords d'Arusha. Il était spécifiquement demandé à certains dirigeants militaires des Forces Armées Rwandaises, dont le Général Bizimungu, Chef d'Etat-major, le Colonel Bagosora, le Colonel Nkundiye (?) et le Capitaine Simbikangwa (?) de mettre fin immédiatement aux violences.

17. La Déclaration du Secrétaire chargé de la Presse à la Maison Blanche reflétait la position du Président Clinton et de son Conseiller en matière de Sécurité. Elle ne cache pas le parti pris de l'Administration Clinton dans le conflit rwandais. En effet, la Déclaration laisse croire que les violences émanaient d'une seule partie au conflit, à savoir la partie opposée au FPR. Sinon, pourquoi la Maison Blanche n'invitait pas le FPR à cesser la violence. Pourtant, elle n'ignorait pas, si l'on en croit le document précédant, que le FPR avait initié l'offensive généralisée pour prendre le pouvoir par la force. Peut-on croire qu'une telle offensive se faisait sans violence connue de la Maison Blanche?

18. Tout porte à croire que l'Administration Clinton ne voulait sincèrement ni la fin de la violence ni le retour de la paix au Rwanda. Et pour cause! Trois éléments tirés de la présente Déclaration me permettent de faire cette conclusion: 1) elle ignore le rôle néfaste du FPR dans les violences en cours notamment par la reprise de la guerre généralisée; 2) elle ignore le Gouvernement intérimaire et cherche à l'isoler de ses Forces Armées en s'adressant à ces dernières directement (notamment à des personnes arbitrairement choisies parmi les officiers des FAR); 3) elle s'est abstenue d'intervenir dans la médiation entre les parties pour le cessez-le-feu et le retour au processus de paix d'Arusha et laissé la besogne à M. Roger Booh Booh, Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies, et au Président de la Tanzanie. Ces derniers n'avaient pas de moyens adéquats pour mener à bien cette mission et n'avaient pas, contrairement à l'Administration américaine, d'influence réelle sur les parties en conflit.
Document 6 (Secret - Déclassifié, 18 Novembre 1998)

19. C'est un document de travail du Bureau de l'Adjoint du Secrétaire à la Défense, chargé du Moyen- Orient et de l'Afrique daté du 1 mai 1994. Le document énonce, concernant la situation au Rwanda, des objectifs en 7 points dont: arrêter les massacres en cours par les contacts avec le FPR et le Gouvernement et en collaboration avec d'autres États; soutenir les efforts des Nations Unies et autres pour un cessez-le-feu; assistance humanitaire sur les frontières et non à l'intérieur, dans des zones de sécurité établies pour les réfugiés par les Nations Unies; maintenir les frontières ouvertes pour les réfugiés.

20. Les discussions portaient sur les sujets suivants: investigations sur le génocide (il est précisé que le Département d'État était préoccupé par l'utilisation de ce terme qui exigerait l'action des États-Unis); embargo militaire visant l'exportation d'armes vers le Rwanda et l'assistance au FPR; pression pour punir les responsables des massacres (attendre le cessez-le-feu); planification d'actions pour le brouillage des radios appelant aux massacres.

21. Le présent document confirme l'absence d'engagement de l'Administration américaine à participer aux efforts qui étaient en cours pour atteindre le cessez-le-feu et la fin des massacres par la négociation entre les parties au conflit. L'Administration Clinton a laissé toute l'initiative aux autres alors qu'elle reconnaissait être le seul médiateur honnête acceptable pour les deux parties (voir Document 3). Elle n'entendait entreprendre aucune action concrète visant à contraindre les deux parties à des négociations fermes et sincères pour arrêter le drame. Le Département d'État prétendait maintenir les contacts avec les deux parties alors que c'est justement vers cette période -la deuxième quinzaine du mois d'avril- que les visas ont été refusés à la délégation gouvernementale qui voulait se rendre à Washington pour des contacts avec les dirigeants américains. Pourtant, au même moment, la délégation du FPR était reçue sans difficulté, ainsi qu'une activiste des droits de l'homme opposé au gouvernement intérimaire (Mujawamariya).

22. Concernant l'utilisation du terme génocide, je suis d'accord avec la position du Département d'État selon laquelle l'Administration Clinton a évité de l'utiliser, dès le début, pour éviter d'être obligé d'entreprendre des actions: «Be careful. Legal at State was worried about this yesterday-Genocide finding could commit USG to actually do something». Le document ne dit pas cependant pourquoi les États-Unis ne voulaient pas faire quelque chose. Ce ne sont pas les moyens qui manquaient ni la coopération des autres membres du Conseil de Sécurité puisque ce sont les États-Unis qui ont plutôt menacé d'utiliser le veto s'il y avait une proposition de maintien de la MINUAR au Rwanda et, par surcroît, du renforcement de son mandat pour la transformer en une force de rétablissement de la paix. L'Administration Clinton était opposée à la présence au Rwanda d'une force internationale tant qu'elle n'était pas sûre de la victoire du FPR.

23. Les États-Unis n'ont consenti à l'utilisation publique du terme génocide que dans la résolution 925 du 8 juin 1994 après avoir obtenu l'imposition d'un embargo militaire contre le Rwanda et la mise en place progressive de la MINUAR II, par la résolution 918 du 17 mai 1994. Ils ont profité de l'examen de cette résolution pour exiger le déploiement de la MINUAR par phases (3) et en tenant en compte l'accord des deux parties et la disponibilité des ressources. Pour ce qui est des phases, il faut noter que la première ne concernait que quelques éléments de la MINUAR I encore à Nairobi et qui ne dépassaient pas 500 hommes (en plus des 270 restés à Kigali) alors que toute la MINUAR II devait compter 5.500 hommes. Il est important de souligner que le FPR n'a jamais subi d'embargo. Il continuait à recevoir des armes par l'intermédiaire de son allié, l'Ouganda. L'ONU n'a jamais pu ou voulu arrêter les approvisionnements en hommes, armes et munitions de l'une des parties au conflit. L'Administration Clinton a estimé que cet embargo allait affaiblir la partie gouvernementale et donner la victoire au FPR. C'est pourquoi, elle n'a pas hésité à accepter l'utilisation du terme "génocide" après l'adoption de la résolution 918 même si cela devait l'obliger à faire quelque chose. Elle a cependant pris des précautions en veillant à ce que la MINUAR II ne soit pas entièrement déployée dans l'immédiat pour ne pas gêner la prise du pouvoir par le FPR. En fait, la MINUAR n'a été déployée qu'après la victoire militaire du FPR et la mise en place de son gouvernement! L'objectif était atteint.

24. A partir de là, on pouvait parler du "génocide" tous azimuts et rechercher les coupables -les Vaincus. Toutes les initiatives, bridées auparavant, venaient désormais des États-Unis. L'Administration américaine a déployé toute sa machine de propagande et toutes sortes de pressions, d'abord, pour mettre tout le drame sur le dos des Vaincus, ensuite, pour obtenir qu'un Tribunal international chargé de les punir soit mis en place. Le Vainqueur -le FPR- a été évidemment mis à l'abri. Son pouvoir acquis par la force des armes devait être protégé par la puissance américaine. Le FPR et ses partisans devaient jouir de l'impunité ainsi que tous ceux qui ont refusé d'intervenir pour prévenir ou arrêter le drame, sauf ceux qui appartiennent à la grande famille des Vaincus. Le Vainqueur obtint plutôt le statut de fournisseur privilégié des informations sur les coupables -la présomption d'innocence n'existe pas- et celui de juger, alors qu'il était l'un des auteurs importants des violations graves du droit international humanitaire et même la source du drame qui les a engendrées.

25. Quant au brouillage des radios "appelant au massacre", le document ne précise pas de quelles radios il s'agissait. Je vais revenir sur ce sujet en examinant le document 10 qui, lui, parle d'une radio civile.
Document 7 (Usage officiel limité - Déclassifié, 10/26/95)

26. Le document est un télégramme du Département d'État daté du 29 avril 1994 et adressé aux Ambassades américaines à Bujumbura et Dare-es-Salaam. Il relate l'entretien téléphonique daté du 28 avril 1994, entre Mme Bushnel, Sous-secrétaire d'État adjoint et le Colonel Bagosora. Mme Bushnel disait à Bagosora que la partie gouvernementale devait arrêter les massacres. Elle rejetait l'idée selon laquelle c'était le FPR qui entraînait les massacre à cause de la continuation de la guerre. Le document dit que Bagosora a déclaré qu'il fallait d'abord le cessez-le-feu. Mme Bushnell exigeait aussi la représentation des militaires dans la délégation pour la négociation du cessez-le-feu. Elle a dit attendre que Bagosora fasse personnellement ce qu'on attendait de lui ("she emphasized that we were looking to him personally to do the right thing").

27. Le document révèle que l'Administration américaine semblait donner des ordres et non des conseils aux autorités gouvernementales rwandaises. Elles exigeaient des mesures à prendre qui ne devaient souffrir aucune objection ni aucun avis contraire. C'est le cas notamment de la composition de la délégation aux négociations avec le FPR. L'Administration Clinton relayait les exigences du FPR. Elle avait clairement choisi son camp. La preuve en est que Mme Bushnel s'est abstenue de promettre à Bagosora qu'elle parlerait aussi au FPR comme il le demandait. Il va sans dire que si l'Administration américaine avait parlé au FPR avec le même ton impératif et ferme pour l'amener à cesser ses offensives et à conclure le cessez-le-feu en vue de la reprise du processus de mise en œuvre des accords d'Arusha, le drame aurait pu être évité. Je suis persuadé que, même avec son parti pris, l'Administration Clinton aurait pu, s'il elle l'avait voulu, arrêter rapidement les massacres et la guerre. Au lieu de se limiter à vitupérer contre la partie gouvernementale et à proférer des menaces contre des individus sans influence déterminante sur le cours des événements chez les deux parties belligérantes, aurait pu prendre l'initiative d'une force internationale d'intervention sous le couvert des Nations Unies ou de l'OUA. Mais l'Administration Clinton ne le voulait pas ainsi. Elle pensait que l'intervention internationale allait gêner les manœuvres des troupes du FPR et la prise du pouvoir par ce dernier. C'est pour cela que, en réalité, elle s'opposait -sans le déclarer publiquement- à tout accord de cessez-le-feu avant la victoire du FPR. L'on comprend dès lors pourquoi, l'Administration Clinton n'a levé aucun doigt lorsque le FPR a refusé de signer, en mai 1994, l'accord de cessez-le-feu négocié par les deux parties sous la médiation de la Tanzanie. Pourtant la délégation gouvernementale comprenait des militaires de haut rang comme le FPR et les Américains l'avaient exigé. Ces derniers ne se sont pas opposés au sabotage de l'accord par le Président Museveni qui a enjoint à la délégation du FPR de quitter Arusha alors que la signature devait avoir lieu incessamment. L'accord conclu à Tunis, en juin 1994, sous la houlette de l'OUA a été, à son tour, enterré immédiatement après par le FPR qui a continué ses offensives militaires.

28. La querelle soulevée par les Américains et le FPR sur l'arrêt des massacres avant l'arrêt des offensives du FPR et l'application effective d'un cessez-le-feu, est à mon avis, une fausse querelle initiée par des gens animés de mauvaise foi. Je voudrais tout d'abord préciser que je ne suis pas de ceux qui disent que les massacres ethniques de 1994 étaient spontanés. En effet, ils étaient la conséquence prévisible d'une situation de crise profonde à tous les niveaux, politique, sociale et économique; crise provoquée par l'agression engagée contre le Rwanda et son peuple par l'Ouganda et le FPR, depuis le 1er octobre 1990. Ils étaient la continuation logique des violences ethnico-politiques qui avaient jalonné la guerre dite d'octobre. Ils étaient la réaction prévisible de l'assassinat du Président Juvénal Habyarimana, réaction attendue et souhaitée, par ailleurs, par les auteurs de l'attentat contre l'avion du Président. Ils étaient, à mon avis, le prix accepté et considéré comme inévitable, par ceux-là même qui voulaient prendre le pouvoir par la violence et la guerre. Il est évident que, pour les observateurs moins partisans, les massacres étaient intimement liés à la guerre de conquête du pouvoir commencée en octobre 1990. Il n'était pas possible de penser isoler l'un de l'autre, ni arrêter l'un sans l'autre. Il était impossible d'arrêter les violences et les massacres sans arrêter la guerre. La guerre, telle qu'elle était pratiquée au Rwanda depuis 1990, était porteuse, en soi, de violences inimaginables contre les masses populaires et de violation graves des droits de l'homme. Avant que la guerre n'éclate, le Rwanda ne connaissait pas de violences massives et généralisées. A mon sens, l'arrêt concerté de la guerre et des hostilités militaires devait impliquer, ipso facto, l'arrêt des violences et des massacres. Cela a été le cas durant les négociations d'Arusha (juillet 1992-1993). L'accalmie dans les violences et les massacres a été troublée par l'offensive meurtrière du FPR de février 1993. Le cycle de violence n'a repris son cours qu'avec les massacres commis par ce même FPR en novembre 1993 dans les préfectures de Byumba, de Ruhengeri, Gisenyi et dans la zone tampon. Ces massacres ont été précédés et suivis par les assassinats ethnico-politiques de leaders Hutu opposés au FPR, dont: Fidèle Rwambuka du parti MRND (août 1993); Félicien Gatabazi du parti PSD (21 février 1994) et Martin Bucyana de la CDR (22 février 1994). La goutte qui a fait déborder le vase fut l'assassinat du Président Juvénal Habyarimana, le 6 juin 1994.

29. Vouloir établir la hiérarchie entre l'arrêt des massacres et le cessez-le-feu relevait donc d'une querelle académique malsaine et déplacée que les gens de mauvaise foi mettaient en exergue pour éviter de devoir intervenir contre la guerre imposée par les agresseurs du Rwanda et de son peuple. Il est évident que dans les zones éloignées du champ de bataille les violences pouvaient être circonscrites même avant l'accord de cessez-le-feu. Les deux parties devaient cependant y concourir en évitant toute action pouvant entretenir le feu. Ainsi, la propagande de guerre et les recrutements du FPR parmi les Tutsi de l'intérieur du Rwanda entretenaient la peur et poussaient les Hutu aux représailles d'autant plus que les Tutsi recrutés revenaient chez eux en infiltrés et menaient des actes de sabotage et de provocation, en préparation de la guerre généralisée.

30. Il faut signaler, en outre, que les gens qui pensaient pouvoir isoler les violences et les massacres de la guerre n'ont jamais donné de propositions concrètes sur la façon dont il fallait procéder. Ils auraient pu ainsi faire pression sur les deux parties pour mettre en pratique leurs propositions afin d'arrêter la catastrophe, si tels étaient leurs souhaits réels. Mais ils semblaient plutôt affirmer que la violence venait d'une seule partie, la partie gouvernementale. Le FPR avait le feu vert de continuer ses offensives meurtrières et ses appels à la guerre auprès de la communauté Tutsi, alors que la guerre est génératrice de violences et de massacres plus généralisés et, aussi, de représailles des populations appartenant à la partie adverse. Tout le monde sait que ces gens continuent à prétendre que le FPR n'a jamais commis de massacres malgré les preuves accablantes recueillies par des personnes indépendantes ou même d'habitude favorables au FPR, comme Alison Desforges de Human Rights Watch. C'est, à mon avis, ce parti pris qui a faussé l'arbitrage et empêché l'intervention neutre et effective des États-Unis pour arrêter l'inexorable drame alors qu'ils auraient pu parfaitement le faire sans perdre aucun soldat américain dans l'opération.

31. Il est vrai que les violences ethniques et les assassinats politiques étaient prévisibles compte tenu de la crise généralisée qui avait cassé la société rwandaise en deux groupes viscéralement opposés et avides du pouvoir, à savoir, d'une part, le FPR et ses partisans généralement Tutsi et, d'autre part, les Républicains, considérés, à tort, par certains comme partisans du ''Hutu power''. Ce qui n'était pas prévisible, c'est l'ampleur de ces violences. Personne ne doutait que l'assassinat du Président Habyarimana par le FPR, dont on parlait depuis la fin des négociations d'Arusha, allait conduire le pays au chaos. Sans doute qu'il n'allait pas être à l'origine d'une guerre mondiale comme l'assassinat, le 28 juin 1914, de l'Archiduc François Ferdinand d'Autriche, mais il fallait s'attendre à des violences sans précédant dans cette atmosphère électrisée par les préparatifs de guerre en vue du contrôle du pouvoir. Non, vraiment, les violences de 1994 n'étaient pas du tout spontanées. Mais la responsabilité doit en revenir tout d'abord à ceux qui ont initié l'agression contre le Rwanda et qui ont semé la haine et la division au sein de son peuple. La faute en revient ensuite à ceux qui ont commis les assassinats ethniques délibérés qui ont culminé dans l'assassinat même du Président Habyarimana en vue de semer le chaos qui allait faciliter la prise du pouvoir par la force.
Document 8 (Confidentiel avec annexe Secrète - Déclassifié, 5/21/98)

32. Il s'agit d'un Mémo signé le 3 mai 1994 par le Président Clinton à l'intention des personnalités suivantes: Vice-président; Secrétaire d'État; Secrétaire à la Défense, Directeur du Budget; Représentant des États-Unis aux Nations Unies; Conseiller en matière de Sécurité; Directeur de la CIA; Chef d'État Major général. Ce document a trait à la politique des États-Unis dans la participation des opérations de la paix. Il introduit la réforme de cette politique dont les lignes directrices apparaissent dans une Directive présidentielle contenue dans le document 9 ci-après. Le président reconnaît l'importance de la coopération multilatérale, au niveau des Nations Unies, dans le maintien de la paix internationale. Il souligne que les opérations de maintient de la paix peuvent servir les intérêts des États-Unis. C'est donc dans l'intérêt des États-Unis de renforcer le rôle des Nations Unies et leur propre rôle dans les opérations de maintien de la paix. Il souligne la nécessité de s'assurer du soutien du Congrès et de l'opinion publique. Il évoque l'intérêt de la rationalisation des coûts de ces opérations dans lesquelles la part des États-Unis doit être équitable.
Document 9

33. Ce document daté de mai 1994 détaille la Politique de l'Administration Clinton sur la Réforme des Opérations multilatérales de Paix. En voici les grandes lignes:

1) Le document contient le résumé d'une Directive Présidentielle sur la Réforme des Opérations multilatérales de Paix, adoptée à la suite de l'évaluation de la politique de maintien de la paix des États-Unis, pour se conformer aux réalités de l'après guerre froide.

La Directive concerne 6 questions majeures:

1. Faire des choix disciplinés et cohérents sur les opérations de la paix à soutenir au Conseil de Sécurité ou dans lesquels participer. La Directive établit ici les mesures les plus contraignantes concernant la participation des unités de combat américaines dans des opérations de paix.
2. Réduire les coups des opérations de paix des Nations Unies.
3. Définir clairement la politique des États-Unis concernant le commandement et le contrôle des forces militaires des États-Unis dans les opérations de paix.
4. Réformer et améliorer la capacité des Nations Unies à gérer les opérations de paix.
5. Améliorer la manière dont les États-Unis gèrent et financent les opérations de la paix.
6. Créer de meilleures formes de coopération entre l'Exécutif, le Congrès et le Public américain dans les opérations de paix.

2) Le document contient aussi le détail des éléments clés de la politique de l'Administration Clinton sur la Réforme des opérations multilatérales de paix.

Il faut d'emblée noter que le document précise sans équivoque que les opérations de la paix doivent servir d'instrument de la politique des États-Unis. (''Multilateral peace operations, must, therefore, be placed in proper perspective among the instrument of US foreign policy''). Dans cette perspective, les États-Unis ne peuvent soutenir des opérations de paix (maintien ou restauration - chap. VI ou VII de la Charte de l'ONU) que sous des conditions bien définies, entre autres:

- Si cela avance les intérêts des États-Unis, surtout lorsque des unités de combat américaines doivent y participer. Dans ce dernier cas, des conditions strictes sont définies.
- S'il y a menace à la paix ou rupture de la paix internationale (agression internationale; désastre humanitaire urgent; interruption soudaine de l'établissement de la démocratie ou violation grave des droits de l'homme couplée avec la violence ou la menace de violence).
- Si les conséquences politique, économique et humanitaire de l'inaction de la communauté internationale ont été pesées et jugées inacceptables...

34. Le document explique clairement que ces facteurs pris individuellement ou dans leur ensemble ne sont que des critères pour faciliter la prise de décision. Ils n'impliquent pas l'obligation de prendre la décision. Ils sont examinés en conjonction avec d'autres considérations. Il conclut en disant que ''bien menées, les opérations de maintien de la paix peuvent être un bon instrument pour avancer les intérêts nationaux et pour poursuivre les objectifs de notre sécurité nationale. Les États-Unis ne peuvent pas être le gendarme du monde. Cependant, nous ne devons pas non plus ignorer la multiplication des conflits ethniques, de guerres civiles et l'effondrement de l'autorité gouvernementale dans certaines crises étatiques qui, prises individuellement ou dans leur ensemble, peuvent affecter les intérêts des États-Unis...''.

35. Il ressort de cette Directive présidentielle que les États-Unis ne pourront désormais participer ou financer des opérations de la paix que si elles peuvent servir comme instrument de la politique extérieure des États-Unis et répondre à leurs intérêts nationaux. La participation des troupes américaines a été rendue très difficile et soumise à des conditions très strictes. C'est ainsi que depuis la signature de cette Directive et, surtout, après le désastre de Somalie, les États-Unis sont réticents à accepter des opérations de maintien de la paix nécessitant l'envoie de troupes même si les Américains n'y ont pas de représentants. Il convient de remarquer que la décision de retrait de la MINUAR est intervenue au moment où se menaient les discussions finales sur le contenu de la Directive et alors que le Gouvernement intérimaire réclamait une intervention plus musclée des Nations Unies sous forme de force d'interposition.
Document 10 (Confidentiel - Déclassifié, 27 mars 1995)

36. Le document daté du 5 mai 1994 est un Memo du Secrétaire Adjoint à la Défense chargé de la politique, Frank Wisner, à Sandy Berger, Adjoint du Conseiller du Président en matière de Sécurité, sur le sujet «Rwanda: brouillage des émissions d'une radio civile». Il est dit dans le document que, après analyse, les services concernés ont conclu que le brouillage est inefficace et que le mécanisme pour le faire coûterait cher et serait risqué sur le plan de la sécurité. De plus, il ne répondrait pas aux objectifs souhaités par les Conseillers du Conseil national de Sécurité.

37. Le document ne précise pas évidemment quels étaient les objectifs des Conseillers du Président Clinton. Par ailleurs, alors que le document 6 du 1er mai 1994 parle de radios, au pluriel, le présent document parle de brouillage d'émissions d'une radio rwandaise, au singulier, mais sans préciser laquelle. Il est vrai qu'il y avait deux radios au Rwanda: Radio Rwanda appartenant à l'État rwandais et Radio RTLM de la RTLM, sa. A ces deux radios, il faut ajouter la radio pirate du FPR, Radio Muhabura. Il est vrai aussi que beaucoup d'émissions de propagande de guerre se faisaient sur toutes les trois radios. Mais l'on sait que seules les radios anti-FPR, à savoir Radio Rwanda et la RTLM, étaient dans le collimateur des parrains du FPR. La Radio RTLM était particulièrement visée par la MINUAR et par les Belges qui faisaient l'objet de critiques acerbes pour leur parti pris en faveur du FPR. Il va sans dire que les Américains échangeaient des renseignements avec les Belges et coordonnaient leurs activités avec eux. Cela est prouvé par leur collaboration efficace dans la campagne pour le retrait total de la MINUAR. Aussi, est-il logique de penser que la MINUAR, les Belges et les Américains ont coordonné leurs actions contre les émissions de la RTLM. Ainsi, le 8 avril 1994, la MINUAR a transmis aux Belges les coordonnées du lieu d'où la RTLM émettait. Le 16 avril 1994, la maison où la radio RTLM était logée fut bombardée et ses studios détruits. Il y eut des journalistes blessés, dont un, gravement. Quoi qu'il en soit, on peut penser que les Américains ont collaboré ou, en tout cas, ont consenti à la destruction de la RTLM.

38. Tel était donc, en réalité, l'objectif de la Maison Blanche, à savoir, détruire la RTLM. Les Conseillers du Président Clinton avaient écarté le brouillage de la radio qui demandait des moyens trop visibles et trop vulnérables et sans doute plus coûteux, alors qu'une telle action s'avérait moins efficace. De plus, elle soulevait pas mal de difficultés d'ordre juridique et opérationnel. Il faut dire ensuite, que les Américains étaient sûrement persuadés que les émissions de la radio RTLM pouvaient gêner, peut-être, mais non pas empêcher le FPR de poursuivre ses offensives et de gagner la guerre. De plus, comme cela est dit dans le document 6, une autre option, complémentaire sans doute, était envisagée, celle de financer une contre-propagande dans les pays limitrophes. Je suis convaincu que, en plus de la destruction de la radio RTLM, les Américains ont participé au financement de la propagande du FPR à travers radio Muhabura et à partir de certains pays limitrophes. Cela, évidemment, n'est révélé ni dans le document 6, ni dans le présent document, ni dans aucun autre parmi les documents déclassifiés. Il n'est pas enfin exclu de penser que les Américains ne voulaient pas brouiller les émissions de la RTLM afin de rechercher des éléments qui serviraient plus tard à incriminer les Hutu. En effet, les Accusés d'Arusha, surtout dans le Procès dit des Médias, m'ont laissé entendre que la plupart des enregistrements des émissions de la RTLM utilisées par le Procureur du TPIR dans sas accusations, proviennent des Services américains ou de leurs agents ou informateurs.
Document 11 (Secret - Déclassifié)

39. Le document est un rapport daté du 9 mai 1994 émanant des Services de renseignements militaires (Defense Intelligence Agency) sur «Rwanda: offensive du Front Patriotique Rwandais». Ce rapport confirme le succès des offensives militaires du FPR. Selon les analystes militaires américains, le FPR devait profiter de ses succès pour exiger un rôle plus grand que celui réservé à la minorité Tutsi à Arusha. Ils ne cachaient pas ainsi leur conviction que le FPR se battait pour les intérêts de la minorité tutsi. Ils admettaient cependant que sa base politique était très étroite.

40. On peut résumer comme suit les éléments saillants de ce document:

- Le FPR est une organisation composée principalement de Tutsi venus d'Ouganda avec des alliés à l'intérieur.
- C'est l'expérience militaire des cadres du FPR couplée aux liens avec le gouvernement ougandais qui sont à la base des succès actuels du FPR.
- Après la mort de Rwigema, Paul Kagame a organisé des unités de guérilla qui pouvaient mieux opérer à partir de bases installées en Ouganda.
- Le FPR a continué à utiliser le territoire Ougandais (et même de l'Est du Zaïre) après les accords d'Arusha pour ses besoins logistiques et pour l'entraînement de ses troupes et même pour les recrutements parmi la grande masse de réfugiés Tutsi restés en Ouganda.
- Le FPR a effectué des infiltrations à l'intérieur du pays notamment à la capitale avant ses offensives pour prendre le pouvoir.
- Le Document accrédite la thèse selon laquelle le Président Habyarimana aurait été assassiné par les militaires extrémistes Hutu qui refusaient la réconciliation avec les Tutsi et les Accords d'Arusha.
- Sur les massacres, le document dit que «L'intention originelle était d'éliminer seulement l'élite politique favorable à la réconciliation, mais le Gouvernement a perdu le contrôle des milices et les massacres se sont répandues comme un feu de brousse».
- Les offensives du FPR sont un succès. Un cessez-le-feu a été signé par les deux parties dans la semaine du 26 avril 1994 alors que le FPR se prépare à l'assaut final pour prendre Kigali.

41. En conclusion, le document note que le conflit ethnique entre Hutu et Tutsi était profond et devait être pris en compte dans le partage du pouvoir et l'établissement d'une paix durable. Les analystes militaires estimaient que même si le FPR gagnait la guerre, il ne pouvait pas gouverner seul. Il devait former un gouvernement à base élargie et comprenant la majorité Hutu. Ils étaient persuadés, par ailleurs, que la question de la représentation de chaque partie dans les forces armées qui a provoqué la crise devait occuper une bonne place dans les négociations pour établir une paix durable.

42. Ce document constitue, à mon sens, une analyse lucide de la question ethnico-politique qui, si elle avait eu la suite appropriée de la part de l'Administration Clinton, aurait pu convaincre de la nécessité d'obliger les parties au conflit à cesser les hostilités et à entamer, sans faire plus de dégâts, des négociations politiques pour le partage équilibré du pouvoir. Il montre que les Hutu et les Tutsi doivent négocier pour partager le pouvoir de telle manière que chaque partie obtienne une part du pouvoir, surtout de la force militaire, qui la rassure. Mais les décideurs de Washington voulaient d'abord une victoire militaire du FPR. Par la suite, ils se sont abstenus d'imposer les négociations politiques et ont succombé à la propagande du FPR fondée sur la culpabilisation collective et exclusive des Hutu. Il est, en fait, incompréhensible que les Américains restent aveugles à la situation dramatique que continue de vivre le peuple rwandais à cause des ambitions et de l'avidité démesurées d'une clique de militaires et de civils sans grande assise populaire. Ces derniers prétendent toujours représenter les intérêts de la minorité Tutsi alors que beaucoup de leaders Tutsi, civils et militaires, ont déserté les rangs du FPR et du pouvoir tout en dénonçant l'idéologie ethniste et exclusiviste de Paul Kagame et de son parti.

43. L'analyse vise également juste en ce qui concerne l'implication de l'Ouganda dans le conflit rwandais depuis 1990 jusqu'à la prise du pouvoir par le FPR. Ce document devrait clouer le bec à tous ceux qui refusent encore d'admettre que l'Ouganda de Museveni a joué le rôle clé dans la prise du pouvoir par le FPR par la force ou ceux qui continuent de mystifier l'opinion en laissant croire que le conflit dit d'octobre (1990-1994) était purement interne.

44. Les analystes des services de renseignements militaires qui sont sûrement les mieux informés sur les questions de conflits armés confirment qu'il n'y a pas eu, au départ, d'intention d'extermination de l'ethnie Tutsi en tant que telle comme la propagande initiée par le FPR et ses partisans le laisse croire, mais plutôt, l'intention de commission d'assassinats politiques. Le document ne dit d'ailleurs pas que ces assassinats politiques visaient seulement les Tutsi. La réalité, c'est que les leaders des deux ethnies, Hutu et Tutsi, ont été touchés par de tels assassinats avant et après l'attentat qui a provoqué la mort du Président Habyarimana. Si l'on en croit cette analyse, il n'y a donc pas eu de planification de ce qu'on a qualifié de "génocide Tutsi".

45. Malheureusement, les analystes militaires ne gardent pas la même lucidité en ce qui concerne les auteurs de l'attentat contre le Président Habyarimana. Ils ont retenu, pour des raisons qu'on peut deviner, la seule piste de ceux qu'ils appèlent ''militaires Hutu radicaux (Hutu military hardliners)''. La piste du FPR, pourtant de loin la plus probable, a été écartée d'office pour éviter de compromettre le protégé de l'Administration Clinton. La responsabilité du déclenchement du drame aurait pesé sur lui ainsi que la reprise de la guerre. L'on comprend dès lors pourquoi les Américains se sont toujours abstenus de prendre des initiatives pour faire une enquête en bonne et due forme sur cet assassinat ou de soutenir l'action des Nations Unies dans ce sens, notamment dans le cadre du Tribunal Pénal International pour le Rwanda. Au contraire, ils font tout pour décourager de telles initiatives. Sur cette question, je suis, quant à moi, d'accord avec l'information donnée par Jean Pierre Mugabe et Michael Hourigan selon laquelle l'assassinat du Président Habyarimana a été commandité par le FPR et exécuté par ses hommes en collaboration avec des agents étrangers. Beaucoup d'observateurs avisés évoquent, dans cet attentat, la complicité des pays comme l'Ouganda, le Burundi, la Tanzanie, les États-Unis, la Belgique, ainsi que celle de la MINUAR.
Document 12 (Secret - Déclassifié le 18 novembre 1998)

46. Le document est un Memo de discussion au Département de la Défense, fait le 11 mai 1994 par le Lt. Colonel Michael Harvin. Les discussions ont eu lieu entre les Experts du Pentagone avec ceux du Département d'État et du Conseil National de Sécurité. Deux questions importantes ressortent des discussions: la nature de l'intervention au Rwanda en discussion à l'ONU et le sort des réfugiés Hutu.

47. Concernant la nature de l'intervention, les Experts du Département d'État et du Conseil National de Sécurité penchaient pour une opération sous le Chapitre VII de la Charte de l'ONU avec la couverture du Chapitre VI (!) alors que le Pentagone acceptait seulement un mandat sous le Chapitre VI. Il est difficile de savoir ce que les premiers voulaient. Le document ne le précise pas. Mais on peut deviner qu'il voulait avoir la latitude d'utiliser les possibilités que confèrent le Chapitre VII, (entre autres, le désarmement des milices, la protection des civils par des armes) mais avec le mandat officiel de l'ONU conféré en vertu du Chapitre VI qui ne permet l'usage de la force qu'en cas de légitime défense. La question n'est pas tranchée dans ce document.

48. Pour ce qui est de la question relative aux réfugiés, notamment, Hutu, le document laisse penser que les Experts américains étaient persuadés (on était le 11 mai 1994) de la victoire prochaine du FPR et de la fuite des Hutu à l'étranger et notamment de ceux qui auraient commis des massacres contre les Tutsi. Les Experts se demandaient ce qu'il fallait en faire: les laisser passer; les protéger; ou les livrer au FPR. Il estimaient, en tout cas, qu'ils ne pouvaient pas les mettre dans un même camp que leurs victimes. Le document ne dit pas si une décision quelconque a été prise là-dessus. Mais l'avenir a montré que les Américains ne se souciaient guerre du sort des Hutu qu'ils considéraient comme tous coupables, raison pour laquelle ils ont toléré leur extermination par le FPR ou se sont même rendus complices de massacres et d'actes de génocide commis par lui contre les Hutu, tant à l'intérieur du Rwanda (1997-1998-2001) qu'au Zaïre/Congo (1996-1997; 1998-2001).

49. Le document confirme mon analyse qui indique que le seul souci majeur des Américains était la victoire militaire du FPR et non les souffrances qu'endurait en ce moment le peuple rwandais dans son ensemble. Personne ne peut comprendre à quoi servaient les discussions longues et lentes auxquelles se livraient les Experts de la seule puissance capable d'arrêter la catastrophe alors que des gens que l'on pouvait sauver -Hutu, Tutsi et Twa- étaient entrain de mourir. Pourquoi penser à la victoire militaire d'une partie au conflit et non à l'arrêt immédiat de la guerre et des massacres? Il est important de souligner que la guerre a continué depuis ce jour du 11 mai jusqu'au 14 juillet 1994, soit deux mois de trop pendant lesquels des milliers de personnes sont mortes! En plus de telles discussions internes, l'Administration Clinton a provoqué, au Conseil de Sécurité de l'ONU, des discussions interminables sur la nature du mandat de la MINUAR II, sa composition, les délais de son déploiement...Les Américains, ont entre autres, bloqué son déploiement immédiat tel que je l'évoque dans l'analyse des documents 7, 9 et 13.
Document 13 (Confidentiel - publié en partie)

50. Télégramme daté du 13 mai 1994 émanant du Département d'État et destiné à la Mission Américaine aux Nations Unies. Il contient les instructions portant sur les discussions en cours au Conseil de Sécurité. Le gouvernement US s'oppose à l'envoi à Kigali d'une force d'intervention (MINUAR renforcée) pour la protection des réfugiés et l'assistance humanitaire, pendant que les hostilités font rage entre les deux belligérants en ville et autour de la ville. Le Département d'État affirme que le Gouvernement intérimaire n'exerce pas le contrôle ou le commandement sur les forces militaires indisciplinées et les milices. Les États-Unis recommandent plutôt la création de zones de sécurité aux frontières (?), la promotion d'un cessez-le-feu et le retour aux négociations d'Arusha. Les aides seraient stockés dans les pays limitrophes. C'est à la frontière avec le Burundi que serait établie la première zone, puis avec la Tanzanie et d'autres pays si nécessaires et si les ressources suffisent (!).

51. Ainsi, malgré les violences ethniques qui étaient en cours au Rwanda et les conséquences graves induites par la guerre ethnique menée par le FPR, la puissance qui contrôlait le Conseil de Sécurité, a donné instruction à son Représentant aux Nations Unies de s'opposer à une force internationale établie à Kigali pour protéger les réfugiés, les personnes menacées et pour assurer l'assistance humanitaire, sans parler de possibilité de force d'interposition pour mettre fin à ses horreurs! Ils prétendaient que c'est parce que la guerre faisait rage entre les deux parties et que le gouvernement intérimaire ne contrôlaient pas ses forces et les milices. Pourtant, ils ont consenti au maintien du petit contingent (270 hommes) de la MINUAR laissé sur place en avril. Pourquoi un plus grand contingent avec de plus gros moyen aurait-il plus des difficultés à défendre sa propre sécurité et à s'acquitter de sa mission? Pourquoi n'aurait-il pas pour mission prioritaire d'obtenir le cessez-le-feu pouvant faciliter les négociations politiques et rendre plus aisée l'assistance humanitaire? Les Américains préfèraient établir des zones de sécurité aux frontières et non à l'intérieur du pays. Et pourquoi d'abord à la frontière avec le Burundi? Les personnes non suffisamment informées de la situation ne verraient pas les manœuvres diaboliques qui se cachaient derrière ces propositions. Les observateurs avisés savent que, à la fin du mois d'avril, plus de 250.000 réfugiés avaient traversé la frontière Est du Rwanda et s'étaient installés en Tanzanie. D'autres milliers suivaient pour aller les rejoindre, poussés par les tueries massives du FPR qui avait conquis rapidement la région de l'Est du pays, à la reprise de la guerre. Malheureusement, le FPR avait fermé la frontière, le 29 avril 1994, pour les empêcher de fuir tout en continuant à les massacrer. Une dépêche de l'AFP est assez explicite là-dessus: «Le Haut Commissariat de l'ONU pour les réfugiés a accusé mardi les forces du Front Patriotique Rwandais (FPR, opposition armée, minorité tutsi) de continuer à massacrer et à torturer des civils au Rwanda, où au moins 200.000 personnes ont été tuées en six semaines de guerre tribale entre Tutsis et Hutus. Le HCR qui désignait ainsi pour la première fois l'une des parties, a fait état de tirs délibérés sur les réfugiés fuyant leur pays, de villageois rassemblés dans les écoles et mis en pièce à coup de machettes et de gens jetés vivants, pieds et poings liés, dans la rivière Akagera, à la frontière du Rwanda et de la Tanzanie, dans la région théâtre le mois dernier d'un exode sans précédent depuis un demi-siècle. En deux jours 250.000 Rwandais étaient passés en Tanzanie».

52. Il y avait bien sûr des réfugiés du côté du Burundi mais pas en aussi grand nombre. De plus, ils étaient moins exposés au danger étant donné que les troupes du FPR n'avaient pas encore atteint la région et que les violences ethniques y étaient moins généralisées. Les réfugiés et les personnes en danger grave et nécessitant une assistance humanitaire urgente se trouvaient donc à l'Est. Les instructions du Département d'État confirment que l'Administration Clinton poursuivait d'autres objectifs. En effet, la présence internationale importante à l'Est du Rwanda aurait gêné la marche victorieuse des troupes du FPR alors que sa présence au Sud ou ailleurs, aurait exposé la partie gouvernementale à plus de critiques et de pressions au profit du FPR. De plus, les Américains avaient l'intention de bloquer la fuite des forces gouvernementales et des miliciens accusés d'avoir massacré des Tutsi, ainsi que la majeure partie des leaders Hutu réfugiés au Sud et à l'Ouest, et qu'ils avaient l'intention de livrer au FPR victorieux, comme cela transparaît dans le Document 12. Le FPR pouvait donc procéder allègrement à l'extermination des Hutu dans les préfectures de Byumba et de Kibungo, à l'Est du pays, puisque les yeux du monde étaient détournés vers d'autres régions. Les informations alarmantes venues de l'Est n'ont pas reçu l'écho qu'elles méritaient et les accusations contre les exactions du FPR ont été jugées insensées et étouffées. Le rapport de M. Gersony qui en a fait officiellement état pour le compte du HCR est toujours caché dans les tiroirs des Nations Unies alors que des Hutu de la région sont considérés, à tort, comme responsables de ces massacres et comparaissent devant le TPIR ou les tribunaux du FPR. Pourtant les dirigeants de cette organisation politico-militaire qui ont pris le pouvoir à Kigali ne sont pas du tout inquiétés alors que les massacres de cette région de l'Est du Rwanda leur sont imputés.

53. A l'issue de longues et interminables consultations bloquées longtemps par les États-Unis, le Conseil de Sécurité adopta, le 17 mai 1994, une résolution établissant la MINUAR II. Mais la mise en œuvre de cette résolution allait être retardée par les conditions de déploiement de la MINUAR II imposées par les États-Unis, notamment: le consentement des deux parties au conflit (le FPR était, en principe contre); le déploiement par phase; des dépenses réduites.... Le premier contingent n'est arrivé qu'en septembre 1994, après la victoire militaire du FPR. Il est évident que les manœuvres dilatoires des États-Unis et leur parti pris évident, ont rendu possible l'intransigeance du FPR et sa détermination à refuser tout compromis avec le gouvernement intérimaire et les leaders Hutu. Ce sont pourtant ces derniers, avec l'ensemble de leur communauté, qui sont contraints seuls à payer, souvent de leur vie, les dégâts incalculables de la catastrophe qu'ils n'ont pas initiée!
Document 14 (Secret - Déclassifié)

54. Mémo d'action daté du 21 mai 1994, destiné au Secrétaire d'État Warren Christopher pour approbation. Il pose la question de savoir si le génocide a eu lieu au Rwanda. Le document émane de: Georges Moose, Secrétaire d'État adjoint chargé des Affaires Africaines; John Shattuk, Secrétaire d'État adjoint chargé de la Démocratie, des Droits de l'homme et du Travail; Douglas J. Bennet, Secrétaire d'État chargé des Organisations Internationales; Conrad K. Harper, Conseiller juridique du Département d'État.

55. Le document indique que le Département d'État devrait affirmer que certaines violences au Rwanda doivent être qualifiées comme «génocide» ou «actes de génocide» dans le sens de la Convention de 1948. Il affirme que de telles violences ont été commises contre les Tutsi. Les États-Unis doivent obtenir que cela soit dit et reconnu dans tous les forums internationaux, notamment au Conseil de Sécurité et à la Commission des Droits de l'homme devant tenir une session spéciale à Genève du 24 au 25 mai 1994 pour examiner la situation des droits de l'homme au Rwanda.

56. Il est important de noter que ce Mémo requérant le feu vert du Secrétaire d'Etat Warren Christopher pour que les États-Unis reconnaissent publiquement que des actes de génocide ont été commis au Rwanda contre les Tutsi porte la date du 21 mai 1994. En ce moment là, le FPR avait déjà conquis tout l'Est du Rwanda ainsi qu'une de grande partie de la région centrale, y compris de vastes quartiers de la capitale Kigali. De hauts Responsables Américains étaient déjà convaincus de la victoire militaire prochaine du FPR (Document 12). Le moment était donc opportun pour désigner le responsable du drame à faire accepter par la communauté internationale. Le choix de la réunion de la Commission des Nations Unies pour les droits de l'homme n'était pas fortuit. En effet, les activistes des droits de l'homme déjà acquis à la propagande de l'Ouganda et du FPR étaient admis à participer à de telles réunions. Les participants seraient donc moins exigeants en ce qui concerne les arguments nécessaires pour établir que des actes de génocide avaient été commis par les Hutu et leurs institutions contre les Tutsi. Après cela, il serait plus facile de le faire admettre par le Conseil de Sécurité.

57. Les Américains passent sous silence toutes les informations en leur possession sur les exactions commises contre les Hutu par les troupes du FPR et par des milices tutsi organisées par le FPR en brigades éparpillées dans tous le pays, et par des militaires du FPR infiltrés partout particulièrement dans la capitale (on parle de plus de 3000 infiltrés dans Kigali au 6 avril 1994!). Le parti pris de l'Administration Clinton va donc prendre une dimension internationale à l'occasion de la discussion sur les violences de 1994 à la Commission des droits de l'homme, puis, plus tard, au Conseil de Sécurité. Le document suivant (Document 15) donne plus de détail sur ce sujet.
Document 15

58. Ce document émane de M. Toby T. Gati, Secrétaire Adjoint chargé des renseignements et de la recherche, à Georges Moose et Conrad K. Harper. Il ne porte pas de date mais l'Éditeur indique qu'il aurait été signé vers le 18 mai 1994. Il porte sur la violation de la Convention de Genève de 1948 sur la prévention et la répression du crime de génocide. Le Document affirme qu'il y a des preuves circonstancielles que des Officiels du gouvernement rwandais et des militaires étaient impliqués dans des massacres systématiques et généralisés dirigés contre les Tutsi. Il indique que bien que le FPR reconnaît avoir visé des Hutu extrémistes qui auraient tué des Tutsi, les tueries du FPR seraient moindre que celle de la partie gouvernementale et ne sauraient être qualifiées de violation de la Convention. De plus, précise le document, les tueries du FPR se faisaient au cours des combats. Des organisations humanitaires ont avancé le chiffre de mort variant entre 200.000 et 500.000, mais le Document trouve que le dernier chiffre est exagéré et reconnaît qu'il n'y a pas de données à ce sujet. Le Document affirme que le FPR a protégé les Hutu dans les zones qu'elle occupait alors que des Tutsi continuaient à être tués dans la zone gouvernementale. Le gouvernement intérimaire n'aurait rien fait ou si peu pour arrêter les massacres, derrière ses lignes. Au contraire, «une campagne de nettoyage ethnique semble avoir été bien planifié et systématique». Des leaders Hutu auraient dressé des listes de Tutsi et de Hutu modérés à tuer mais rien ne permet de le confirmer. Le Document déclare enfin qu'il y a «des informations non confirmées selon lesquelles, ce sont les Hutu opposés aux Accords d'Arusha qui ont tué Habyarimana pour bloquer les accords et pour éliminer le FPR dominé par les Tutsi ainsi que ses sympathisants Hutu». Le Document insinue aussi que les Français auraient récupéré la boite noire de l'avion présidentiel!

59. Le présent Document doit avoir aussi été produit dans le cadre de la préparation de la session spéciale de la Commission des Nations Unies pour les droits de l'homme évoquée ci-avant dans le Document 14. Je voudrais, tout d'abord, déclarer qu'il me semble impossible qu'un Secrétaire chargé des renseignements soit aussi incorrectement informé sur la situation réelle régnant en ce moment au Rwanda, particulièrement du côté de la partie au conflit soutenue par les États-Unis. Personne, même les organismes de défense des droits de l'homme favorables au FPR ne peut raisonnablement soutenir que le FPR a protégé les Hutu. Contre qui les aurait-il protégés alors que c'est lui qui les massacrait? Ensuite, comment peut-on croire que le FPR se battait contre les civils Hutu non armés qui ont été ses victimes les plus nombreuses? Le Document semble être indulgent envers le FPR du fait qu'il a reconnu avoir exécuté sommairement des miliciens Hutu impliqués dans les massacres. Comment a-t-il pu établir cette participation puisqu'il n'y avait pas eu de jugement? N'a-t-on pas des raisons de croire que ces exécutions étaient plutôt systématiques contre tout Hutu considéré d'office comme milicien s'il ne combattait pas du côté du FPR? Le Document affirme par ailleurs que les tueries du FPR seraient moindres que celles imputées à la partie gouvernementale. Comment cela a-t-il été établi alors que l'auteur de ce Document reconnaît lui-même qu'il n'existe pas de données pour savoir le nombre exact de personnes tuées?

60. Il est clair que ce Document a pour objectif de charger les Hutu tout en justifiant les crimes commis par le FPR et ses partisans, y compris en recourant à la rétention de l'information, à la désinformation et au mensonge. Cela fait d'ailleurs partie des armes auxquelles les services de renseignements recourent souvent pour neutraliser ou liquider des personnes indésirables. Les leaders Hutu sont clairement visés et l'avenir va le prouver. Cette croisade contre eux va passer par la création d'un Etat-FPR; l'élimination physique des Hutu, par des massacres ininterrompus, de 1994 à aujourd'hui; par la culpabilisation collective de toute la communauté ethnique Hutu et la mise en place des tribunaux d'exception au niveau national (Chambres spéciales de Première instance, puis Tribunaux GACACA) et international (TPIR).

61. Le Document vise aussi à accréditer la thèse de l'assassinat du Président Habyarimana par les Hutu eux-mêmes sans effleurer l'idée que le FPR avait des raisons pour commettre l'attentat. Une telle information émanant d'un service chargé des renseignements est facilement crue par l'opinion publique qui ne cherche pas à retenir le fait qu'elle n'est pas confirmée. Le Document laisse aussi filtrer l'idée que les Français en sauraient plus sur l'assassinat en insinuant qu'ils auraient récupéré la boîte noire de l'avion du Président Habyarimana. Cela a donné place, plus tard, à des accusations mutuelles, mais aucun des deux pays concernés, les États-Unis et la France, n'a jamais voulu soutenir l'idée d'une enquête en bonne et due forme pour établir la vérité.
Document 16 (Secret - déclassifié)

62. Document d'analyse légale faite le 16 mai 1994 par le Conseiller juridique adjoint du Département d'État, Joan Donaghue. Il porte sur la définition du génocide. Le Document identifie trois éléments constitutifs du génocide selon la Convention de 1948. L'auteur ne doute pas que les actes de génocide prévu dans la Convention aient eu lieu au Rwanda. Il confirme l'analyse contenu dans le document précédent (Document 15). Il note que les chiffres ne sont pas déterminants pour l'analyse.

63. Le présent Document s'inscrit aussi sûrement dans le cadre de l'offensive de l'Administration américaine visant à neutraliser les leaders Hutu et à donner, au niveau diplomatique, une meilleure image à un FPR triomphant sur le plan militaire. L'avenir a montré que la stratégie mise en place par les Américains pour faire admettre un gouvernement mis en place par la force et sur le dos de millions de cadavres, a bien réussi. A l'issue de sa session spéciale, la Commission des droits de l'homme a demandé à son Président de nomme un Rapporteur spécial chargé d'enquêter sur la situation des droits de l'homme au Rwanda. C'est M. René Degni Segui qui a été nommé. Ce dernier a fait partie, avec Alison Desforges, Eric Gillet et un certain Jean Carbonare, de la Commission Internationale d'enquête sur les violations des droits de l'homme au Rwanda depuis 1990 et qui a publié son rapport en mars 1993. Ceux qui suivent les affaires du Rwanda depuis l'agression d'octobre 1990, se rappelleront dans quelles conditions ce rapport biaisé, partial et partiel, a été produit. Ils se souviendront que cette commission n'a séjourné que 2 heures seulement dans la zone du FPR après avoir fait plusieurs jours dans la zone gouvernementale. La Commission a reconnu n'avoir pas pu enquêter sur les violations commises par le FPR. Pourtant dans ses conclusions, elle n'a pas hésité à affirmer que les violences et les violations commises au Rwanda étaient dirigées contre les Tutsi et étaient imputables au Président, au Gouvernement et aux Hutu. Elle n'a pas osé parler des conséquences de l'agression initiée par l'Ouganda et le FPR. Elle a même oublié délibérément (!) de condamner les violences inouïes consécutives à l'offensive meurtrière menée par le FPR le 8 février 1993, offensive au cours de laquelle le FPR s'est rendu coupable d'actes de génocide reconnus même par les organismes nationaux de défense des droits de l'homme pro-FPR. Le Rapporteur spécial, René Dégni Segui, fort de cet a priori, ne pouvait produire un rapport moins partial. En effet, il a suivi la même approche que le Document produit par le Conseiller juridique du Département d'État américain avec pour toile de fond la position partisane adoptée par la commission d'enquête de 1993. C'est ainsi que dans son rapport préliminaire du 28 juin 1994, il incrimine les Hutu, a priori, et minimise les crimes du FPR sur lesquels, encore une fois, il reconnaît n'avoir pas pu enquêter! Et pour couronner le tout, il insinue que ce sont les Hutu extrémistes proches de la famille Habyarimana, qui aurait assassiné ce dernier pour pouvoir exterminer les Tutsi et conserver le pouvoir. C'est exactement la thèse de l'Administration Clinton.
Conclusion

64. En conclusion de la présente analyse des documents déclassifiés par le gouvernement américain et publiés le 20 août 2001 par William Ferroggiaro du National Security Archive, les observations suivantes peuvent être émises:

* Les documents déclassifiés constituent une portion congrue face à la masse d'informations que possèdent les Services Américains sur le drame rwandais. Ils permettent cependant d'avoir la confirmation que les Américains ont délibérément refusé d'intervenir et se sont opposés catégoriquement à toute intervention pour prévenir ou arrêter la catastrophe alors qu'ils étaient les mieux placés pour le faire. Il est regrettable de constater que ces documents ne permettent pas de savoir avec certitude les raisons réelles qui ont poussé les Américains à veiller à ce que la catastrophe ait lieu et que personne ne puisse l'arrêter. Les informations encore sous le sceau du secret ou de la confidentialité permettront peut-être, un jour, si elles sont mises à la disposition du public, de confirmer mon analyse à ce sujet, à savoir que l'Administration Clinton voulait, à tout prix, que le FPR prenne le pouvoir à Kigali parce qu'il pouvait, selon elle, mieux répondre aux intérêts américains dans cette sous-région de l'Afrique centrale et de l'Est. Contrairement à M. Ferroggiaro, je suis persuadé qu'il n'y avait vraiment pas de véritables contradictions au sein de l'Administration Clinton sur l'attitude à adopter dans la crise rwandaise. Il n'y a eu que des discussions destinées à masquer les manœuvres dilatoires concoctées par les hauts fonctionnaires du Département d'État (y compris la Mission US aux Nations Unies sous la direction de Mme Madeleine Albright, défenseur acharnée du FPR) et du Conseil National de Sécurité, en vue d'empêcher toute intervention au Rwanda, d'où qu'elle vienne, avant la victoire militaire du FPR.

* L'interprétation que M. Ferrogiaro fait des documents déclassifiés reflète la tendance déjà dépassée qui voulait que le drame rwandais ait été une machination diabolique des leaders Hutu et de leurs institutions, pour exterminer les Tutsi. Les documents déclassifiés ne confirment pas cette thèse, au contraire. En effet, lorsque l'on analyse ces documents avec la méthode comparative, et en conjonction avec d'autres informations disponibles sur le drame, on constate qu'il n'y a aucune preuve montrant que les leaders Hutu et leurs institutions, notamment le Gouvernement intérimaire, les partis politiques, les Forces Armées, ont été à l'origine du drame. Par contre, des documents existent, à l'ONU, qui prouvent que les leaders Hutu ont fait beaucoup de concessions en vue de partager le pouvoir avec le FPR mais que ce qu'ils n'admettaient pas c'était sa volonté de contrôler seul ce pouvoir, en dépit d'un poids politique faible et en l'absence d'une base socio-populaire correspondant à ses ambitions. Ils ont lancé des alarmes et des appels en direction de la communauté internationale pour l'inciter à prévenir ou arrêter la catastrophe, mais personne n'a voulu les écouter. Durant les négociations d'Arusha, ils ont proposé une force d'interposition assez forte, mais les États-Unis et le FPR s'y sont opposés. Après l'assassinat du Président Habyarimana, le Gouvernement intérimaire, s'est opposé à la réduction de la MINUAR et a, au contraire, suggéré le renforcement de son mandat et de ses effectifs pour en faire une force d'interposition capable d'imposer le cessez-le-feu aux parties en conflit en vue des négociations politiques. Le FPR et les Américains ont rejeté cette proposition. Ils ont refusé tout contact avec le Gouvernement intérimaire même pour négocier les modalités de retour aux Accords d'Arusha.

* Il existe toujours un groupe de gens décidés à cacher la vérité sur le drame rwandais et même à s'opposer, par tous les moyens, à ce qu'elle soit découverte. La désinformation permanente est leur arme préférée. Prenons, par exemple, le secret sur les auteurs de l'assassinat du Président Habyarimana. M. René Degni Segui, Rapporteur spécial des droits de l'homme pour le Rwanda, a été le premier a élaborer la thèse de l'assassinat du Président Habyarimana par ceux qu'il a appelés ''extrémistes Hutu'', désireux de conserver le pouvoir en exterminant l'ethnie tutsi. Depuis, toute une masse d'informations mettant en cause cette thèse farfelue, ont été publiées. Les meilleurs témoignages sur l'assassinat de Habyarimana par le FPR ont été donnés par d'anciens compagnons de Paul Kagame, entre autres, Théoneste Lizinde, qui fut Colonel dans l'Armée du FPR et Député du FPR; Seth Sendashonga, qui était ministre de l'intérieur du gouvernement FPR; Jean Pierre Mugabe, journaliste, ancien membre des Services de renseignements du FPR; plusieurs autres compagnons d'armes de l'actuel Président du Rwanda, y compris, des militaires de l'armée du FPR qui ont participé à la préparation et à l'exécution de l'attentat du 6 avril 1994. La publication, le 20 août 2001, de documents dont certains ont été déclassifiés en 1995, avec des commentaires tendancieux qui ne tiennent pas compte des informations disponibles actuellement et qui mettent en cause les dogmes du début, procède, à mon avis, de cet exercice de désinformation permanente visant à occulter la vérité. Les lecteurs devraient faire leur propre appréciation en tenant en considération les renseignements disponibles, sans se laisser guider par les idées reçues qui ont enterré la vérité et dont les auteurs ne supportent pas de la voir ressusciter.

* Ce n'est pas seulement l'Administration américaine qui détient les secrets sur le drame rwandais. D'autres États et institutions possèdent des informations qui seraient utiles pour la connaissance de la vérité. Mais peu, d'entre eux, sont disposés à partager leurs secrets avec le public, y compris, curieusement, les Nations Unies qui ont pourtant créé un Tribunal international pour rendre justice! Qui a intérêt à ce que la vérité reste à jamais enfouie dans les têtes des gens qui savent, ou dans les archives de certains États ou organismes? La réponse ne relève pas du secret. Seuls ceux qui ont été à l'origine de l'abominable drame et qui mettent leurs crimes sur le dos des autres ne veulent pas que toute la vérité soit connue. Ils ont réussi à imposer leurs vues au Tribunal des Nations Unies grâce à l'influence de leurs puissants sponsors. Le TPIR qui est la création de ces derniers, s'est avéré être leur instrument privilégié pour occulter la vérité! Ses juges se contentent de suivre la stratégie d'accusation du Procureur basée sur des informations fournies par les Américains ou par le Gouvernement de Kigali et ses alliés. Les thèses de ces derniers ont été ébranlées par les révélations de Jean Pierre Mugabe et d'autres anciens membres du FPR ainsi que par des révélations émanant des étrangers comme Steven Edwards du National Post. La publication maintenant des documents américains déclassifiés depuis 1995 et qui ramènent sur le tapis leurs théories dépassées concernant la culpabilisation collective et exclusive de la communauté ethnique Hutu, vise à donner un second souffle à leur système de désinformation battu en brèche. Le Gouvernement rwandais et le Tribunal Pénal International pour le Rwanda qui basent leurs accusations contre les Hutu sur ces dogmes anciens trouvent leur compte dans la publication sélective et opportuniste des documents d'archives des Services américains impliqués dans le drame rwandais.