Couronne belge mise en discrédit

 

La visite officielle de Paul Kagame (Président du Rwanda légitimé par Louis Michel, ministre des affaires étrangères belges) au Roi Albert II met en péril la position neutre de la monarchie belge. Trop obsédé par sa volonté de jouer un rôle prépondérant dans la résolution des conflits en Afrique Centrale, le chef de la diplomatie belge, n'est plus capable de juger de l'opportunité de la visite de ce personnage douteux. En 2001 les services du palais ne lui avaient donné accès qu'à un petit bureau, par la porte de la cuisine. Aujourd'hui, ils ont déroulé le tapis rouge. Pourtant, les soupçons qui pesaient sur l'homme fort de l'Afrique Centrale n'ont fait qu'amplifier. Le journaliste Charles Onana, dans son livre "Les secrets du génocide rwandais", avait accusé Kagamé d'être le commanditaire de l'attentat contre l'avion du président Habyarimana. Devant les preuves manifestement accablantes que le journaliste présentait au tribunal de Paris, le bureau d'avocats de Kagame a jugé sage de retirer la plainte en diffamation contre lui. Tous ceux qui suivent l'évolution de la région savent que la sortie du rapport du juge français Bruguière était imminente. Nul ne pouvait douter de la teneur de son contenu. Que s'est-il passé à la rue des petites Carmes ? Pourquoi affaires étrangères ont-elles tenue à cette visite compromettante ? Est-ce une défaillance de l'administration ? Un bouc émissaire facile. Nous avons déjà vu cette attitude chez les ministres précédents Eyskens et Claes. Il y a cependant peu de doute que l'administration diplomatique n'ait pas averti le ministre de la situation délicate que pouvait engendrer la visite de ce chef de guerre au moment ou le dit rapport pouvait sortir. Louis Michel a la réputation d'ignorer les conseils de ses diplomates et de n'agir qu'à sa guise, la preuve en est faite. Le cabinet ministériel s'est transformé en salle d'attente. C'est un va-et-vient de spécialistes de l'Afrique. A croire qu'un bureau d'intérimaire se charge du recrutement. On se rappelle que le conseillé de Louis Michel pour l'Afrique s'est porté malade en été 2002 après avoir été soupçonné d'une fuite de documents confidentiels. Depuis, ce pauvre homme, dont le penchant pour le Front Patriotique Rwandais n'était un secret pour personne, ne s'est pas encore remis de ses émotions. Son bureau, lui reste réservé au cabinet, mais ses tâches sont réparties entre des personnes manquant de l'expérience africaine. Deux institutions notoires ont pour mission d'informer le ministre : la sécurité de l'Etat (pour les agissements à l'intérieur du pays) et la sécurité de l'armée (pour la situation dans les pays tiers). Le parlement belge vient d'augmenter le pouvoir de ces deux services secrets et leur a alloué des budgets supplémentaires. Ces services sont connus, tous les deux pour leur dévouement à la monarchie belge! Est-il concevable de suggérer que ces institutions n'aient pas mis en garde face à une situation qui pouvait devenir embarrassante pour leur souverain ? Est-il permis de douter de leur compétence ? La sûreté de l'armée qui se prétend l'expert mondial pour l'Afrique des Grands Lacs, n'a-t-elle pas été consultée par le juge d'instruction français ? L'information concernant ce dossier qui se finalisait n'a-t-elle pas été transmise ? Etait-ce délibérément ou simplement par ignorance ? Autre hypothèse, ses institutions seraient-elles infiltrées par des "hommes" et des "femmes" de Kagame ? Un audit interne s'imposerait-il ? Une gaffe diplomatique s'est déroulée aujourd'hui devant nos yeux. Le ministre des affaires étrangères s'est joué, consciemment ou inconsciemment, de l'image du roi pour se profiler en Afrique. C'est au parlement d'en déterminer les responsabilités politiques. Mais quel parlement ? Celui qui n'a plus rien en vue que les élections régionales et européennes du 13 juin 2004 ? Aujourd'hui nous nous sentons abusé comme l'exprime Roger Huisman dans son éditorial du "Belang van Limburg" : "C'est un scandale, pour la Belgique, de dérouler le tapis rouge pour un seigneur de guerre qui a tant de sang sur les mains.

" Buzet, 11 mars 2004, Christiaan DE BEULE