JOURNALISME : PAS DE LECON A RECEVOIR DU « PREDATEUR DE LA PRESSE » PAUL KAGAME http://www.afriqueeducation.com/sommaire/article.php?id=231

Du haut de ses deux mètres, Paul Kagamé s’est offert la tribune de l’IPI (Institut international de la presse), à l’ouverture de son congrès mondial annuel tenu à Nairobi au Kenya, du 22 au 24 mai 2005, pour demander aux médias présents « de ne pas être négatifs » sur l’Afrique.

« L’Afrique n’est pas un assemblage de groupes primitifs, de brutes sauvages prêtes à s’entretuer quand elles en ont l’occasion ». « Les gens, en Afrique, sont des gens réels, qui vivent des vies réelles ». C’est pourquoi, « Face à la pauvreté qui affaiblit, à l’analphabétisme, aux attaques contre les droits de l’homme, à la dégradation de l’environnement et au terrorisme international, je vous demande de jouer votre rôle, pas seulement de chiens de garde ou de tireurs de sonnette d’alarme, mais d’avocats et d’éducateurs dans notre projet commun d’améliorer l’Afrique et le reste du monde ».

 Chiche ! Paul Kagame se moque-t-il des 350 journalistes de 50 pays qui l’ont écouté ? Car ce n’est pas un petit éditorial que je devrais lui consacrer mais tout un livre. D’abord, je le trouve très courageux pour ne pas dire gonflé de se présenter, ainsi, devant un parterre de distingués confrères pour leur donner des leçons de morale journalistique. Car il est l’un des principaux fossoyeurs de notre continent et je m’en explique. Non content d’avoir fait tirer le missile sur le falcon 50 du président Juvénal Habyarimana, acte suprêmement terroriste, qui, en réalité, a fait déclencher des massacres en série ayant conduit au génocide, Paul Kagame ne s’estime pas heureux que la communauté internationale à commencer par les Nations-Unies, ferme les yeux sur cet acte qui devrait le conduire devant le TPI.

Comme si ce qu’il a fait au Rwanda ne suffisait pas, il s’entête à vouloir à tout prix déstabiliser la RDC voisine. Invitée le 12 mai dernier à déposer devant la sous-commission du Sénat sur la situation qui prévaut en RDC, la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice a confirmé que le Rwanda et l’Ouganda n’avaient pas encore cessé de déstabiliser la RDC : « Comme vous le savez, a-t-elle déclaré à la sous-commission, des forces extérieures s’emploient à déstabiliser la RDC. Et donc, nous essayons d’amener les Rwandais, les Ougandais et d’autres à bien savoir où se trouvent leurs armées et à s’abstenir d’intervenir en RDC, à ne pas soutenir le RCD-Goma et les milices qui fomentent des troubles au Congo » Et Condi Rice de préciser : « Notre rôle a consisté à réellement essayer de faire face à ce problème ». A ma connaissance, Condoleezza Rice qui tient ce discours, n’a pas encore été nommée chef de la diplomatie française pour que Kagame la suspecte de parti pris. Secrétaire d’Etat des Etats-Unis d’Amérique, elle sait de quoi elle parle, les Etats-Unis étant la super-puissance qui a aidé Kagame et l’Ougandais Museveni à (proprement) déstabiliser toute la région des Grands Lacs pour y prendre pied. Mission réussie à 100%.

Mais il n’y a pas que les relations d’Etat à Etat où Kagame met le désordre. Dans son propre pays, il est une sorte de terreur. Les Rwandais ont peur de s’exprimer à cause des représailles. Ou on se tait ou on prend la route de l’exil. Avec lui, le choix est simple. Les exemples ne manquent pas, à commencer par celui de Pasteur Bizumungu, ancien président de la République, qui se trouve aujourd’hui en résidence surveillée pour la simple raison qu’après avoir quitté le FPR pour dissension idéologique, il a tenté de créer son propre parti politique. Mécontent, Kagame l’a fait arrêter.

 Considéré comme un « prédateur de la presse » par l’organisation française des journalistes, Reporters sans frontières (RSF), Paul Kagame, à la tribune de l’IPI, n’a pas osé parler des deux journalistes Dominique Makeli et Tatiana Mukakibibi que son régime a fait mettre au trou au lendemain de l’arrivée de l’APR au pouvoir. Chroniqueur à Radio Rwanda, Dominique Makeli est détenu depuis le 18 septembre 1994 parce que le procureur de Kigali l’accuse d’avoir « incité au génocide dans ses reportages ». Transféré à plusieurs reprises, il est aujourd’hui détenu à la Prison centrale de Kigali (PCK). Quant à Tatiana Mukakibibi, elle était animatrice et productrice de programmes à Radio Rwanda. Détenue depuis le 2 octobre 1996 après une interpellation à Ntenyo (Gitarama), elle est aussitôt conduite au cachot communal où elle est toujours détenue dans des conditions abominables. Officiellement accusée d’avoir tué un Tutsi, elle nie les faits et affirme que c’est un coup monté pour essayer de faire arrêter André Sibomana. Prêtre catholique de son état, ce dernier envoyait des rapports aux organisations internationales pour dénoncer les exactions commises par des Tutsi en représailles des massacres d’avril 1994.

Autre journaliste dans le collimateur de Kagame : Charles Kabonero, directeur d’Umuseso, seul hebdomadaire d’opposition du pays, a un pied en prison, un pied dehors, pour avoir écrit dans l’édition du 1er au 7 août 2004, un article intitulé « Qui gouverne réellement au Rwanda » ? Se sentant visé par l’article, Denis Polisi, le tout puissant vice-président de l’Assemblée nationale et secrétaire général du FPR, a attaqué Kabonero pour « divisionnisme, diffamation et atteinte à la dignité d’une personnalité publique ». Après une condamnation en 1ère instance, la Cour d’Appel dans un arrêt du 22 mars 2005 venait de lui infliger une peine d’un an de prison avec sursis et 1 million de francs rwandais (1.400 euros) d’amende et 55.000 francs rwandais (80 euros) de frais de justice, ce qui est énorme. L’hebdo Umuseso a connu trois directeurs en l’espace de deux ans, et ses journalistes sont sans cesse traqués par les sbires du régime. Agé seulement de 29 ans, Charles Kabonero fait l’objet de beaucoup d’inquiétudes à RSF où on se demande s’il va réellement s’en sortir. C’est donc dire que le Rwanda étant un pays où on étouffe littéralement, Paul Kagame est très mal placé pour donner des conseils aux journalistes