Polémique autour du livre de Pierre Péan

 

Une lettre de Pierre Péan

LE MONDE | 12.01.06 | 14h15  •  Mis à jour le 12.01.06 | 14h15
A la suite de notre double page Débats intitulée "Retour sur un génocide africain" (Le Monde du 9 décembre 2005), nous avons reçu de Pierre Péan la mise au point suivante :

 

Le Monde a consacré deux pages à mon livre Noires fureurs, Blancs menteurs qui me mettent une nouvelle fois en cause. Je ne répondrai ici qu'aux erreurs et accusations relevées dans les contributions de Colette Braeckman et de Claudine Vidal. J'ai préféré laisser les lecteurs du Monde réagir seuls aux imprécations de Jean-Pierre Chrétien dans "Le pamphlet d'africanisme colonial".

 
1. A la contribution de Colette Braeckman intitulée "Rwanda, l'enquête inachevée" :

— Colette Braeckman m'accuse d'avoir occulté la spécificité du génocide rwandais. Or mon livre a pour principal objectif de démontrer que les auteurs de l'attentat contre l'avion de Juvénal Habyarimana portent une lourde responsabilité dans le déclenchement du génocide, qui a bien eu lieu ;

— Colette Braeckman m'accuse ensuite d'avoir "occulté le soutien militaire apporté par la France aux militaires et miliciens auteurs du génocide". Cette simple phrase résume les manipulations qui ont conduit à mettre la France au banc des accusés. Je n'ai pas occulté que la France a soutenu les militaires des FAR dont certains ont probablement participé au génocide à une époque où les militaires français n'étaient plus au Rwanda. En revanche, j'ai effectivement nié que la France ait soutenu des miliciens auteurs du génocide, tout simplement parce que c'est faux. J'ai amplement démontré dans mon livre que ces accusations sont sans fondement, comme l'avait déjà dit, en d'autres termes, la Mission parlementaire d'information sur le Rwanda dirigée par Paul Quilès ;

— Colette Braeckman écrit que j'ai cherché "la vérité dans les tiroirs de l'Elysée au lieu de me rendre sur le terrain". Onze ans après les faits, j'ai estimé en effet que j'avais plus de chance d'approcher la vérité en exploitant de nombreux documents officiels français de multiples provenances, présidence de la République, ministère des affaires étrangères, ministère de la défense, Mission parlementaire d'information... en consultant les nombreuses sources écrites et en rencontrant une centaine de témoins rwandais (pour bon nombre exilés en Europe), français et belges, plutôt que d'aller dans un pays dictatorial où le faux témoignage est le moyen d'expression privilégié.

Colette Braeckman s'en prend également à la "méthode de Péan", qu'elle définit comme une accumulation d'"attaques personnelles recopiées au départ de fiches de renseignement". J'ai passé beaucoup de temps à enquêter sur le lobby pro-FPR qui, en Belgique et en France, a relayé les attaques de Paul Kagamé contre la France et l'ai qualifié de "Blancs menteurs". Je n'ai pas eu de fiches de renseignement entre les mains. J'ai d'ailleurs été surpris en consultant de nombreux documents officiels que les décisionnaires français n'aient pas pris la mesure de l'ampleur de la guerre de désinformation qui était menée contre la France. Estimant probablement que la description qu'elle faisait de "méthode de Péan" ne faisait pas mouche, Colette Braeckman ajoutait que celle-ci "insulte les victimes". Je ne vois pas en quoi la recherche de la vérité peut insulter les victimes ;

2. A l'article de Claudine Vidal, intitulé "Un livre important et contestable".

Pour discréditer mon livre, Claudine Vidal affirme dès sa première phrase qu'il "fourmille d'erreurs, d'approximations". Pour illustrer son propos, elle donne deux exemples. Dans le premier, elle me fait dire que la mission parlementaire française a "oublié" de s'intéresser à l'attentat du 6 avril 1994, alors que j'écris que les quatre enquêtes et missions (mission Quilès, rapport du Sénat belge, enquêtes de l'OUA et de l'ONU) "ne se sont pas intéressé(e)s de près à l'élément déclencheur des tueries" (page 238). Plus grave, Claudine Vidal parle de ma pratique des "amalgames insensés", et pour donner du poids à cette grave accusation elle affirme que j'associe Alison Des Forges (une historienne américaine) au "cabinet noir du FPR". Association qu'elle qualifie non seulement "d'amalgame insensé", mais aussi d'"énorme contresens !". Je ne vois qu'un seul passage dans mon livre à partir duquel la chercheuse du CNRS a pu fabriquer une telle attaque. Page 376, j'ai effectivement cité Alison Des Forges à propos du documentaire de Raphaël Glucksman, Raphaël Hazan et Pierre Mezerette, intitulé Tuez-les tous ! J'écris : "Son montage, le choix des témoins illustrent parfaitement le travail mené par le "cabinet noir" du FPR et ses honorables correspondants en France, qui a jusqu'à maintenant porté ses fruits". Et j'enchaîne : "Il (le documentaire) met en valeur les tenants de la version Survie — Chrétien, Alison Des Forges, Saint-Exupéry, Gérard Prunier, Kouchner... — et dénigre ceux qui, comme Alain Juppé, essaient de faire entendre une autre voix." Mme Vidal a tout simplement contracté et fait un amalgame entre deux phrases, qui laisse penser que dans ce documentaire, les tenants de la version "Survie" constitueraient le "cabinet noir du FPR", ce que je n'ai jamais écrit. D'ailleurs, page 354 de mon livre, je signale que dès octobre 1994, Alison Des Forges prend ses distances avec le FPR.

Cette lecture trop rapide permet ainsi à Claudine Vidal d'affirmer dans sa première phrase que le "livre de Pierre Péan sur le Rwanda fourmille d'erreurs, d'approximations".

Article paru dans l'édition du 13.01.06

Polémique autour du livre de Pierre Péan

"Noires fureurs, blancs menteurs", le dernier livre de Pierre Péan, suscite plusieurs controverses

Sur le fond, il lui a été reproché  de "tendre à relativiser le génocide des Tutsis en 1994" ("Libération", mardi 29 novembre) et de réhabiliter le rôle de la France pour mieux pourfendre l'actuel président rwandais, Paul Kagame.
De son côté, la Société des Journalistes (SDJ) de Radio France International reproche à l'écrivain d'avoir "gravement mis en cause" quatre journalistes de RFI  pour leur couverture de la guerre civile au Rwanda.

Conséquence : RFI a déprogrammé dimanche "Géopolitiques, les cartes du monde", qui devait recevoir Pierre  Péan. La SDJ avait protesté vendredi contre le  contenu de cette émission, après avoir pris connaissance de l'enregistrement. Elle s'était aussi étonnée que le journaliste-animateur de l'émission, Richard  Labévière reprenne à son compte les thèses de Pierre Péan , sans le contredire.  Une accusation réfutée par Richard Labévière, qui nie toute "complaisance"  vis-à-vis de son interlocuteur dans cette interview. On ignore encore si l'émission sera ou non reprogrammée.
Anne BRIGAUDEAU
Publié le 09/12 à 08:04
Génocide rwandais: Pierre Péan défend Paris
 

La thèse de Pierre Péan dans "Noires fureurs, blancs menteurs" ? Réhabiliter le rôle de la France et, surtout, dénoncer l'attitude de Paul Kagame, l'actuel président -Tutsi- du Rwanda.

Pierre Péan s'en est récemment expliqué à l'AFP : "La France est le seul pays qui a tenté de faire quelque chose et  c'est le seul qui se retrouve accusé. La politique de François Mitterrand de  1990 à 1993 n'a pas consisté, comme on le dit, à soutenir le régime hutu de  Juvénal Habyarimana mais à essayer de séparer les communautés hutues et  tutsies". L'opération Turquoise, "quoique décidée tardivement", a été "une opération  véritablement humanitaire. La France n'a pas à rougir de son action".

Selon Pierre Péan, l'attentat du 6 avril 1994 contre le président Habyarimana (qui a déclenché  le massacre de la minorité tutsie par les Hutus au pouvoir, causant la mort  d'environ 800.000 personnes, Tutsis et Hutus) a été  commis par "des mercenaires à la solde du FPR" (Front patriotique rwandais,  tutsi) de Paul Kagame. Pour l'affirmer, Péan s'appuie notamment sur l'enquête du juge Jean-Louis Bruguière "qui s'apprête à clore  son instruction".

"Le FPR était prêt à tout pour conquérir le pouvoir à Kigali, y compris à  sacrifier Hutus et Tutsis", affirme Péan . Pour lui, ce génocide s'inscrit  "dans une guerre civile et régionale ignorée, plus meurtrière encore, voulue  depuis 1990". Il regrette que l'histoire se soit figée "dans une version voulue et imposée  par le vainqueur: Paul Kagame", très critique contre la France.

"J'essaye de montrer, poursuit-il, que les gens de Kagame ont été  diaboliquement forts en menant une guerre moderne: d'abord faire parler les  armes puis lancer une extraordinaire campagne de désinformation". "Leur cynisme  est hallucinant", juge-t-il en relevant que "la plupart des attentats attribués  aux extrémistes hutus entre 1990 et 1994 ont été en réalité l'oeuvre du FPR".

Dans ces conditions, comment expliquer que la France ait donné l'impression  de répondre si "faiblement" à ceux qui l'ont accusée de soutenir les  "génocidaires"? "D'abord, estime Pierre Péan, le mot 'génocide' bloque tout le monde, par  crainte d'être traité de 'révisionniste' ou "négationniste". Mais l'explication  principale vient sans doute de la cohabitation: en 1994, Mitterrand est  affaibli, Balladur (alors Premier ministre) ne veut pas se mouiller. Personne ne  sait ou ne veut gérer la communication. Après 95, les accusations contre la  France s'amplifient mais Chirac ne veut prendre la défense ni de Mitterrand ni  de Balladur".

"Paul Kagame et tous les blancs menteurs qui l'ont soutenu ont du souci à se  faire. Vient le temps où toutes les manipulations (...) seront mises au jour.  Kagame et son entourage apparaîtront alors pour ce qu'ils sont, des criminels de  guerre doublés de chefs mafieux (...) qui ont déstabilisé pour longtemps  l'Afrique centrale et asservi leur propre peuple",
conclut-il dans le livre.

C'est le 25e ouvrage de Pierre Péan , après, notamment,  "Affaires  africaines" (1983), "Une jeunesse française" (sur François Mitterrand, 1994) et "La face cachée du Monde"  (2003, en collaboration avec Philippe Cohen).

("Noires fureurs, blancs menteurs/Rwanda 1990-1994", éditions Mille et une nuits,  544 pages, 22 euros).

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Helmut Strizek 
Berlin,  le 31 décembre 2005 

RÉPONSE à FRANÇOIS SOUDAN 

Avant-propos 

François Soudan a écrit dans Jeune Afrique/L’Intelligent (JAI, N° 2343/4 au 10 décembre 2005, p. 68-72) un article intitulé „Le scandale Péan“ à propos du livre : PÉAN, Pierre. 2005. Noires fureurs, blancs menteurs: Rwanda 1990 - 1994. Paris: Editions des Mille et Une Nuits (Groupe Fayard). ISBN 2-842-05629-8; 544 p. 

Vu le fait que François Soudan peut passer pour un des « blancs » connaissant bien la politique africaine en général et de la France en particulier et prenant en compte l’influence de cet hebdomadaire en Afrique « francophone »l’article de François Soudan mérite bien une réponse. Pour un homme de sa qualité, il est assez étonnant, au lieu d’informer ses lecteurs sur le contenu du livre de cracher une diatribe qui cache mal son inquiétude vis-à-vis des faits relatés par Péan et d’autres auteurs qui – liste non exhaustive à la fin - ont contribué à l’établissement des faits sur le drame rwandais. 

Le cadre 

Étant lecteur régulier de JAI depuis une trentaine d’années, j’ai une certaine idée des contraintes qui influencent F. Soudan quand il écrit sur le Rwanda actuellement. En 1994 on pouvait encore lire de la plume de Géraldine Faes les phrases éclairantes comme : « Les rebelles, de leur côté, mènent à partir de l'Ouganda une lutte à la fois militaire et politique. Ils comprennent, immédiatement, l'importance de l'opinion publique internationale et des médias. Jouant sur la méconnaissance occidentale du Rwanda, ils noircissent à souhait l'image déjà très altérée du président Habyarimana et parviennent - grâce aux relais de la diaspora tutsie - à imposer une image d'eux-mêmes sensiblement idéalisée: mouvement respectueux des droits de l'homme, combattant avec abnégation un régime pourri pour le remplacer par une démocratie fondée sur l'entente entre les régions et la justice sociale. » (JA, N°1753/54 du 11.8.1994, p. 20) Ou encore: «A l'évidence, les chefs du mouvement rebelle ont pris la décision d'attaquer parce qu'ils craignent de perdre à brève échéance, les deux fondements de la légitimité de leur action: lutte contre la dictature et droit de retour au pays.(...) Si l'offensive se solde par un échec, elle radicalise considérablement les positions des différents protagonistes de la scène politique rwandaise. » (JA, N° 1751 du 28.7.1994, p.14). Grosso modo depuis le départ de Géraldine – elle a d’ailleurs, édité le livre d’Abdul Ruzibiza en 2005- JAI suit la « lecture officielle » de l’arrière-fond de la tragédie rwandaise. Cela s’explique probablement par les intérêts Béchir Ben Yahmed, le « grand patron » de JAI. Il est expert des questions de l’Afrique du Nord et suit étonnamment bien les péripéties de la politique américaine avec une sorte d’admiration pour les Clinton. L’Afrique subsaharienne a été confiée pendant longtemps au guinéen Siradou Diallo et depuis un certain temps à François Soudan. Celui-ci doit, cependant, suivre les directives du chef quand ses amis américains souhaitent une certaine interprétation des faits. Quand le ministre des affaires étrangères Warren Christopher était encore en vogue JA a eu même le mérite de faire traduire un discours prononcé par lui le 10 octobre 1996 à Adis Ababa faisant les louanges de la démocratie et condamnant le putsch II de Pierre Buyoya du 25 juillet 1996. Avec l’apparition de Madeleine Albright sur l’avant-scène vers la fin de l’année 1996 la chanson a changé à Washington et la bande de dictateurs militaires, baptisés « nouvelle génération de leaders africains », a reçu la bénédiction de Clinton – et de Béchir Ben Yahmed. 

La condamnation de Péan et des autres « révisionnistes » détectés par François Soudan laisse néanmoins l’impression qu’il éprouve un grand malaise de poursuivre la „lecture officielle“ béatifiée depuis la création du Tribunal à Arusha. En principe JAI ne devrait pas être content de Kagamé qui s’est joint à la « coalition of the willing » en Iraq tandis que Ben Yahmed condamne cette politique du parti républicain américain. Mais sous l’influence des Clinton qui ont un grand intérêt au maintien de la « lecture officielle », JAI s’avère fidèle à « la thèse de la planification ». 

Concernant la méthode de F. Soudan on peut constater qu’il utilise une astuce bien connue quand il manque d’arguments: Il dit que tout cela est connu depuis longtemps, pour suggérer que ces arguments n’ont pas de valeur parce que la communauté internationale ne les a pas pris en considération. 

Qu’est-ce que François Soudan reproche à Pierre Péan et alii ? 

F. Soudan nous donne une indication sur ses reproches fondamentaux dans les titres des différentes parties de l’article : - Réhabiliter la France et son armée 
              - Absoudre Habyarimana et ses proch es 
              - Diaboliser les Tutsis 
              - En finir avec Kagamé 
              - Minimiser le génocide
              - Dénoncer les « blancs menteurs »

 Suivons cet ordre.

 Réhabilitation de la France et de son armée ?

 Si jamais F. Soudan est d’avis que les détracteurs de la France comme Patrick de Saint-Exupéry, Jean Carbonare, Pascal Krop, François-Xavier Verschave, Jean-Pierre Chrétien et - dans un moindre degré - Claudine Vidal et André Guichaoua ont raison d’accuser François Mitterrand et l’armée française d’avoir contribué délibérément à préparer un génocide, il est obligé de critiquer Pierre Péan puisque celui-ci démontre qu’une telle analyse de la politique française au Rwanda à partir du lancement de l’opération Noroît en 1990 ne tient pas debout. Sans vraiment se baser sur le livre de Bernard Lugan « François Mitterrand, l'armée française et le Rwanda » Péan arrive après une analyse méticuleuse à la même conclusion que ce professeur politiquement si éloigné de lui : On peut critiquer l’engagement français au Rwanda - et encore davantage le désengagement précipité en décembre 1993 par le gouvernement Balladur - , mais on ne peut en aucun cas reprocher à l’armée française d’avoir eu l’intention de favoriser un génocide et encore moins d’être impliquée dans son exécution. Tous les deux ne prennent pas – selon moi – assez en considération la décision néfaste du gouvernement Balladur de ne pas utiliser son droit de veto au Conseil de Sécurité le 21 avril 1994 par laquelle de fait et en connaissance de cause les Nations Unies ont sacrifié sous la pression de l’administration Clinton et – entre autres - de Lady Chalker, à l’époque ministre britannique de la coopération, les tutsi de l’intérieur. (F. Soudan n’en parle pas.) C’est à ce moment que le génocide a été « planifié » et non pas par le régime Habyarimana selon la théorie avancée par Gasana Ndoba, Jean Carbonare, Erich Gillet, Philippe Dahinden, William Schabas et Alison Des Forges. Toutes ces personnes sont impliquées dans la constitution de la « Commission Internationale d’Enquête » qui a préfabriqué en janvier 1993 la théorie de la planification d’un génocide par le régime de Habyarimana en collaboration avec la France pour parer aux cruautés qui suivraient forcément l’essai du FPR de prendre le pouvoir par le biais de son attaque du 8 février 1993. 

Un point fort du livre est le chapitre 24 titré « Bisesero, ou l’inavouable manipulation ». Il faut désormais du courage pour affirmer que Patrick de Saint-Exupéry a bien décrit ce qui s’est passé près de Kibuye lors de « l’Opération turquoise » en 1994 dans son livre de 2004 « L’inavouable. La France au Rwanda ». Concernant l’Opération turquoise, il ne faut jamais oublier que la France a signalé au FPR que cette action n’empêcherait pas sa victoire militaire. Prenons Bruce Jones comme témoin qui a écrit : « Gérard Prunier, East Africa adviser to the Socialist Party in France and a onetime active ally of Museveni’s NRA, was sent to Mulindi and Kigali to negotiate with the RPF. Prunier’s message was the Opération Turquoise would not interfere with the RPF’s war outside Zone Turquoise and that the RPF could profitably stay clear of engaging the French. » Jones confirme que le FPR a bien compris le message : « According to Prunier, who handled the negotiations, RPF members quickly came to realize that (France)…. did not intend to attack them and that they could avoid a high-cost battle simply by staying out of Turquoise-occupied territory. » (JONES, Bruce D. 2001. Peacemaking in Rwanda: the dynamics of failure. London and Boulder, Col. ; ISBN 1-55587-994-2; p. 43 et p 125 ). 

Péan a le grand mérite de prouver incontestablement que le fameux « témoin » Jean-Pierre est un agent du FPR. Le Rapport Carlsson qui s’est basé avant tout sur ce « témoin » de la planification d’un génocide est devenu maculature. Il s’avère que Kofi Annan - tout en connaissant la vérité - s’est excusé à Kigali sur des bases fausses de son « inactivité » pour empêcher le génocide ! Et que fait maintenant Philipe Gourevitch dont le best-seller « We Wish To Inform You That Tomorrow We Will Be Killed With Our Families. Stories From Rwanda » repose essentiellement sur « l’aveu » de ce « Jean-Pierr » relaté dans le fax codé du Général Dallaire du 11 janvier 1993 ou apparaît pour la première fois l’idée que le régime Habyarimana serait à la base de la planification d’un génocide anti-tutsi ? Onana révèle en plus que le télégramme codé pourrait être – au moins partiellement – un faux. Il prouve que l’original de ce télégramme codé n’existe pas et que toute la théorie qui en découle est basée sur une copie ! (Onana se trompe malheureusement quand il dit que le télégramme surgit seulement en 1997. Dans le livre de Filip Reyntjens de 1995 « Trois jours qui ont fait basculer l’histoire » le télégramme est reproduit en annexe. Mais cela ne prouve pas que la copie n’est pas falsifiée. Reyntjens aurait pu être utilisé déjà en 1995 comme « porteur crédible » d’un mensonge.) 

Une remarque personnelle me soit permise : Tous les auteurs - pro- et anti-Mitterrand confondus – n’arrivent pas à expliquer le comportement étrange des différents gouvernements français concernant l’attentat du 6 avril 1994. Pourquoi la France n’a-t-elle pas entrepris une investigation digne de ce nom lors de la Commission d’information de l’Assemblée Nationale ? (Je maintiens cette affirmation bien que Claudine Vidal essaye de me convaincre que le chapitre s’y référant dans le Rapport de l’Assemblée Nationale serait une « enquête ».) Mais ce qui est plus grave : Pourquoi Chirac empêche-t-il la publication du Rapport Bruguière qui prouve sur base de beaucoup de témoignages – entre autres de Ruzibiza – la responsabilité de Paul Kagamé pour ce crime de terrorisme international ? Et pourquoi ce jeu incompréhensible concernant le procès intentionné par six rescapés contre l’armée française ? Cela serait une bonne occasion de rejeter ces accusations. Ma question: En empêchant les services secrets militaires et civils de témoigner devant les différentes instances, est-ce qu’on veut cacher que ces services savaient beaucoup plus sur la préparation de l’attentat astucieux du 6 avril 1994 que « le secret d’Etat » peut admettre ? 

Absoudre Habyarimana et ses proches ? 

En ce qui concerne Péan, ce reproche n’est pas justifié. N’a-t-il pas raison de dénoncer par exemple le mensonge de la plantation de cannabis apparentant aux fils de Habyarimana et de Mitterrand que Gérard Prunier a mis au monde ? Le livre fait apparaître les avis nuancés de l’entourage de Mitterrand concernant le régime militaire usé du Général Habyarimana. Mais de là à favoriser un régime des nostalgiques tutsi est un pas que Mitterrand ne voulait pas franchir. Avec Péan on peut se poser la question de savoir pourquoi Mitterrand n’a pas réagi plus fermement quand Jean Carbonare, ce nostalgique des guerres de libération nationale et président de l’ONG SURVIE en revenant du Rwanda après avoir accompagné la fameuse « Commission d’enquête (voir infra) en janvier 1993 a accusé dans une émission de « Antenne 2 » du 28 janvier 1993 sur base des mensonges de Janvier Afrika le régime Habyarimana et le gouvernement de coalition de préparer avec le soutien de la France un génocide contre la population tutsi. De dire la vérité sur les affinités de Jean Carbonare avec le FPR dont la diabolisation du Président rwandais était la pièce maîtresse de sa stratégie n’est pas une absolution pour Habyarimana. F. Soudan se met du côté de « la lecture officielle » quand il réfute la dialectique bien développée par Péan entre la tactique du FPR – confirmée par Ruzibiza – et les réactions du « camp hutu ». Il nous fait croire que Kagamé ne savait pas ce qu’il faisait. Le témoignage du Général Dallaire est clair. « Kagame aurait été averti par un ministre du gouvernement qu'en cas de reprise de la guerre les Tutsis seraient massacrés et il lui aurait répondu que les morts seraient considérés comme "du prix à payer", c'est à dire comme "des sacrifices", selon la déposition du général canadien.“ (Agence Hirondelle, 28.1.2004) Qui dit mieux ? Tout cela serait la faute de Habyarimana ? 

Diaboliser les Tutsis ? 

Ce reproche est vite fait quand on essaie de décrire la stratégie cynique du FPR. J’en ai dû faire des expériences personnelles dans ce sens. Mais d’affirmer que Kagamé est responsable d’une telle stratégie n’est pas un acte de diabolisation des tutsi. La valeur de source historique du livre de Ruzibiza est incontestable. Au plus tard après cette publication – d’autres dissidents tutsi ont témoigné les mêmes faits moins détaillés – on ne peut plus nier le témoignage de Déus Kagiraneza devant le Sénat belge le 1er mars 2002 : « C'est donc un calcul politicien qui a donné lieu au sacrifice - l'histoire jugera, plus tard, le bureau politique, dont j'ai fait partie - de 800.000 personnes pour, finalement, ne rien gagner.  En effet, si Kagame était parvenu à prendre le pouvoir à Kigali et à Kinshasa, et à panser les plaies de ce génocide, de ces pillages, de cette mauvaise gestion qui a duré des décennies, il aurait été considéré comme un héros. Mais il a fait pire que ses prédécesseurs. C'est pourquoi il va falloir remettre en cause tous ces crimes ainsi que l'argumentation avancée pour gagner la guerre. »
 Dans les citations du tutsi Antoine Nyetera que leur reproche F. Soudan, Péan et Onana auraient dû être conscients que les représentants de la « lecture officielle » les pendraient. Parler de l’histoire d’une façon critique envers la royauté nyiginya est un tabou. C’est vite fait de les mettre sous l’autorité du Professeur Jean-Pierre Chrétien dans la boîte des racistes. Celui-ci a même eu le culot de déclarer que l’existence des tutsi et des hutu serait l’invention des colonialistes et des Pères Blancs tandis que les premiers visiteurs du Rwanda et de l’Urundi ont trouvé des conflits sociaux manifestes. Pour en citer un allemand après ses recherches en 1911 qui était critique à la préférence tutsi de l’administration allemande. Hans Meyer écrivait : « Ce qui nous frappe le plus chez chaque Mutussi, en dehors de son apparence imposante, qui dès le départ, aura également beaucoup impressionné le Muhutu, ce sont son calme et sa réserve d’une apparente indifférence qui lui profitent toujours par rapport au Muhutu agité, impulsif et irréfléchi. (…) Le Mutussi se prend, lui et sa race, pour le couronnement de la création, le parangon de toute intelligence et de l’habileté politique. (…) Certes, il craint l’Européen … mais de fond il le prend pour un imbécile, puisqu’il peut le tromper si facilement. (…) Il est naturel, dès lors, que les Bahutu ne voient dans les Batussi que les conquérants, étrangers à leur ethnie, dont ils subissent le joug. Cependant, malgré leur haine envers les Batussi, ils n’aspirent pas à se libérer de cet état d’asservissement, car comme presque tous les peuples noirs, ils ont un besoin inné de se soumettre à une autorité qui les guide avec fermeté. Et de fait (…) les Bahutu se sont morcelés en d’innombrables lignées et groupes tribaux qui se font la guerre ; ils n’ont aucun sentiment national profond et les Batussi les dressent habilement les uns contre les autres. » (Extrait du livre de Hans Meyer, Die Barundi, publié en 1916, qui a été traduit en français curieusement sur l’initiative de Jean-Pierre Chrétien en 1984.) Cet extrait reflète le racisme blanc de l`époque envers les noirs en général mais est tout de même intéressant concernant les relations intergroupes. Si Péan avait eu recours à ce document, le reproche de la diabolisation des tutsi serait justifié mais la citation de Nyetera ne le justifie pas. F. Soudan a justement cherché un prétexte comme Jean-Pierre Chrétien l’a fait dans Le MONDE du 8 décembre 2005.

 En finir avec Kagamé ? 

Ce reproche est justifié. Effectivement Péan partage l’avis de Filip Reyntjens que Kagamé est bel et bien « le plus grand criminel de guerre en fonction aujourd’hui » (LE SOIR, 13.1.2005). Dans une telle situation l’exigence de son remplacement par un ordre plus démocratique devrait être un devoir de tous – JAI inclus ! Reprocher à Péan de ne pas vouloir tendre la main à un criminel de guerre n’est pas sérieux ; je l’ai moi-même évité pour les mêmes raisons quand j’ai eu l’occasion de le faire à Berlin le 30 novembre 1999.) 

Minimiser le génocide ? 

C’est un reproche tordu. Ni Péan ni les autres auteurs minimisent les crimes des massacres contres les tutsi. Ils réduisent pourtant avec de bons arguments l’importance de la planification attribuée aux « extrémistes du régime Habyarimana ». C’est autre chose. Et comme l’admet François Soudan lui-même sur la question du chiffre des victimes tutsi – encore davantage sur celui des hutu – le dernier mot n’est pas encore dit. Et le témoin Emmanuel Habyarimana qui est cité par Péan avec une estimation concernant les tutsi n’est pas une personnalité à discréditer à la légère. Comme Ruzibiza il a une longue expérience de coopération avec Kagamé. 

Dénoncer les « blancs menteurs » ?

 Péan ne dénonce pas, il décrit. Les livres de Péan et le dernier livre de Charles Onana mettent en exergue d’une façon étonnante l’arrière-fond du réseau international des « acolytes » du FPR. Notamment le chapitre 7 de Péan « Janvier 1993. Une étrange Commission d’enquête internationale (La curée ‘droits-de-l’hommiste’ contre Habyarimana » explicite d’une façon extraordinaire ce que Robin Philpot a déjà décrit en 2003 dans « Ça ne s'est pas passé comme ça à Kigali. » On n’est pas en mesure de contredire Péan quand il écrit : « Cette commission d’enquête porte une lourde responsabilité dans la tragédie rwandaise » (p. 130) Pour cacher ce fait la théorie de la planification d’un génocide à l’aide de la France a été inventée. Et Paul Kagamé avait raison d’en vouloir aux Français. Ils ne voyaient dès 1990 aucune raison pour une reconquête du pouvoir par les exilés. Et le FPR a fait croire habilement au monde entier qu’une résistance à cette agression militaire qui se présentait comme une libération nationale serait une preuve de racisme anti-tutsi. François Soudan devrait être prudent dans sa défense des « blancs menteurs ». Péan et Onana ne sont pas les seuls à avoir découvert pas mal de contradictions de leur part. Même Pascal Krop qui voulait « juger les Mitterrand » en 1994 a dû reconnaître qu’il était manipulé. (Voir Onana, 2005, p. 183)

 CONCLUSION 

Quoi que François Soudan et beaucoup des gens critiqués dans le livre de Pierre Péan et de Charles Onana essaient de nous faire croire, les deux livres sont extrêmement bien documentés. Les faits sont maintenant connus. Il faudrait un historien de la qualité de René Lemarchand qui a fait le point concernant le génocide anti-hutu au Burundi en 1992. Pour éviter tout malentendu : Un génocide anti-tutsi a eu lieu, mais il ne s’est pas déroulé comme le TPIR veut nous le faire croire. Des massacres de grande envergure contre la population hutu – je ne veux pas décider ici si Ruzibiza a raison de les appeler également génocide – ont eu lieu dans les territoires dominés par la FPR. Ruzibiza a contribué pour mieux comprendre la dialectique qui a favorisé les deux catastrophes. Nous ne connaissons pas encore les motifs qui ont conduit les pays anglophones à favoriser la victoire militaire des rebelles du FPR – par définition leurs agressions contre un état post-colonial ne pouvaient pas être une guerre de libération nationale – au risque de catastrophes prévisibles. Le régime actuel à Kigali est oppressif et est responsable des crimes perpétrés au Congo par le FPR et des troupes ougandaises sous la « tutelle » ouverte de l’administration Clinton – Madeleine Albright et Susan Rice sont à évoquer nommément. Ces vérités sont empêchées d’apparaître tant que le TPIR sous la responsabilité de Kofi Annan a besoin des contrevérités. (Kofi Annan devrait avoir le courage de remettre la responsabilité pour ce tribunal à une personne moins impliquée que lui-même dans l’affaire « Jean-Pierre ».) La « communauté internationale » qui veut apparemment maintenir le statu quo au Rwanda et dans la Région des Grands Lacs ne peut plus se cacher derrière le mensonge de ne pas connaître les responsables de l’événement déclencheur du génocide contre les tutsi à savoir l’attentat du 6 avril 1994. Malheureusement, F. Soudan fait toujours semblant de ne pas connaître la vérité et attend l’enquête « qui demeure à faire ». (Il sait très bien que les États-Unis et la France font tout pour qu’elle ne soit jamais faite !) On connaît la vérité – entre autres grâce aux livres répertoriés dans la liste suivante. Ces livres ont cependant tous un défaut structurel : Ils sont écrits en français, une langue que nos amis anglophones comprennent rarement. Quand est-ce qu’un éditeur – de préférence américaine – aura le courage de présenter une version anglaise de Pierre Péan pour contrebalancer Alison Des Forges considérée jusqu’à présent - malgré toutes ses erreurs et les preuves infirmées qu’elle continue à répandre - comme la « déesse » des questions rwandaises? 

* *** Liste indicative d’auteurs mentionnée dans l’avant-propos en ordre alphabétique 
BOOH BOOH, Jacques Roger. 2005. LE PATRON DE DALLAIRE PARLE. Révélations sur les dérives d'un général de l'ONU au Rwanda. Paris: DUBOIRIS. ISBN 2-9522315-0-8; 205 p.  CRUVELLIER, Thierry, et alii. 2004. Augustin Cyiza. Un homme libre au Rwanda. Paris: Karthala. ISBN 2-84586-552-X; 220 p. GAKUSI, Albert-Enéas und Frédérique MOUZER. 2003. De la Révolution rwandaise à la Contre-Revolution. Contraintes structurelles et gouvernance 1950-2003, Points de Vue concrets. Paris: L'HARMATTAN. ISBN 2-7475-4862-7; 152 p. GASANA, James Kwizera. 2002. RWANDA: DU PARTI-ETAT A L'ETAT-GARNISON. Préface de Ramon AROZARENA, Collection Afrique des Grands Lacs. Paris: L'Harmattan. ISBN 2-7475-1317-3; 348 p. KAREMANO, Charles. 2003. Au-delà des barrières. Dans les méandres du drame rwandais. Préface de Claudine Vidal. Paris: L'Harmattan. ISBN: 2-7475-5069-9; 152 p. LUGAN, Bernard. 2004. Rwanda: Le Génocide, l'Eglise et la Démocratie. Paris: Editions Du Rocher. ISBN 2-268-05060-2; 240 p. LUGAN, Bernard. 2005. François Mitterrand, l'armée française et le Rwanda. Paris: Editions du Rocher. ISBN 2- 268-05415-2; 289 p. MUSABYIMANA, Gaspard. 2003. La vraie nature du FPR/APR. D'Ouganda en Rwanda, Paris: L'Harmattan. ISBN 2-7475-4847-3; 278 p. NGBANDA NZAMBO, Honoré und Charles ONANA. 2004. CRIMES ORGANISES EN AFRIQUE CENTRALE. Enquête sur les réseaux rwandais et occidentaux. Paris: Duboiris. ISBN 2-9513159-9-6; 456 p. ONANA, Charles und Déogratias MUSHAYIDI. 2002. Les Secrets du Génocide Rwandais. Enquêtes sur les mystères d'un président. Paris: Editions MINSI. ISBN 2-911150-03-1; 189 p. ONANA, Charles. 2005. Le secrets de la justice internationale. Préface de Pierre Péan. Paris: Editions Duboiris. ISBN 2-9513159-8-8; 480 p. PHILPOT, Robin. 2003. Ça ne s'est pas passé comme ça à Kigali. Montréal, Québec: Editions Les Intouchables. ISBN 2-89549-097-X; 224 p. RUZIBIZA, Lieutenant Abdul Joshua. 2005. Rwanda. L'histoire secrète. Préface, notes et chronologie: Claudine Vidal; Postface: André Guichaoua. Paris: Editions du Panama. ISBN 2-7557-0093-9; 494 p. SHIMAMUNGU, Eugène. 2004. Juvénal Habyarimana. L'homme assassiné le 6 avril 1994. Editions Sources du Nil. ISBN 2-9521712-0-3; 399 p.

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Les pressions du patron de RFI sur un journaliste
Un vent de folie souffle sur Radio France Internationale (RFI). Richard Labévière, journaliste chevronné et éditorialiste, spécialisé sur le Moyen-Orient, est victime de la part de la direction de RFI de pressions hallucinantes. Son pêché : avoir fait une interview avec Pierre Péan sur son dernier livre « Noires fureurs, blancs menteurs ».
C’est le 1er décembre 2005 que Richard Labévière décide, avec l’accord de la direction de RFI, de réaliser un entretien avec Pierre Péan sur son livre. Au cours de l’entretien, l’interviewer Labévière aborde la question du parti pris des journalistes soulevée dans l’ouvrage de Péan :
  1. Pierre Péan, justement, sur le plan de l’information, vous déconstruisez les traitements journalistiques de Colette Braeckman du journal Le Soir, de Patrick de Saint Exupéry du Figaro, de plusieurs journalistes de RFI aussi que vous mettez en cause très précisément. Justement, sur RFI, est-ce que vous pouvez nous en dire plus ?
  2. Mais comment vous expliquez justement ce tropisme partisan d’une grande partie de la presse dont, je répète, les journalistes de RFI dont vous parlez dans le livre ?
    Ces deux questions valent à Labévière le courroux de la Société des journalistes. Ce qui est grave c’est que, avant la diffusion de l’émission, elle a déjà été écoutée et personne ne veut que les auditeurs africains de RFI découvrent les arguments présentés par Péan dans son livre. Le 3 décembre, deux journalistes du service Afrique de RFI appellent Richard Labévière et l’informent que son émission avec Péan est censurée. Le conseiller Afrique de Jacques Chirac, Michel de Bonnecorse, qui est déjà au courant de cette affaire s’indigne de l’attitude de RFI. Il appelle la direction et déclare qu’en plein Sommet France-Afrique, une action de censure à l’égard d’un journaliste par d’autres journalistes est malvenue. Le 4 décembre, le patron de RFI Antoine Schwarz en personne téléphone à Richard Labévière pour lui dire qu’il peut passer l’interview avec Péan mais qu’il faut couper les parties qui concernent RFI. Le journaliste refuse. Il considère que son patron lui demande de prendre des écarts avec les règles de déontologie professionnelles. Ce qu’il n’est pas prêt d’accepter. Voyant que la situation s’envenime et que la pression s’accentue arbitrairement contre Labévière, le syndicat des médias CFDT s’insurge contre les méthodes de la direction de RFI. La CFDT, qui soutient le journaliste censuré, demande la désignation d’un médiateur. Le 6 décembre, Antoine Schwarz adresse une lettre à Labévière (voir fac similé) en lui demandant de reformuler ses questions citées plus haut pour ne pas donner le sentiment de mettre en cause RFI.
    La liberté d’informer et la déontologie des journalistes sont donc comme des jolis coussins sur lesquels tout le monde peut s’asseoir avec beaucoup de satisfaction et de confort. TTDM
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Zephanie Byilingiro <byilin@yahoo.com> a écrit : 

Pierre Pean ne nie pas le genocide des tutsi tel que connu a ce jour et n'innocente pas non plus la France comme ces specialistes europeennes des dossiers rwandais le pretendent. L'important du message que j'ai compris de Pierre Pean, et qui fait mon point de desaccord avec lui et toutes ces europeennes citees ci-haut est les uns sont plus pro Tutsi et les autres pro-Hutu et tous analysent le genocide sous un angle ethniste alorsqu'il purement et simplement POLITIQUE. En effet, si Pean parle de "massacres commis par les extrémistes hutus" et les autres affirment qu'aussi le FPR a commis des massacres", il s’agit definitivement d’un double massacre, avec ou sans premeditation. Qui a alors commis le genocide et qui ne l'a pas commis?
L'Eglise Catholique qui a ete decapitee a Kabgayi est-elle Hutu ou Tutsi? Pourquoi ne parle-t-on pas de Twa massacres?
Ce qui fait qu'un double genocide annule le genocide, c'est la reciprocite de l'acte ou l'element innocent du victime qui manque pour qualifier l'acte de genocide.
Ce que les specialistes du dossier genocide des Tutsi ne veulent pas ecrire ou lire, c'est qu'ils prennent toujours la reaction brutale d'une seule ethnie sur l'autre et partent de la pour expliquer les origines du conflit et faire de l'autre la victime.

Mais la grande innovation de Pean c'est qu'a cote des massacres des tutsi, il montre qu'il y a eu effectivement massacres des hutu que les pro-Tutsi avaient minimises ou passe sous silence, bien qu'il propose d'analyser les
deux parallement tout en reconnaissant que la France etait critiquable. "J'insiste beaucoup sur les violations et les massacres commis par le FPR, sans nier pour autant les massacres commis par les extrémistes hutus".Pierre
Pean

J'avoue que Claudine Vidal, dans sa reaction, a fait une avancee tres remarquable par rapport a Claudine Vidal d'il ya 5 ans; mais je la place sur la meme ligne que les deux autres quand elle se permet de defendre Allison Des Forges de 1994. On ne peut pas defendre Saint-Pierre pour ce qu'il a fait quand il etait persecuteur.

Je place Claudine Vidal, Marie-France Cros et Colette Braeckman sur la meme ligne egalement parcequ'au moment ou elles ecrivent, elles sont conscientes que Paul Kagame qui dirige le Rwanda aujourd'hui a fait "les massacres
systématiques de civils commis avant et après la victoire", quoique ceci ne soit pas encore aussi explicite chez Braeckman. "Il est vrai qu'au cours des années, le silence persistant de Kigali, le refus de communiquer tout élément d'information au sujet de l'attentat ont donné à cette hypothèse-là plus de poids qu'elle n'en avait en 1994. Mais il n'empêche que d'autres témoignages, qui avaient amené à une lecture des faits différente, n'ont jamais été pris en compte..."(Colette Braeckman) Braeckman est consciente qu'elle avait pris la mauvaise piste mais, a l'oppose de Des Forges et dans une moindre mesure Vidal, elle persiste.

Vidal, Cros and Braeckman,

Avec le respect que je vous dois en votre qualite de specialiste des dossiers africains, reconnaissez tout de meme que Pean n'est pas un negationiste. Il a ajoute au dossier ceque vous avez oublie, laisse volontairement ou tout simplement appote un demanti qui permet aux autres de lire presque le complet du dossier et a ceux qui le peivent d'avoir un peu de limiere.

Admettez aussi que quelque fois la verite blesse et se sont les imbeciles qui ne se trompent pas.

Comme je deteste les menteurs dans un dossier aussi delicat que celui du genocide au rwanda, je m'interesse ici particulierement aux points de vue claudine Vidal et Pierre Pean car, comme Claudi Vidal, je suis aussi d'avis
que l' apport le plus original de Pierre Pean " est d'avoir reconstitué les liens entre les autorités de Kigali, victorieuses, et leurs relais européens, les *"Blancs menteurs"*, lobby qu'il surnomme *"cabinet noir du FPR"*, et dont il dénonce les mensonges et les pratiques d'intimidation, montrées en acte sur des cas précis. Incontestablement, l'enquête de Pierre Péan a le mérite d'ouvrir des pistes à explorer.." (Claudine Vidal)

Cependant, mon point de vue sur le genocide est different. Je ne sais pas si les deux ont eu l'occasion d'assister a la conference de l'International Freedom recipient, Paul Rusesabagina, sur le role qu'il a joue durant les 3 mois du genocide reconnu.

Paul Rusesabagina est plus qu'un specialiste du dossier genocide, il est un hero, un hutu rwandais marie a une femme tutsi du Rwanda.

Durant la periode du genocide, ce couple a ete victime du conflit et ne peut aujourd'hui dire qui des hutu ou des tutsi est plus innocent ou plus coupable que l'autre.

Paul Rusesabagina n'explique pas l'origine du conflit entre hutu et tutsi a partir du 6 Avril 1994, encore moins du 1er Octobre 1990, date d'invasion militaire du FPR au Rwanda. Il ne la situe pas en 1959 comme veut le pretendre Braeckman (apres tout le Manifeste des Bahutu est une prise de conscience et un constat de faits vecus avant 1959).

Il dit que le conflit existait bel et bien avant l'arrivee des europeens au Rwanda. Les rwandais et plus specialement ceux qui sont fiers d'etre tutsi n'oublient jamais. Et pour cause, notre histoire est orale, memorisee et dictee. Les vrais tutsi vous diront oralement leur genealogie jusqu'a leur premier anceitre tombe du ciel. Paul Kagame est de ceux-la. Cet homme a profondement marque et continue de dominer l'histoire de ce pays, le Rwanda.

C'est interessant de lire, analyser et influencer les autres a partir des recits ecrits de cette histoire mais il est evident que si vous ne l'avez pas personnellement vecue, vous ne pouvez que commettre des erreurs, tellement elle est pas -elle-meme tres objective. La version ecrite de l'histoire du Rwanda is politically motivated au profit de son auteur ou de l' ethnie au pouvoir.

La culture du Rwanda(qui est celle des tutsi du reste, jusqu'a preuve du contraire) dit que le Rwanda n'entend jamais d'etre attaque(uRwanda ruratera ntiruterwa); le Hutu n'a jamais attaque le Tutsi mais, jusqu'a cequ'on me prouve le contraire, ma reference etant le livre de mon ami, un Tutsi, Valens Kajeguhakwa, c'est toujours le contraire qui s'est produit 
Des lors, sans nier que les Tutsi aient ete l'objet de genocide, n' ya-t-il pas lieu de conclure qu'ils ont ete victimes d'une strategie deliberee d'un calcul Tutsi qui expliquera apres la victoire qu' on ne mange pas d'omelette sans avoir casse les oeux? En fait, de ce point de vue, il n'ya pas genocide des Tutsi du tout parcequ'il ne s'agissait pas de les eliminer mais la strategie etait de bien preparer l'omelette des Tutsi restants que certains semblent d'ailleurs
apprecier a defaut de la denoncer comme le font Ruzibiza et tres peu d'autres.

Il ya eu certainement genocide des Tutsi de l'interieur dont l'elimination justifiait la cause (tout en constituant une strategie) de ceux de l'exterieur.

L'elimination des Tutsi de l'interieur et des Hutu dits"moderes", l'excitation/incitation des "Hutu power" pour executer cette ignoble mission etaient dans la logique plananifiee de l'elite Tutsi; c'est cela la piste que je privilegie. Je vivais avec eux a Bujumbura au moment des faits, ils ont crie victoire des le crash de l'avion de Habyarimana alors qu'ils
savaient que le president burundais etait aussi dedans et le champagne a coule toute la nuit du 6 Avril 1994 alors que la population de Kigali meme ne savait pas exactement ce qui s'etait passe.

Mon approche, pour comprendre les tenants et aboutissant du genocide rwandais, est de partir du constat des faits vecus presentement et chercher leurs causes et motivations dans l'histoire qui les a precedees. Les faits vecus par les rwandais depuis ce jour jusqu'en 1994 nous reseignent enormement sur le caractere d'un homme que la communaute internationale (Claudine Vidal, Marie-France Cros, Colette Braeckman, Alison Des Forges...) avaient presente comme des tutsi, victimes du genocide prepare par les extremistes hutu. Personne ne pouvait imaginer que cet homme les aurait sacrifies et qu'il aurait pu etre derriere l'attantat du president Habyarimana.

11 ans marques notamment par des massacres systematiques des civils innocents (Kibeho et ailleurs) sans que l'on se pose des questions mais plutot en lui apportant soutien militaire et financier a son regime qui a fait, sur le plan humanitaire et des refugies, pire que celui de Habyarimana,qu'on decrie.

Pourtant, Claudine Vidal, Marie-France Cros et Colette Braeckman condamnent la France pour son soutien au gouvernement Habyarimana sans faire remarquer que les autres grandes puissances, la Belgique, l'Ouganda et l'ONU ont fait la meme-chose dans l'autre camp du conflit jusqu'aujourd'hui ou les memes crimes se commettent (sur le sol d'un Etat etranger, par dessus le marche) dans l'indifference totale.

Les explications sur les faits vecus ayant ete trouvees, c'est la, a mon avis, que c'est interessant de rentrer dans l'histoire d'un homme qui est a l'origine de tous ces faits malheureux. Les explications se trouvent dans le vecu immediat de cette personalite de la politique Ougandaise en passant par les revers de la rue des grandes villes comme Nairobi et Kampala.

L'enfance troublee, le passage a l'ermee ougandaise, la prise du pouvoir au Rwanda et les guerres de son expansion... ressemblent terriblement a la jeunesse et les folies d'Hitler dont le courant Museveni est visiblement
l'admirateur.

Paul Kagame ne connait rien ou ne veut rien reconnaitre de l'histoire du Rwanda post Rwabugiri. Pour lui, le Rwanda actuel n'a pas de sens, il faut revenir aux limites territoriales qu'a laisse l'immortel hero national
Rwabugiri. Quand vous manquez cette logique dans votre raisonnement, vous ne compredrez jamais pourquoi il a develope deux systemes de valeurs et d'absurdite chez les rwandais, le rejet des lois et conventions internationales, de la valeur de l'homme qui n'adhere pas a son sens aigu de la democratie, de son concept de l'Etat-Nation du Rwanda et de la gestion de la chose publique

Revenant sur l'essentiel, ce n’est pas un double massacre ou un double genocide et encore moins un non genocide.
Le genocide, un et un seul a ete commis: pensé, planifié, préparé et exécuté, et, a mon avis, l'avancée de l'ouvrage de Pierre Pean est qu'il ouvre la piste authentique de sa planification.

Qui peut me prouver pourquoi Fred Rwigema (et non Paul Kagame) est le hero de la guerre menee par le FPR contre le regime Habyarimana gagnee en 1994 alors que Fred Rwigema a ete assassine des les premieres heures de la guerre qui a commence le 1er Octobre 1990?

Comment peut-on dissocier les faits cités par Pierre Pean ci-avant:"Pour moi, il y a trois choses tout à fait importantes. L'attaque et non le mouvement de libération lancée le 1er octobre 1990 par le FPR avec l'aide
de l'Ouganda, alors qu'il y avait des négociations avancées sur le retour des réfugiés tutsis, est le premier acte. Le deuxième est toute la désinformation qui a été faite sur les attentats, perpétrés par le FPR et attribués aux extrémistes hutus. Attentats qui avaient pour objectif de créer des clivages ethniques encore plus profonds. Enfin, le point d'aboutissement, qui est l'attentat.

Et si le FPR peut-être l'auteur de l'attentat contre l'avion de Juvénal Habyarimana" alors qu'il est accepte que c'est cet acte qui declencha le genocide, qui d'autre alors l'aurait-il planifie?

Quand Pierre Pean dit que "La France est critiquable",moi, je pense à la complicité de cette meme France lorsque Paul Kagame, de passage en France en 1991 ou 1992, alors que celui-ci dirigeait les operations terroristes au
Rwanda tout en portant un passport etranger, fut arrete et puis simplement expulse (sans plus) de France comme si rien n'était.

N'est-il pas curieux d'entendre Hubert Vedrine aujourd'hui dire sans complaisance qu' "En effet, je suis arrivé à la conclusion que sans la volonté du FPR de prendre le pouvoir à n’importe quel prix, l’engrenage fatal n’aurait pas eu lieu"? Et il ajoute: " Il y aurait sans doute eu des affrontements interethniques classiques, déjà bien tristes et intolérables, mais pas cette immense tragédie". La France (ou Hubert Vedrine) ne le savait-elle (il)pas?

Les proFPR, sans comprendre (ou sans vouloir compredre) la raison de la présence de l'armée francaise au Rwanda à partir de février 1992, veulent absolument que cette France (et non l'Ouganda par exemple) soit associée au génocide qui a eu lieu entre le 1er Janvier et le 31 Décembre 1994, oubliant ou ne voulant pas comprendre que si la France avait voulu mettre Kagame hors-etat de nouir depuis son arrestation en France, l’acte terroriste du 6
Avril 1994 et le genocide des tutsi qu’il a déclenché n’auraient pas eu lieu.

Moi je suis arrive a ma conclusion que tous ceux qui cherchent a comprendre le génocide rwandais à partir de l'histoire de ce pays commettent une grave erreur comme ce novice berger qui tire un méchant taurreau par les cornes.

Ils le comprendraient mieux (le genocide) en prenant un peu de distance et analysant les actes et discours politiques des dirigeants de ce pays à partir de la date la plus récente en allant vers l'origine de l’histoire de
leurs ambitions politiques connues.

La comprehension des contradictions qui caracterisent leur (actes et discours politiques) logique leur(cette logique) permettrait d’éviter de tomber et perseverer dans les erreurs.

Le genocide connu au Rwanda est une question d’hommes et non de société; c’est une question d’interets et non de culture, est une question politique et non ethnique.

Le Tutsi a ete victime parce qu'on l'identifiait a l'ennemi (au service de Paul Kagame) et parceque celui-ci, en violant les accords signes savait qu'il les sacrifiait. Les Hutu dits "moderes" etaient identifies par les "extremistes Hutu" comme complices contre le pouvoir en place et par le FPR comme une opposition potentielle au regime a installer a Kigali grace au genocide des tutsi. L'Eglise Catholique est victime de l'interference du politicien belge dans les changements politiques au Rwanda depuis la periode coloniale. Malheureusement, ce politicien belge continue toujours son interference dans un Etat independant comme si rien n'etait.

Autant les cornes servent d'arme d'attaque pour le méchant taurreau, le genocide des tutsi est un bouclier pour ceux qui en ont utilisé afin de conquerir ou en profitent pour se maintenir au pouvoir qu'ils n'auraient pu obtenir autrement ou qu'ils ont mal acquis.

Au Rwanda, les tutsi réellement victimes (ceux qui etaient a l'interieur au moment des faits) sont malginalisés au profit des envahisseurs des années 90. C'est surtout cela, à mon avis, qui explique toute la tricherie, le plan et les motivations. Claudine Vidal, Marie-France Cros, Colette Braeckman et Alison Des Forges ne pouvaient pas le savoir, pas plus que les victimes eux-memes. Voici ou se trouve l'innocence qui permet de qualifier l'acte de
genocide. Mais helas, ce n'est pas le Hutu qui en est responsable.

Les tutsi (ceux de l’interieur et ceux de l'exterieur et membres du FPR) lorsque celui-ci luttait pour l'égalité du peuple rwandais étaient tous égaux et voulaient que hutu et tutsi soient traites equitablement et participent également à la gestion du pays.

Paradoxalement, après la victoire, il y en a ceux qui sont devenus plus égaux que les autres mais on parle encore de:"creatures with wisdom with equal needs".

Si les specialistes du "dossier genocide" au Rwanda acceptaient d'ecrire son histoire a travers celle de son Hitler, ils aideraient beaucoup l'humanite a trouver la solution de l'equation absurde de sa planification, "le silence persistant de Kigali, le refus de communiquer tout élément d'information au sujet de l'attentat" et de la theorie du "hutu modere".

Zephanie BYILINGIRO
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Un pamphlet teinté d'africanisme colonial, par Jean-Pierre Chrétien

LE MONDE | 08.12.05 | 14h38  •  Mis à jour le 08.12.05 | 14h38
 
L'ouvrage de Pierre Péan se présente sans ambages comme une somme conduisant à une révision du discours habituel sur le génocide des Tutsis au Rwanda. Revisiter un domaine de recherche est un travail familier aux historiens. Il suppose une discussion sérieuse des écrits antérieurs, complétée par une argumentation fondée sur des documents nouveaux ou des approches nouvelles. Ce n'est pas la "méthode" choisie dans ce pesant pamphlet.
La sélection et l'utilisation des sources sont stupéfiantes. Leur choix est pratiquement unilatéral : acteurs politico-militaro-policiers rwandais ou français impliqués dans la politique de Kigali entre 1990 et 1994 ; quelques auteurs fascinés par les a priori ethniques ou raciaux dans le traitement des sociétés africaines ; pamphlets des amis... Des centaines de publications sont jetées aux orties.
Le rapport fondamental rédigé par l'historienne Alison Des Forges (Aucun témoin ne doit survivre) est ignoré, peut-être parce qu'elle a le tort d'être américaine.
Les références sont souvent incomplètes ou inexactes (des textes non datés), on fait dire à des auteurs ce qu'ils ne disent pas exactement, pour mieux "prouver". Des archives fermées au public (celles de la présidence de la République pour les années 1990) sont brandies et non scientifiquement exploitées dans le cadre d'un débat contradictoire.
L'histoire du Rwanda se réduit à l'étalage des clichés raciaux les plus obsolètes de l'"africanisme" colonial et de l'idéologie "hamitique" (vieille doctrine, produit de l'africanisme du XIX e siècle, qui tend à opposer des "vrais" Africains aux populations mêlées venues du Proche-Orient ou de la région du Nil) : au lieu des travaux fondamentaux publiés durant les dernières décennies, le lecteur a droit à un mémoire présenté au Tribunal pénal international pour le Rwanda pour la défense d'un bourgmestre génocidaire par un Rwandais décrété "historien" et à un opuscule publié en 1940 par un administrateur colonial belge qui expliquait que "les grands Tutsis n'étaient pas des vrais nègres".
La complexité de cette tragédie appelle des réponses complexes, elle relève ici du schéma simpliste d'une histoire complot. La sensation prime sur la réflexion, et elle est des plus douteuses. Les auteurs, chercheurs, journalistes, équipes scientifiques et associations humanitaires qui ont contribué à identifier, analyser et dénoncer le génocide de 1994 sont disqualifiés à moindres frais, à coups d'attaques personnelles, dérisoires et sordides, d'insultes et de "citations" partiales tirées de leur contexte.
Effets de manches et sabre d'abattis. Jadis les "chers professeurs" étaient vitupérés par des politiciens que tout le monde a oubliés, aujourd'hui ils sont des "idiots utiles" et des "agents du Front patriotique rwandais (FPR)" : nouvelle variante de "l'anti-France" !
Un autre aspect est stupéfiant, quand on connaît la propagande rwandaise, qui, entre 1990 et 1994, a préparé et accompagné le génocide, telle qu'elle ressort de collections exhaustives de journaux et d'enregistrements dont l'existence accablante suscite, on le comprend, la colère de certains.
Les propos de cet auteur sont comme en écho avec ce discours de la haine : réduction ethno-raciale du débat politique ; bréviaire raciste sur le don congénital des Tutsis dans le mensonge et sur leur instrumentalisation des femmes ; dénonciation des démocrates hutus qui s'étaient engagés courageusement contre la dictature et le carcan ethniste comme autant de vendus ; fantasme d'un complot régional hima-tutsi, ressassé depuis quarante ans par des cercles extrémistes et digne du montage des Protocoles des sages de Sion ; culture de violence et de mensonge où le génocide était à la fois justifié et nié.
Comme disaient l'organe raciste Kangura ou la Radio des Mille Collines, ces Tutsis se suicident... Dans sa furie contre les "agents du FPR", l'auteur n'hésite pas à se fier aux dires d'un ancien fondateur du parti extrémiste Coalition pour la défense de la République, aujourd'hui en France et qui à l'époque s'était exprimé dans ces médias.
Le débat est normal sur les conditions et les causes, lointaines ou proches, du génocide, sur la sociologie des tueurs, sur les zones d'ombre du contexte politico-militaire, au Rwanda comme à l'extérieur.
Des enquêtes transparentes et publiques sont nécessaires, y compris, évidemment, sur l'attentat du 6 avril 1994 (contre l'avion du président rwandais Juvénal Habyarimana et son homologue burundais Cyprien Ntaryamira) et sur les hypothèses et les "révélations" qui sont périodiquement distillées ou annoncées. L'ambiance de guerre secrète qui entoure ces questions graves est intolérable.
La défense de la France en Afrique est vraiment mal partie si elle doit s'appuyer sur le livre de M. Péan, qui, par ailleurs, semble étrangement dédaigner les apports (limités, mais réels) de la Mission parlementaire d'information de 1998.
En guise de "révision", on découvre donc une étonnante passion révisionniste, qui participe au flot actuel de manifestations débridées de mépris à l'égard du passé et du présent des Africains. L'auteur mesure-t-il à quel point il meurtrit les rescapés du génocide et leurs proches, déjà tenaillés par la culpabilité d'avoir survécu ?
Mais se préoccupe-t-il du sort des Rwandais, Hutus comme Tutsis, et de leur avenir ? Venu s'ajouter à la vague des "experts" improvisés sur ce terrain, connaît-il ce peuple par-delà le théâtre d'ombres qu'il met en scène ?
Si l'on veut aider le Rwanda à sortir de l'ambiance obsidionale et policière que chacun observe, si l'on veut aider ses élites, à l'intérieur comme à l'extérieur, à se défaire de leurs obsessions manichéennes, ne faut-il pas d'abord isoler le virus raciste qui piège ce pays depuis des décennies ! Les concepteurs du génocide ont cherché à en faire triompher la logique en mobilisant massivement les uns dans un "travail" d'extermination des autres. Faut-il, en Europe, leur donner raison ? Et dans quels buts obscurs ?
Le génocide des Arméniens ne se négocie pas avec les intégristes turcs. Celui des Tutsis au Rwanda ne se négocie pas avec des nostalgiques ou des attardés du "Hutu power", qu'ils soient noirs ou blancs... Ce livre de Pierre Péan cherche un effet de scandale, il finit par être accablant pour ceux qu'il prétend défendre.

Jean-Pierre Chrétien est spécialiste de l'histoire de l'Afrique au CNRS, où il est directeur de recherches. Il est l'auteur de L'Afrique des Grands Lacs. Deux mille ans d'histoire (Flammarion, 2003).
 
Jean-Pierre Chrétien
Article paru dans l'édition du 09.12.05


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From: JB Sibomana < sibomana.jb@gmail.com>
Date: Dec 9, 2005 12:46 AM
Subject: "Noires fureurs, blancs menteurs": Un livre important et contestable, selon Claudine Vidal
To: AFRICAFORUM < Africaforum@yahoogroupes.fr>, AFRICADAILY <Africadaily3@yahoogroups.com>, GREAT-LAKES <great-lakes@yahoogroups.com >

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Point de vue

Un livre important et contestable, par Claudine Vidal

LE MONDE | 08.12.05 | 14h36  •  Mis à jour le 08.12.05 | 14h36
 
    Le livre de Pierre Péan sur le Rwanda fourmille d'erreurs, d'approximations. Pour n'en citer qu'une : affirmer que la mission d'information parlementaire française a "oublié" de s'intéresser à l'attentat du 6 avril 1994 perpétré contre l'avion du président rwandais, c'est révéler qu'il n'a pas lu le rapport de la mission dont un chapitre est précisément consacré à une enquête minutieuse sur l'attentat. Il s'inscrit sans nuance dans une vision ethniciste très largement partagée : la certitude qui fait nécessairement dépendre les conflits politiques africains des identités communautaires, ethniques, voire raciales. 
J'ai eu bien des discussions avec des amis tutsis, qui, loin d'avoir le sentiment de diriger le pays, se disent opprimés par les autorités du Front patriotique rwandais (FPR) comme n'importe quel autre citoyen rwandais. Il pratique des amalgames insensés. Par exemple, il associe Alison Des Forges au "cabinet noir du FPR" (ce groupe qui soutient le FPR jusqu'à nier systématiquement ses exactions). Enorme contresens ! L'historienne du Rwanda Alison Des Forges est, depuis des années, l'une des bêtes noires de Kigali en raison de son acharnement à découvrir la vérité sur les crimes massifs commis depuis 1990, y compris par le FPR. Bref, abondent les manquements au souci d'exactitude et à l'exigence de distance critique, sans lesquels l'activité enquêtrice risque de tourner en discours propagandiste.
Mais, alors, que reste-t-il de cet ouvrage ? Pierre Péan a eu accès à des archives (ministère de la défense et présidence de la République) jusqu'alors non exploitées. Ainsi, il apporte des indications incontestablement neuves sur ce que savaient ou ne savaient pas les responsables politiques et militaires français. Il a conduit des investigations sur la réussite de désinformations fabriquées par le FPR à l'attention de la communauté internationale.
Son apport le plus original, à mon sens, est d'avoir reconstitué les liens entre les autorités de Kigali, victorieuses, et leurs relais européens, les "Blancs menteurs", lobby qu'il surnomme "cabinet noir du FPR" , et dont il dénonce les mensonges et les pratiques d'intimidation, montrées en acte sur des cas précis. Incontestablement, l'enquête de Pierre Péan a le mérite d'ouvrir des pistes à explorer. Il sort, et je lui en sais gré, du système des répétitions infinies plombant tant d'ouvrages qui prétendent faire la lumière sur le génocide des Rwandais tutsis et sur les responsabilités de la France. C'est pourquoi il serait contraire à la vérité d'affirmer qu'il s'agit d'un livre sans autre importance que celle du scandale qu'il a suscité.
Je pense cependant que l'auteur a lui-même forgé les armes de détracteurs qui n'appartiennent pourtant pas au "cabinet noir". Par précipitation, sans doute. Mais surtout, à mon sens, parce qu'il s'est laissé enfermer dans la logique tranchée des camps propagandistes. En effet, depuis 1994, un climat très années 1950, fertile en dénonciations staliniennes, en accusations délirantes, en "versions de l'histoire" d'une radicale simplicité, caractérise, en France, les débats les plus bruyants sur le Rwanda.
Pierre Péan a foncé là-dedans, tête baissée. Il pratique le "deux poids, deux mesures" : pour maximiser la politique d'extermination des Hutus, il minimise le génocide des Tutsis (il parle de 280 000 Tutsis massacrés et plus d'un million de Hutus tués depuis 1990) en s'abritant derrière un seul témoin rwandais (p. 276). Pour défendre les autorités françaises, il oublie qu'elles ont soutenu, trop longtemps, "un régime autoritaire, ethnique et raciste", selon les termes de la mission d'information parlementaire. Bref, il se cantonne à un parti pris. Comme s'il fallait minimiser le génocide des Tutsis pour pouvoir dénoncer l'actuel régime tyrannique de Kigali, son rôle dans les massacres systématiques de civils commis avant et après la victoire. Comme s'il fallait assimiler au "cabinet noir" tous ceux qui enquêtent sur les responsables rwandais du génocide. Comme si critiquer la politique menée par les autorités françaises au Rwanda de 1990 à 1994 (et, au simple vu de ses résultats, elle est critiquable) révélait nécessairement une haine de la France.
A plusieurs reprises, Pierre Péan cite le lieutenant Abdul Ruzibiza, dont j'ai préfacé le livre (Rwanda. L'histoire secrète, Editions du Panama, 400 p., 22 €). Il serait regrettable de considérer leurs ouvrages comme les deux versions d'une même histoire, l'une écrite par un Rwandais, l'autre par un Français. Le lieutenant Ruzibiza rend compte des massacres qu'il qualifie de "génocide des Hutus", mais il restitue, avec autant de rigueur, l'accomplissement du génocide des Tutsis. Ce Rwandais nous invite à vouloir une histoire complète de la tragédie.
Sociologue, Claudine Vidal est directrice de recherche émérite au CNRS. Elle est l'auteur de Sociologie des passions : Rwanda, Côte d'Ivoire (Karthala, 1991).
CLAUDINE VIDAL
Article paru dans l'édition du 09.12.05



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From: Bikotwa < ncenshe@yahoo.fr>
Date: Dec 9, 2005 12:11 AM
Subject: [rwanda-l] Rwanda, l'enquête inachevée, par Colette Braeckman
To: DHR < democracy_human_rights@yahoogro upes.fr >, RWANDANET <rwandanet@yahoogroups.com>, AFRICADAILY < africadaily3@yahoogroups.com>, GREAT-LAKES < great-lakes@yahoogroups.com>

 

Point de vue

Rwanda, l'enquête inachevée, par Colette Braeckman

LE MONDE | 08.12.05 | 14h34  •  Mis à jour le 08.12.05 | 14h34
 
Autant être clair : le génocide des Tutsis au Rwanda, d'avril à juillet 1994, n'est pas un sujet de polémique. C'est une réalité, confirmée par d'innombrables témoignages, enquêtes et rapports, par des récits, des accusations, des aveux. Les faits sont précis, concordants, vérifiés : plus de 800 000 Tutsis ont été mis à mort en trois mois, de manière systématique, grâce à des listes, des dénonciations, des chasses à l'homme, avec des armes à feu et des machettes qui avaient été depuis longtemps distribuées à des miliciens formés pour tuer.
 
Cette histoire, qui voit les Tutsis, minoritaires, être considérés comme des étrangers dans leur propre pays, ne remonte pas à 1994, ni à 1990, lorsque des exilés déclenchent la guerre aux frontières : elle date de 1959, lorsque les Hutus, encouragés par le colonisateur belge, sont poussés à une "révolution" qui, au lieu de les dresser contre leurs maîtres européens, est détournée contre leurs compatriotes tutsis devenus suspects depuis qu'ils ont eu l'audace de revendiquer l'indépendance.
Depuis cette date, à chaque fois que les Tutsis exilés tentent de revenir les armes à la main, à chaque fois qu'à l'intérieur du pays ils s'efforcent de regagner du terrain sur le plan social ou politique, la réponse du pouvoir hutu est identique : des civils sont massacrés. Durant des décennies, c'est au nom d'une légitimité fondée sur le concept de "majorité ethnique" que les Belges puis les Français ont appuyé les régimes rwandais successifs.
Lorsque, en 1990, le Front patriotique rwandais (FPR) lance une offensive au départ de l'Ouganda, les Belges s'effacent devant une France qui ne ménage pas son soutien politique et militaire au pouvoir de Juvénal Habyarimana. Sans rien ignorer de la dérive génocidaire inscrite au coeur du régime hutu. Deux ans plus tard, directeur des affaires africaines, Paul Dijoud va jusqu'à mettre en garde Paul Kagamé (chef tutsi du FPR et actuel président rwandais) et les siens, les prévenant du risque qu'ils font courir à leurs familles.
Consciente des dangers, la diplomatie française prône la négociation, le partage du pouvoir. Mais la coopération militaire, elle, s'engage sans cesse plus avant : elle arme et entraîne soldats et gendarmes, elle dresse les plans des batailles et barre au FPR la route de Kigali. Des soldats français participent aux manoeuvres et on les retrouve même aux points de contrôle, triant les citoyens rwandais en fonction de leur ethnie, inscrite sur les documents d'identité.
Lorsque, en décembre 1993, le contingent français se retire, cédant la place aux 500 casques bleus censés faire appliquer les accords de paix d'Arusha, il laisse au Rwanda des "coopérants militaires" en civil (25 officiellement et sans doute le double) dont on ignore à quoi ils s'occupent aux côtés de leurs alliés hutus. Malgré l'embargo, les livraisons d'armes se poursuivent, non seulement jusqu'à la veille du génocide, mais bien après qu'il a commencé : des observateurs onusiens relèvent que les avions de l'opération Amaryllis, venus pour évacuer les expatriés, déposent des caisses d'armes sur le tarmac de l'aéroport. Même lorsque ses alliés hutus se lancent dans le massacre systématique des Tutsis et que les corps s'amoncellent, enlevés dans les rues de Kigali par les bennes de la voirie, la coopération militaire française ne désavoue pas ses alliés : en mai encore, six semaines après le début du génocide, le général Huchon promet à un émissaire rwandais, le colonel Ephrem Rwabalinda, de lui livrer non seulement des munitions, mais des postes sécurisés, afin d'assurer les communications directes entre l'état-major français et ses alliés, dont les troupes passent plus de temps à massacrer et à piller qu'à se battre.
Rappeler tout cela, ce n'est pas adopter une position antifrançaise : c'est aligner des faits réels, observés sur le terrain, c'est s'interroger sur la pertinence et les raisons d'un tel soutien. Ces questions n'occultent en rien le fait qu'en face, la guerre menée par le FPR fut impitoyable, qu'elle charria des crimes et des massacres dont l'ampleur ne se révéla qu'au fil du temps.
Aujourd'hui encore, Pierre Péan (dans son livre Noires fureurs, blancs menteurs, éd. Mille et une nuits, 544 p., 22 ¤) tente de "retourner l'image" de la tragédie rwandaise en occultant la spécificité du génocide — cette entreprise d'extermination dont les Tutsis ont été victimes —et en soulignant les crimes de guerre commis par le FPR à l'encontre des Hutus.
Occultant le soutien militaire apporté par la France aux militaires et miliciens auteurs du génocide, accompagnés jusque dans les camps du Kivu où ils représentèrent un élément de déstabilisation durable pour toute la région, il met l'accent sur les aspects humanitaires de l'opération "Turquoise". Sans relever que, si le premier but de cette opération avait été de secourir des civils, il aurait peut-être mieux valu amener en Afrique des camions et des ambulances plutôt que des Mirage et des hélicoptères de combat, des infirmiers plutôt que des fusiliers marins et des commandos...
Tout à son entreprise de réhabilitation, M. Péan, qui a cherché la vérité dans les tiroirs de l'Elysée au lieu de se rendre sur le terrain, ne craint pas de se mettre en porte-à-faux avec la France d'aujourd'hui ; dans son ambassade à Kigali, une plaque rappelle désormais les employés tutsis abandonnés en 1994.
Il faut évidemment parler de l'attentat : le tir de missiles qui a abattu l'avion ramenant de Dar es-Salaam le président Habyarimana et son homologue du Burundi fut l'élément qui déclencha un génocide depuis longtemps préparé. Le véritable scandale est que, onze ans après l'assassinat de deux chefs d'Etat en exercice, aucune enquête internationale digne de foi n'ait encore été diligentée. Pierre Péan, lui, se fonde sur l'enquête du juge Bruguière — un magistrat dont lui-même dénonçait en 2001 le "côté barbouze" et les "méthodes expéditives" — pour dénoncer la responsabilité du FPR.
Il est vrai qu'au cours des années, le silence persistant de Kigali, le refus de communiquer tout élément d'information au sujet de l'attentat ont donné à cette hypothèse-là plus de poids qu'elle n'en avait en 1994. Mais il n'empêche que d'autres témoignages, qui avaient amené à une lecture des faits différente, n'ont jamais été pris en compte...
Multipliant les attaques personnelles recopiées au départ de fiches de renseignement, la méthode de Péan insulte les victimes et salit une France mitterrandienne que l'auteur croit avoir défendue, mais qu'il a réussi à amalgamer avec les tenants du pouvoir génocidaire.
Colette Braeckman est journaliste au quotidien belge Le Soir. Spécialiste de l'Afrique des Grands Lacs, elle a écrit plusieurs livres sur le Rwanda.
COLETTE BRAECKMAN
Article paru dans l'édition du 09.12.05
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From J.C. Tuvugishukuri Sat Dec 10 23:38:27 2005
De:  "J.C. Tuvugishukuri" <psj_survivors@yahoo.com>  
Objet: [DHR] Re: [rwandanet] Claudine Vidal, Marie-France Cros et Colette Braeckman faussent le jeu

 
« Ce que les spécialistes du dossier génocide des Tutsi ne veulent pas écrire
ou lire, c'est qu'ils prennent toujours la réaction brutale d'une seule
ethnie sur l'autre et partent de la pour expliquer les origines du conflit
et faire de l'autre la victime ».(Byilingiro)
 
Pour mieux exprimer l’idée de Byilingiro, il s’agit en fait de jouer (to overplay) la concurrence des victimes où la victime tutsie ne laisse aucun espace à la victime hutue dans la recherche de leur reconnaissance par la communauté internationale.
 
Se tenant volontairement à l'écart des polémiques que j’estime stériles parce qu'elles n'apportent rien, à mon sens, au calme et à la sérénité auxquels aspire la quasi-totalité des citoyens rwandais, suite aux propos que les dis spécialistes ont longtemps tenus et qui ont été relatés dans tous les médias voilà déjà plus de 10 ans, propos pour lesquels le peuple rwandais exige des explications et qu’il attend encore.
 
Je reste toujours perplexe quant à la persévérance dans les erreurs des mêmes spécialistes la mission parlementaire française n’a jamais été au rendez-vous pour répondre aux attentes de la majorité des Rwandais ; la mission française n’a rien apporté de nouveau puisque elle est restée vague sur tous les points de vue de contentant de parler du problème en général sans désigner les coupables mais aussi sans jamais condamner fermement l’attentant qui a mis fin aux vies de deux présidents hutus. La vague belge suivi de la vague française  ou l’inverse je ne me rappelle pas, n’ont fait que conforter la position du FPR et de ses acolytes dans leurs crimes et ont profité de cette indifférence généralisée qui a par après a donné lieu aux mega massacres perpétrés par le FPR.  
Pour tout dire, à moins que Claudine me contredise, la mission française et la mission belge ont fait un rapport sur le Rwanda sans rapport avec tragédie rwandaise. Il faut que ceci soit clair sinon il serait incompréhensible pourquoi les mêmes pseudo spécialistes seraient sur la défensive. Je suis sûr que ses pseudo spécialistes ont été consultés par les deux missions et c’est pour cette raison que tous ses rapports ont été et restent vagues quoique le terme ici n’est pas suffisamment fort pour le dire.
 
Byilingiro parle de spécialistes sur le Rwanda! Il y croit encore! Moi j’ai de la peine à y croire s’il faut considérer ce qu’elles ont fait et les conséquences de leur prise position. Vu la situation qui prévaut actuellement, ces mêmes journalistes, ces mêmes spécialistes auraient des difficultés à s’exprimer dans un débat télévisé où elles seraient obligés d’affronter les victimes. Cependant, elles ont longtemps été  de mèche avec et les nazis du FPR, avec le politique démagogue, le politique comploteur français ou belge dans la tragédie qu’à connue et le Hutu et le Tutsi, victimes de la  machination du FPR.

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Contre-offensive de propagande française sur le génocide rwandais
(Courrier International 15/12/2005)


Pierre Péan publie un livre pour défendre le rôle joué par la France au Rwanda avant et pendant le génocide. Une pure opération de propagande, assure La Libre Belgique. De son côté, Kigali accuse Paris d'avoir participé "directement" au génocide.

Au printemps 2005, le journaliste français controversé Pierre Péan nous avait téléphoné pour connaître les circonstances dans lesquelles La Libre Belgique avait obtenu, en juin 1991, la première interview de Paul Kagame, aujourd'hui président du Rwanda et alors chef de la rébellion, essentiellement tutsie, du Front patriotique rwandais (FPR). Notre confrère allait, en effet, nous expliqua-t-il, "commencer une enquête pour montrer que la France n'avait pas été complice du génocide" comme elle en est accusée par le Rwanda et par diverses publications et ONG.

Une enquête dont on connaît les conclusions avant même de l'avoir menée, cela s'appelle de la propagande. Et c'est bien de ce registre que relève le dernier livre de Pierre Péan, ultime avatar d'une série d'ouvrages publiés en France depuis le dixième anniversaire du génocide, en 2004, et visant à innocenter celle-ci ou à accuser le FPR de génocide.

Il faut se rappeler que ce dixième anniversaire avait été marqué par la publication du livre du journaliste du Figaro Patrick de Saint-Exupéry, L'Inavouable - La France au Rwanda. "Déchiré", le journaliste y racontait comment il avait découvert, en plusieurs années, que la France avait aidé les génocidaires rwandais "avant, pendant et après" le génocide et comment une partie de l'armée française, appuyée par le président Mitterrand et par une section de la droite politique, avait utilisé le pays des Mille Collines comme un "laboratoire" pour "tester" sa théorie de la guerre révolutionnaire, élaborée en Indochine et "mise en œuvre en Algérie" avant que le général de Gaulle n'y mette "un coup d'arrêt". "La doctrine ne cessera pourtant d'être repensée et perfectionnée" au sein de l'armée française et, appliquée au Rwanda, permit de "transformer une intention de génocide en acte de génocide", accusait Saint-Exupéry.

La parution de ce livre entraîna la mise sur pied d'une Commission d'enquête citoyenne et le dépôt, devant le Tribunal aux armées, de six plaintes visant des militaires français. Le prestige personnel de l'auteur de ce livre, détenteur des prix de journalisme Albert Londres et Bayeux des correspondants de guerre, le nom glorieux de notre confrère, neveu d'Antoine de Saint-Exupéry - mort aux commandes de son avion durant la Seconde Guerre mondiale et auteur du Petit Prince -, ajoutaient à la rage de ceux qui approuvent la politique française au Rwanda. Il fallait donc déclencher la grosse artillerie pour répliquer.

C'est ce que fait Pierre Péan. Celui-ci écarte l'ouvrage qui gêne d'un "inutile de feuilleter les 288 pages du livre : elles reprennent grosso modo tous les poncifs" des "pro-FPR", pour s'appesantir exclusivement sur une date qu'il conteste et qui est l'un des enjeux des plaintes déposées devant le Tribunal aux armées. Dans ce long ouvrage, parfois confus, Pierre Péan défend la thèse des extrémistes hutus. Voyons plutôt.

1. "Les Tutsis sont menteurs." "Le Rwanda est aussi le pays des mille leurres, tant la culture du mensonge et de la dissimulation domine toutes les autres chez les Tutsis et, dans une moindre part, par imprégnation, chez les Hutus", écrit l'auteur. Il n'explique cependant pas pourquoi, dans ce cas, il s'appuie autant sur le témoignage d'un déserteur du FPR, Abdul Ruzibiza, qui est tutsi, pour soutenir la thèse selon laquelle c'est le FPR qui a abattu l'avion du président hutu Habyarimana, attentat qui fut le signal de départ du génocide.
2. "C'est le FPR qui est le responsable du génocide des Tutsis." C'est le seul point sur lequel Pierre Péan diverge légèrement de la thèse des extrémistes hutus. Bravant l'abondance d'indications sur une préparation du génocide, ces derniers affirment que les massacres généralisés de Tutsis et des Hutus qui s'opposaient à cette mise à mort furent dus à une manifestation de colère "spontanée" de la population hutue après qu'on eut tué son président. Notre confrère français complique ce refus de culpabilité : il dit tout à la fois que "Kagame a planifié l'attentat, donc planifié aussi sa conséquence directe : le génocide des Tutsis perpétré en représailles" ; que le FPR a manipulé le gouvernement et "les nationalistes" hutus pour qu'ils commettent des massacres afin que Kagame puisse prendre le pouvoir ; enfin, en même temps, que ce dernier "a fait croire que les Hutus qu'il a fait massacrer en grand nombre étaient des Tutsis".

3. "Le FPR utilise les femmes tutsies pour manipuler tout le monde." L'accusation figurait déjà dans le "Manifeste des Bahutu", considéré comme un document préparatoire au génocide. Pierre Péan la reprend telle quelle, notamment pour expliquer des "dysfonctionnements dans le dispositif français" au Rwanda avant le génocide, en soulignant "l'infiltration de femmes tutsies auprès de nombreux Français" - qui vérifiaient l'ethnie des séductrices sur leur carte d'identité avant de succomber à leurs charmes ?

4. "La Belgique est complice du FPR." Là où les extrémistes hutus se contentent de l'affirmer, notre confrère français fignole avec une décoiffante démonstration : les coupables sont les libéraux francophones de Jean Gol, assoiffés de pouvoir, eux aussi, qui appuient le FPR pour faire chuter le gouvernement de "leurs ennemis de la démocratie chrétienne". Au bout du compte, "l'impulsion qu'il (Jean Gol) donna, reprise après sa mort, le 18 septembre 1995, par Alain Destexhe et Guy Verhofstadt, a finalement balayé les sociaux-chrétiens tant abhorrés et a remis la famille libérale au pouvoir en 1999". Les Belges, eux, se souviennent que Jean-Luc Dehaene est tombé, en 1999, sur la crise des poulets à la dioxine. Plus insidieux : Péan laisse entendre - sans avancer le moindre indice - que ce sont plusieurs des paras belges assassinés au début du génocide par les extrémistes hutus, dont le lieutenant Lotin, qui avaient amené à Kigali les missiles qui ont abattu l'avion du président Habyarimana.

Plus généralement, on est frappé par le goût de Pierre Péan pour les attaques ad hominem, rédigées comme des fiches de renseignement, destinées à nuire à ceux qui ne défendent pas sa thèse (des "anti-France", s'emporte-t-il) et parfois fondées sur des inventions - si j'en juge par les quelques lignes qui me sont consacrées.

Notre confrère semble coutumier du fait : s'il encense aujourd'hui le juge Bruguière, qui, sur la base du témoignage du déserteur Ruzibiza, accuse le FPR de l'attentat contre l'avion présidentiel, Péan, en 2001, dans son livre Manipulations africaines, accusait le même magistrat - qui avait alors le tort de soutenir une autre thèse que la sienne sur les auteurs de l'attentat de 1989 contre un DC10 d'UTA - d'utiliser des méthodes "expéditives" et décelait "un côté barbouze" chez M. Bruguière, dont les affaires se révélaient "vides ou mal ficelées".

Bref, s'il doit bien se trouver du vrai dans la littérature de M. Péan, il est enfoui dans une telle panade qu'on ne le reconnaît plus. Oui, le FPR a commis des massacres et peut-être est-il l'auteur de l'attentat contre l'avion de Juvénal Habyarimana. Mais l'ouvrage de notre confrère français manque sa cible : il ne nous fait pas oublier que ce sont les extrémistes hutus qui ont préparé et exécuté le génocide de 1 million de personnes et ne nous convainc pas que la France - dont un officier commandait l'armée hutue à partir de février 1992 - n'y est pour rien.


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Marie-France Cros, La Libre Belgique (Bruxelles)
© Copyright Courrier International

 

Marie-France Cros construit-elle une contre offensive à la mesure des menaces de la vérité et de la Justice? La Libre Belgique doit-elle encaisser les erreurs de son journaliste ? Une autre question. Si oui, combien ce journal a-t-elle touché pour que Marie-France Cros publie si longtemps le mensonge qui a entraîné autant de morts? Une autre question.
Ainsi donc, il déplaît à Marie-France Cros de voir Pierre Péan décrire les crimes tant journalistiques que  des crimes contre l’humanité qu’elle a commis voilà plus de 10 ans, de voir Pierre Péan décrire  ses comportements tels qu’ ils sont et enfin de démontrer aussi de façon professionnel, par des faits et des arguments irréfutables, que cette dame sans scrupules a longtemps menti et a collaboré avec le FPR pour faciliter des massacres sans nom non seulement des Hutus mais aussi des Tutsis couvrant ainsi largement et de toutes ses forces les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les crimes de génocide du FPR, le vrai responsable du génocide des Tutsis d’une part et celui des Hutus d’autre part.
 
Celle qui a conçu les labels de « Hutus Modérés » et de « Hutus extrémistes »,  se voit au centre du point de mire des critiques et de la Justice Internationales. Maladroitement et sans respect pour son collègue, elle se permet de le traiter de tous les maux, espérant ainsi être entendu quelque part comme elle le faisait avant. Mais non ! Le crime a été consommé mais ça ne va pas marcher cette fois-ci. Et ça ne sera plus comme avant. Le jour du châtiment approche, à toute vitesse ou lentement ceci n’a pas d’importance pour moi, c’est vous qui le sentez et qui le vivez Madame. Que vous le vouliez ou pas, tout devra ressortir et la Vérité éclatera au grand jour. Les conséquences seront lourdes, je comprends votre réaction. Évidemment, lorsque le jour arrive, la nuit disparaît. Ca vous le savez au moins. Ce qui vous arrive, Madame, ne fait que respecter les lois de la nature et vous ne pourrez pas y échapper.
 
Netters,
 
Il reste donc à Marie-France Cros de répondre de ces crimes comme l’ont été ses compères journalistes accusés d’avoir propagé des rumeurs et des mensonges. Pendant les années 90 vous avez réussi, madame, parce qu’en période de guerre, la rumeur est tenue pour réalité et elle a su optimiser son temps puisque personne n’avait le temps d’y réfléchir. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Comprenant qu’elle n’est plus la seule à parler comme avant, et comprenant aussi le danger de la démocratie d’Opinion de plus en plus imposante, elle lance une bataille sans merci mais sans y croire vraiment – et pour  cause – surtout contre la France comme cela a toujours été sa stratégie de catégoriser et de généraliser.
 
Cette fois ci, elle prend pour cible Le pays des Droits de la Liberté de la personne et la mère de la publication des droits de l’homme. Ridicule. Comment réagit-elle de cette façon(esprit grégaire) comme un chien mordu en confondant la France à Pierre Péan, un individu pour dire que tous les Français contre-attaquent! Le ridicule ne tue pas disent les bons observateurs.
 
La France n’as pas encore fait de contre-offensive, Madame, détrompez-vous. Ce n’est que le début d’une longue période de Tsunami cette fois-ci de du retour de la vérité et de la Justice. Elle se sent simplement pris au piège. Il ne s’agit pas non plus de règlement de comptes personnels. Il s’agit de dire la vérité, rien que la vérité sur ce qui s’est passé au Rwanda, de relire ce que journalistes dieux ont fait croire au monde pendant des décennies. Combien d’argent a-t-elle encaissé pour avoir sali impétueusement  et traîné dans la boue toute une nation.
 
 
Jean-Christophe, Libre Penseur
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