DHR* MON TÉMOIGNAGE SUR LE GÉNOCIDE ET AUTRES MASSACRES EN 1994

Vendredi 23 juillet 2010 16h55

De:

"Tito Kayijamahe" <kayijamahe2000@yahoo.com>

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"sharangabo rufagari" <sharangabo.rufagari@gmail.com>

 

 

Netters,

 

Je suis surpris par cet écrit de Olivier Nduhungirehe car je ne peux en aucun cas exploiter la mort de son petit frère non seulement parce que je connaissais Janvier mais aussi parce que la famille de Olivier est très ami avec ma famille. Loin de moi alors d'avoir cette idée d'exploiter sa mort. Pourquoi ? J'ai répondu à la question de Sharangabo qui me demandait le nom du frère d'Olivier c'est tout. Si cela a été interprété comme l'exploitation de la mort de Janvier je m'en excuse énormément.

 

Par contre, bien que la famille d'Olivier soit amie à ma famille, je ne suis pas d'accord avec le choix qu’Olivier a fait de soutenir le régime dictatorial de Kigali. Le fait que Olivier veut toujours minimiser les tueries, les massacres , les arrestations et emprisonnement du peuple Rwandais par le FPR fait de lui un cible potentiel des colères et énervement des netters sur le forum tellement que certains veulent toujours lui rappeler que même son frère a été tué par le FPR qu'il défend.

 

Parlant sur la circonstance de la mort de Janvier (tel qu’Olivier l'a raconté) je peux affirmer que mon petit frère Claude a été tué dans les mêmes circonstances à Kacyiru le 13 Avril à 6 du matin. Les nyumbakumi du quartier ou nous vivions dans les maisons de la Caisse social à Kacyiru avaient obligé tout le monde à participer dans des rondes de nuits et c'est dans ces circonstances que nous nous sommes retrouvés dehors avec les autres. 

 

C'était un quartier des intellectuels (maisons de Caisse social et Minitrape) et dans les rondes il y avait les tutsi et les hutu ensemble. Malheureusement, bien avant que les nyumbakumi nous ordonnent de participer dans les rondes il y a eu trois familles tuées par les interahamwe (la famille de Michel et Charlotte, la famille da Sano, et une autre famille dont je ne me souviens plus le nom). Ils ont voulu aussi assassiner la famille de Mugabowindekwe et sa femme Catherine heureusement ils se sont cachés chez les voisins avant l'arrivée des interahamwe.

 

Le 13 Avril 1994, nous finissions nos rondes et nous nous apprêtions à aller dormir quand soudainement nous avons vu beaucoup de militaires du FPR qui aller à pas de course attaquer la gendarmerie de Kacyiru. Leur chef est resté derrière et s'est approché de nous et nous a demandé de ne pas bouger. Il a répéter que il va tirer sur celui qui va bouger. Et tranquillement il a commencé a tiré en visant la tête à bout portant sur chacun de nous. Moi la balle a sifflé au dessus de ma tête et je suis tombé dans les cadavres. Sur 12 personnes présentes, seuls moi et Safari Nyandwi ont eu la vie sauve.

 

J'étais avec les gens qui habitait dans le quartier comme Mohamoud Rahamatar, Karangwa, Iréné Kayibanda, Safari Eugène (surnommée Kisedeki), Claude mon petit frère, Kagina le volleyeur et d'autres. Heureusement que d'autres étaient déjà parti le bilan aurait été très lourd. Je citerai notamment parmi ceux qui étaient déjà parti comme l'ancien ambassadeur de Hollande Bizimana Jean Pierre, procureur Mutashya, Ngenzi, Pierre Ntivunwa, etc...  En peu de mot, il y’avait les hutu et les tutsi dans cette ronde.

 

Le militaire qui nous a tiré dessus ne pouvait pas nous confondre avec les interahamwe puisque nous n'avions pas d'armes ni des uniformes des interahamwe ni des cartes d'interahamwe. Les militaires du FPR tuaient toute personne qu'ils rencontraient sur son chemin sans discernement. J'imagine que c'est dans ces circonstances que le jeune Janvier Nduhungirehe est mort.  C’est le cas de plusieurs personnes aussi.

 

Pendant ce temps mon grand frère (adoptif) Félix qui vivait à Nyamirambo a été tué par les interahamwe. Ce que j'ai vu pendant cette période est pire et j'ai eu des cauchemars pendant 15 ans. Malgré cet assassinat de mon frère je ne pouvais me résoudre à suivre le gouvernement des Kambanda et Sindikubwabo à Gitarama vu les atrocités et les tueries des interahamwe qui chassaient les tutsi partout et vu mon implication personnelle aussi dans la parti d’opposition PL que j’ai représenté à l’Université campus de Nyakinama comme vice président dans l’association des étudiants AGEUNR en 1992-1993.

 

Après, je me suis refugié avec ma famille à l'hôpital Roi Fayçal et plus tard nous sommes allés à Byumba dans la zone du FPR.

En chemin dans la zone du FPR, nous avons rencontré beaucoup de cadavres, certains tués par les interahamwe et d'autres tués par les inkotanyi.

 

Dans la zone contrôlée par le FPR à Byumba, il suffisait que quelqu’un te pointe du doigt en disant que tu es un interahamwe pour que tu sois exécuté sur le champ. Beaucoup sont morts parce qu'ils étaient originaires du nord ou parce qu'ils étaient membre du MRND ou du MDR POWER. C'est le cas de Muhaturukundo et sa famille, de Kayinamura et sa fille Oda, de Baliyanga Alfred, Alphonse le mari de Jacqueline Sebukangaga, etc...

 

Puisque les jeunes étaient enrôlés de force dans les rangs du FPR dans cette zone, j'ai juré que je ne deviendrai jamais militaire si pour être militaire équivaut à assassiner les gens. Heureusement j'ai pu obtenir le fameux KIBALI pour quitter Byumba, avec l’aide d’un jeune ami que nous avons grandi ensemble à Nyamirambo, pour aller à Kampala vers mi-mai 1994.

 

Vu les atrocités et le génocide commis par les interahamwe en tuant les tutsi et les hutus de l’opposition ou issus de famille mixte, et vu les atrocités du FPR qui tuaient sans discernement sur la population, je me suis résolu à cet instant à combattre tous le criminels de tous bords.

 

Le peuple Rwandais mérite la justice.  

 

 

ALAIN PATRICK NDENGERA

Montréal,