RWANDA:

Paul Kagame et l'Église catholique : une réconciliation est-elle possible ?
Burundi Réalités 01/02/06
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Par David Ndayiragije


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Bujumbura, Janvier 25, 2006 (Burundi Réalités) - Au village Urugwiro, le représentant du Pape au Rwanda s’est adonné aux louanges qui frisent l’hypocrisie en direction du Président Rwandais. Selon le New Times, Mgr Anselmo Guido Pecorari, nonce apostolique au Rwanda, parlait au nom du corps diplomatique accrédité à Kigali lors d’une cérémonie de présentation de vœux le 13 janvier dernier.


Mgr Anselmo Guido Pecorari a alors fait observer que grâce au leadership visionnaire et fort de Paul Kagamé, le Rwanda a pu enregistrer de divers succès. Pour lui, «le peuple Rwandais devrait être fier d’avoir un président si assidu. Ce que le président a fait n'est pas un exploit facile vu la situation qui était existante avant de son arrivée au pouvoir» a-t-il fait savoir avant d’inviter tous les dignitaires comme lui, à se rassembler derrière l’homme fort de Kigali et lui prêter mains forte pour la reconstruction de la nation rwandaise. Selon toujours Mgr Pecorari, c’est grâce à Kagamé que le Rwanda a recouvré une reconnaissance internationale en peu de temps malgré son passé regrettable.

S’agissant des tribunaux populaires Gacaca, le nonce apostolique a estimé qu’ils jouaient un rôle essentiel dans l’enracinement de la paix dans le pays.


Sur le plan international Mgr Anselmo Guido Pecorari a félicité la décision d’envoyer des troupes de maintien de la paix tant dans le cadre de l’UA que dans celui de l’ONU. Pour le nonce, le fait que les Nations Unies ont choisi les forces rwandaises pour des missions internationales «est un indicateur de la façon dont ces forces ont énormément métamorphosé les temps passés»
Et Pecorari d’ajouter : M. le président, nous ne pouvons pas oublier d'applaudir votre contribution vers l'organisation réussie des élections au Burundi, votre détermination totale en faveur d’une région des Grands Lacs pacifique. C’est également notre souhait comme ambassadeurs de nombreux pays d’inspirer ensemble la paix dans cette région».


Dans son discours, le Président Paul Kagame a, quant à lui remercié les dignitaires présents pour avoir honoré son invitation et pour l’avoir appuyé. Selon Paul Kagamé, «l’an 2005 a été très fructueux. C’est une année pendant laquelle on a assisté à un éloignement significatif de conflits». Il a par ailleurs déclaré qu’il était convaincu que par la coopération, le Rwanda peut réussir le développement et la prospérité qui lui tiennent à cœur depuis des années. «L'annulation de nos dettes accroîtra notre détermination pour bien gouverner et pour libérer sagement d'autres ressources requises pour l'investissement dans le socio développement économique de nos populations», a dit Kagame.


Sur la question de bonne gouvernance, Kagamé a reconnu que quelques problèmes existent mais a mis en garde contre la volonté des partenaires au développement d'influencer l’administration et la gestion de la politique de son pays. Pour lui, les donataires doivent respecter leurs partenaires. «Je ne pense pas que la démocratie dans notre pays peut être installée par les puissances étrangères», a-t-il martelé.


Au sujet de la démobilisation, Kagame a indiqué que le programme était en marche ajoutant cependant que le défi était le taux de retour insuffisant de la milice FDLR présente en République démocratique du Congo. Nous continuerons à tendre une main d'accueil à ceux qui choisissent de revenir et nous espérons que la communauté internationale nous aidera en conséquence», a insisté Kagame.


Il a par ailleurs ajouté que les élections réussies au Burundi voisin lui ont donné l’occasion d’être optimiste au sujet de la paix régionale particulièrement maintenant que le peuple congolais a voté pour une nouvelle constitution. «Nous continuerons à souscrire à l'idée de la coopération et du combat de la région contre la pauvreté répandue sur le continent africain» a souligné le Président Rwandais avant de demander aux diplomates d’appuyer les tribunaux Gacaca et le processus de décentralisation.


Si les déclarations du Président rwandais n'ont surpris personne pour ceux qui le connaissent, il n'en est pas de même de celles du nonce apostolique Pecorari. À travers l’intervention de ce dernier, on remarque une certaine volonté d’amadouer le président Kagamé. Tout le monde, y compris lui-même, sait pertinemment que de telles déclarations contrastent avec les réalités sur le terrain. En effet, peut-on dire que le nonce apostolique a déjà oublié qu’il y a plus de 8 mille réfugiés rwandais au Burundi qui ont fui les tribunaux Gacaca ? A-t-il oublié que c’est Paul Kagamé qui est à l'origine des massacres de plusieurs millions de personnes dans la région des Grands Laces ? N'est-il pas au courant que Gacaca est composé des juges voués à la cause du FPR? Et les ingérences continuent de la DMI et de l' association IBUKA dans les tribunaux Gacaca lui sont-elles inconnues?


Les affirmations du nonce apostolique ne sont vraiment pas convaincantes car il y a seulement trois mois, juste après l'arrestation du prêtre belge Guy Theunis en septembre 2005, le même Mgr déclarait au journaliste de radio Vatican ce qui suit: «Le gouvernement rwandais a toujours dit qu'il voulait maintenir de bonnes relations avec le Saint-Siège, mais nous notons certains signes préoccupants. Ils pourraient signifier la volonté d'engager l'Église dans l'accusation fausse mais récurrente, d'avoir soutenu l'idéologie révisionniste et génocidaire»(intervention accessible sur www.africamission-mafr.org).


Poursuivant son intervention sur Radio vatican, le représentant du pape au Rwanda avait déploré le fait que même l'archevêque de Kigali avait été convoqué par un tribunal Gacaca avant de dire ceci: «Nous ne voudrions pas que ce soit un signal de détérioration de la situation envers les missionnaires, à commencer par les Pères Blancs, qui ont été évangélisateurs au Rwanda».

De toute évidence, personne ne peut affirmer que Anselmo Guido Pecorari ignore ce qui se passe au Rwanda. Visiblement, il tente désespérément de forcer une réconciliation entre l’église catholique et le pouvoir de Kigali. Il est à noter que certains analystes affirment que le plan Pecorari consiste à redorer l'image de l'église catholique dans les yeux de Kigali qui l'a constamment accusée de s’être rendue complice du génocide de 1994.

Mais la question majeure est celle de savoir si Kagame acceptera cette réconciliation pour le moins utopique. En effet, d'une part, Pecorari sait bel et bien que Kagame est loin d'être celui qu'il décrit. D'autre part, l'église ne doute point que Kagame continuera à l`impliquer dans le génécide tant et aussi longtemps qu'elle ne lui aura pas demandé officiellement le pardon lequel, pour être efficace, devra être accompagné d'une enveloppe consistante comme l'ont fait les USA. Or, un tel exercice est des plus humiliants pour l'église. D'où la volonté du nonce apostolique de calmer petit à petit le jeu dans l'espoir que l'homme fort de Kigali renonce, à tout le moins, aux accusations publiques contre l'église catholique.
Source: Intambwe